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Entrevue : Quel est le plan de Philippe Couillard pour sortir le Québec du pétrole? (VIDÉOS)

Entrevue : Quel est le plan de Philippe Couillard pour sortir le Québec du pétrole? (VIDÉOS)

QUÉBEC – Dans ce second volet tiré d’une longue entrevue, le premier ministre Philippe Couillard revient sur son plan pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans la province.

Alors que la ministre fédérale de l’Environnement, Catherine McKenna, plaide pour une taxe nationale sur le carbone, Philippe Couillard prévient qu’il n’est «pas question» que le Québec délaisse le marché du carbone pour se plier à une politique pancanadienne.

De plus, le premier ministre assure que le Québec pourrait s’opposer au projet d’oléoduc Énergie Est, si le BAPE soulève des «facteurs majeurs» qui rendent le projet inacceptable.

Pour lire le premier volet de cette entrevue, sur l’éducation, cliquez ici.

Le Québec s’est engagé à faire reculer ses émissions de GES de 20 % d’ici 2020, par rapport à 1990, puis de 37,5 % d’ici 2030. Or, elles ont seulement diminué de 8,6 % depuis 1990. Est-ce que le Québec doit donner un grand coup de barre pour atteindre ses cibles de réduction des GES?

Le problème avec les émissions, c’est que les chiffres sont décalés de plusieurs années. Mais il est clair qu’il y a un gros effort à faire autant pour 2020 que pour 2030 ou 2050. Il faut bien savoir où doivent porter les efforts. La source de nos émissions actuelles, à 45% environ, c’est le domaine des transports, particulièrement le domaine du transport lourd. C’est là, par exemple, qu’un projet comme le train électrique de la région de Montréal prend tout son sens. Ou le projet d’électrification des transports en général. L’utilisation de gaz naturel liquéfié, plutôt que du diesel ou du mazout comme carburant, également.

Changer les habitudes de la population est difficile. Pourriez-vous envisager des mesures contraignantes?

[…] Je pense que sur la question climatique, environnementale, il existe au Québec un bon consensus, notamment sur le fait que la lutte aux changements climatiques doit être vue comme un facteur de développement économique, et non pas un frein au développement économique.

Ça m’apparaît excessivement important parce que si le message à la population est ‘on va faire ça ensemble, mais vous allez perdre votre emploi’, je ne pense pas qu’on va faire beaucoup de gains. Par contre, si le message est que vous allez garder votre emploi, mais vous pourriez même avoir un emploi encore plus intéressant et valorisant, grâce à ces nouvelles activités, là je pense que c’est mieux accueilli par la population.

Crédit : Alice Chiche

Si le Québec doit réduire ses émissions de GES, pourquoi appuyez-vous des projets d’exploitation des hydrocarbures, notamment dans la péninsule gaspésienne, en plus de ne pas vous opposer formellement au passage de l’oléoduc Énergie Est, sous les conditions que vous avez déjà énumérées?

Brièvement, sur Énergie Est, nous avons établi des conditions comme vous l’avez mentionné, nous n’avons pas encore annoncé notre opinion finale. Elle va être présentée à la Commission nationale de l’énergie sur la base du rapport du BAPE.

Vous pourriez vous opposer?

Si le BAPE montre qu’il y a des facteurs majeurs qui font en sorte que le projet n’est pas acceptable, certainement. Mais il y a des arguments potentiels qui militent en faveur du projet. Il faudra les soupeser et les arbitrer.

Mais le Québec n’a pas le pouvoir de s’opposer au passage de l’oléoduc…

Politiquement, il faut se rendre compte que nous sommes la deuxième plus grande province au Canada. Et c’est le seul endroit où l’infrastructure est totalement nouvelle. C’est ce que je rappelle continuellement à mes collègues d’ailleurs. […] À partir de Montréal, il s’agit d’une infrastructure nouvelle qui traverse les communautés, les cours d’eau, dont le Saint-Laurent. Dans n’importe quelle autre province canadienne, ça susciterait d’énormes questions et des débats. On l’a vu en Colombie-Britannique.

Est-ce que le Québec aurait la capacité de bloquer le projet, s’il le décidait?

Encore une fois, c’est une question de poids politique. Également, on doit émettre des certificats d’autorisation pour les stations de pompage le long du trajet. Ceci dit, j’ai bon espoir qu’on aura un débat éclairé avec le BAPE et que l’Office national de l’énergie nous entendra quant à la position du Québec.

Et pourquoi ne pas freiner les autres projets d’exploitation des hydrocarbures au Québec, si la province doit réduire ses émissions de GES?

Je ne vois pas de contradiction entre le fait de vouloir avoir une exploitation limitée et encadrée des hydrocarbures au Québec. C’est une longue transition qui s’engage. Ce n’est pas vrai que, du jour au lendemain, on va mettre l’interrupteur à off pour l’utilisation des hydrocarbures. On fait face à plusieurs décennies, probablement le reste du siècle, de transition.

Dans le cas des hydrocarbures, le gaz naturel est vu comme une source d’énergie de transition qui est très acceptable en termes d’émissions et de respect environnemental. C’est le cas du projet Bourque, en Gaspésie.

Que pensez-vous de l’idée d’une taxe nationale sur le carbone, proposée par le gouvernement fédéral?

En autant qu’elle n’entre pas en conflit avec notre marché du carbone, ça pourra être discuté. Mais, nous on a déjà un prix sur le carbone, c’est important de le réaliser. Non seulement avec le marché du carbone — les enchères faites avec la Californie et bientôt l’Ontario —, mais on a des taxes spécifiques sur l’essence également qui font qu’il y a un signal de prix très fort, au Québec, sur le carbone. […]

Mais il n’est pas question pour le Québec de quitter le marché du carbone pour se soumettre à un plan pancanadien?

Non, il n’en est pas question. Les avantages [NDLR : du marché du carbone] pour le Québec sont très grands; ça nous donne des ressources qu’on n’aurait pas sinon. L’argent qu’on a, par exemple, pour soutenir l’achat de véhicules électriques, ça vient du Fonds vert. La lutte contre l’érosion côtière, les mesures de mitigation dans les industries, les projets de transport collectif, on n’a pas l’argent pour ça. Alors, ces ressources importantes, environ 3 milliards $ si je me souviens bien, vont nous permettre de faire des choses qu’on n’aurait pas pu faire sinon et qu’on doit faire.

En quoi est-ce que le marché du carbone est préférable à une taxe sur le carbone?

C’est une question de choisir la cible. Lorsque vous taxez le carbone, vous faites une cible très large et non discriminée qui éventuellement repose surtout sur les consommateurs. L’émetteur lui-même n’a pas de responsabilité là-dedans. Tandis que le marché du carbone, même si une partie du prix se retrouve dans le signal du consommateur, il met le fardeau sur l’émetteur. Parce que cette personne a le choix de dire ‘est-ce que j’utilise l’argent de ma compagnie pour développer mon entreprise, investir, ou j’achète des crédits de carbone?’. Il y a là un signal de mécanisme de marché très intéressant.

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Philippe Couillard

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