En rencontrant Bruce, de 12 ans son aîné et papa de deux grands garçons, Andrée-Anne Frigon n'a pas changé d'idée : elle voulait des enfants. Mais son mari avait subi une vasectomie... qu'un coup de bistouri a corrigé. Associé à un traitement en clinique de fertilité, Andrée-Anne a pu devenir enceinte.
Au moment de l'échographie, ce qu'ils pressentaient s'est confirmé : les trois embryons implantés se portaient à merveille.
« Depuis le début, on avait dit — mon mari a un petit côté macho : "C'est certain que les trois, ça va prendre" », se rappelle-t-elle. Après confirmation de la technicienne, les amoureux se sont tapé dans les mains! Leur famille était complète.
Emerick , Caleb et Delphie sont nés à 29 semaines et ont reçu des soins à l'hôpital pendant 63 jours.
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« Il fallait que je tire le lait, que je l'amène à l'hôpital » se rappelle-t-elle. « Quand [les bébés] pèsent 2,4 livres, 2,14 livres et 3,2 livres, ça ne boit pas beaucoup. On était structurés, organisés. Mon mari est militaire : il est organisé de nature. »
Depuis, avec trois enfants du même âge, difficile de passer inaperçue. Andrée-Anne se fait souvent poser ces questions :
1) « As-tu une garderie? »
« Non, ce sont les miens! », lance-t-elle en riant. « J'avais 35 ans. Je n'aurais pas eu la chance d'en avoir trois de suite. Je pense que celui qui a décidé du plan de ma vie a bien décidé. [...] On n'a jamais regretté. »
Andrée-Anne estime par ailleurs qu'il y a beaucoup de mythes entourant les naissances multiples. « Les gens pensent que c'est exponentiellement difficile. Mais non : ce n'est pas trois fois plus difficile qu'un seul », soutient-elle.
Elle y voit même certains avantages. Par exemple, l'épisode « couches » a duré en tout et pour tout deux ans. « C'était du travail à la chaîne, mais c'était fait et c'était fini », note-t-elle.
Idem pour les biberons. « Ce n'est pas si difficile que ça quand on est bien organisés. Et j'ai un bon mari qui contribue, qui adore les enfants », souligne-t-elle.
Le couple, qui habite Ottawa, a également fait des choix. « Les traces de doigts dans les fenêtres, maintenant je vis avec », expose-t-elle. « Ce n'est pas une priorité. »
2) « Est-ce que vous les avez eus de façon "naturelle"? »
« Dépendamment de l'humeur dans laquelle je me sens, des fois je dis : "Ils sont surnaturels" », lance André-Anne. « Des fois, je raconte l'histoire ou je leur dis que ce n'est pas une question appropriée, on ne se connaît pas vraiment. »
Quoi qu'il en soit, Andrée-Anne sent que cette question est toujours posée de « bon coeur ».
3) « Est-ce que c'est courant des triplés dans votre famille? »
Le mari d'Andrée-Anne a une soeur jumelle. Les gens sont donc portés à faire le lien... mais la biologie de belle-maman n'a pas pu affecter celle d'Andrée-Anne! Il lui arrive donc de faire une certaine « éducation » auprès des gens qui l'abordent.
Malgré leur organisation bien huilée, Andrée-Anne reconnaît qu'il est difficile de garder du temps pour soi ou pour la vie de couple. « Je me force à prendre du temps pour moi. Et mon chum m'encourage », souligne-t-elle.
Pour la fête des Mères, elle s'est ainsi offert une sortie... dans le rayon des cosmétiques de la pharmacie!
4) « Est-ce que vos triplés sont identiques? »
Réponse rapide : non!
Identiques ou pas, les trois petits, à quatre ans est demi, ont de l'énergie, mais ils sont « faciles », précise leur mère.
Bien sûr, le quotidien est très occupé. « Je suis humaine : je ne suis pas toujours patiente. Mais on va prendre des marches! Parce que c'est beaucoup de bruit. [...] Il faut s'habituer à ça. On apprend à aimer les décibels », lance-t-elle.
Pour encadrer le niveau sonore, elle a même établi un système avec les enfants, allant de 1 à 10. « Quand on joue dehors, on crie, on peut parler à 9 ou 10 », explique-t-elle. « Mais autour de la table, c'est 2. [...] Et quand on chuchote, c'est 1. »
5) « Les as-tu eus par "incinération?" »
C'est la meilleure question, selon Andrée-Anne! Tout en comprenant que la personne en question voulait dire « insémination », elle n'a pu s'empêcher de lui répondre, avec humour : « Est-ce que je sens le brûlé?! »
Si certains commentaires font sourire, d'autres serrent le coeur d'Andrée-Anne, notamment : « Je ne voudrais pas être à ta place ».
« Comme si c'était une punition, une malédiction », soupire-t-elle, ce qui n'est vraiment pas le cas pour elle et son mari.
Les réactions varient cependant, en fonction parfois de l'origine culturelle. Au Moyen-Orient notamment, une vaste famille est une bénédiction.