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Prolongement de la ligne jaune: Les défis du transport collectif en banlieue

Prolonger la ligne jaune, ou faire face à la réalité de l'étalement urbain
Véronique Lewandowski

» Ce texte a été publié dans le cadre de «Rêver le métro», une vaste analyse de données qui s'est penchée sur la question du prolongement des lignes de métro à Montréal. Consultez le dossier au complet ici.

Trains de banlieue, ligne d’autobus vers le centre-ville, terminus Longueuil-Université de Sherbrooke et futur système léger sur rail : la Rive-Sud semble, à première vue, bien desservie en termes de transport collectif.

L’analyse de données réalisée par le Huffington Post Québec pose tout de même la question de la pertinence d’un prolongement de la ligne jaune. Bien que loin derrière les lignes orange et bleue dans la liste des priorités, il existerait tout de même une demande justifiant que cette ligne se rende plus loin dans la couronne Sud de Montréal.

Lorsqu'il est question de transports collectifs, il convient de rappeler que Longueuil est surtout une banlieue de par son nom. Côté distance, «il ne faut pas oublier que Longueuil c’est très proche du centre-ville», rappelle Christian Savard, directeur-général de Vivre en ville, lui-même originaire de la région.

Ce que nos données révèlent...

Les secteurs de Longueuil-Est et du Vieux-Longueuil représentaient un bassin de population inférieur à ceux considérés dans nos autres scénarios de prolongement du métro. On parle au total d’environ 26 000 usagers potentiels dont environ 46% se déplacent déjà en transport collectif. L’attrait d’un prolongement de la ligne jaune réside plutôt dans la proximité de ce secteur du centre-ville, de la distance moins grande à parcourir en termes de construction de tunnels et dans les coûts prévus, qui sont inférieurs à ceux des autres scénarios.

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Quand il est question d’étalement urbain, le pragmatisme s’impose. «Si on veut combattre l’étalement urbain, on aime mieux que ce soit Longueuil que Mirabel ou Saint-Jean-sur-Richelieu qui se développe», ajoute Christian Savard.

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Pour Axel Fournier, porte-parole à l’Association pour le transport collectif de la Rive-Sud (ATCRS), il faut cesser d’analyser les choses comme étant une lutte binaire «ville contre banlieues». «Tant qu’on demeure dans un périmètre qui est déjà urbanisé, c’est pas un problème. Le problème a été créé quand on a permis un étalement urbain dans les années 60 et 70.» De nos jours, la réalité est qu’«il y a des pôles qui sont situés en banlieue et qu’on doit desservir en transport collectif.»

Que ce soit le Vieux-Longueuil ou les pôles d’emploi en périphérie, la Rive-Sud contribue à faire de Montréal une région polycentrique aux besoins en transport variés.

«On n’est pas dans l’étalement, on est dans de l'utilisation concrète, réelle», fait remarquer Michel Veilleux, nouveau directeur-général du Réseau de transport de Longueuil (RTL), qui ajoute qu’en desservant 26 000 personnes entre 6 et 9h le matin, la seule station de métro de la Rive-Sud est la plus achalandée à l’heure de pointe matinale.
La présence du pont Jacques-Cartier rend difficile l'accès à la station Longueuil-Université-de-Sherbrooke le matin.

Oui, mais jusqu’où?

Pour faciliter l’accès à la station Longueuil-Université-de-Sherbrooke — qui est coincée entre la route 132 et le pont Jacques-Cartier — et pour utiliser des terres publiques pour le développement urbain — dans le secteur de la Pointe de la voie maritime, entre autres —, Michel Veilleux perçoit le prolongement jusqu’à l’hôpital Pierre-Boucher (station Jacques-Cartier, voir carte ci-haut) comme une priorité. «On parle de 70 000 utilisateurs par jour sur le prolongement», estime le haut-placé du RTL.

Selon Axel Fournier, l’achalandage actuel justifierait une extension de la ligne jaune jusqu’au cégep Édouard-Montpetit (station Chambly, voir carte ci-haut). «Les lignes de bus [menant au cégep] du Réseau de transport de Longueuil sont assez achalandées», explique-t-il. Et pas juste pour les gens venant de Montréal : beaucoup de lignes arrivant du sud convergent à cet endroit, ce qui en fait un «pôle de correspondance».

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Pour Craig Sauvé, porte-parole en matière de transport chez Projet Montréal, toutefois, le bassin d’usagers potentiels présenté dans notre dossier ne justifie pas, pour l’instant, un prolongement. «Pour le métro, il faut plutôt 50 000 à 100 000 personnes.»

Prolonger… vers le centre-ville?

Il n’a pas été pris en compte dans notre analyse des données de l’étude Origines-Destinations, mais un autre projet concernant la ligne jaune a déjà été proposé dans le passé : celui de la prolonger de Berri-UQAM jusqu’à la rue McGill.

Pour Craig Sauvé, si le potentiel sur la Rive-Sud n’est pas totalement convaincant, celui d’aller dans l’autre direction l’est. «Les lignes orange et verte au centre-ville sont très engorgées et ça pourrait aider à maintenir une meilleure offre de service», estime-t-il. Et les Longueuillois qui ont le centre-ville comme destination finale à l’heure de pointe du matin sont très nombreux — environ 11 500 personnes selon notre analyse.

«Le projet n’a jamais fait l’affaire des élus de Montréal, mais ça aurait pu répondre à plusieurs besoins», ajoute Paul Lewis, doyen de la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal.

mcgill metro

L'intérieur de la station de métro McGill.

Axel Fournier arrive à la même conclusion en ce qui a trait aux deux stations qui suiveraient le cégep. Selon lui, la demande ne le justifie pas encore, mais l’implantation sous peu du Réseau rapide d’agglomérations, qui ferait transiter plusieurs lignes d’autobus sur le boulevard Jacques-Cartier, pourrait changer les choses.

«Le défi du métro en banlieue, c’est d’avoir des rabattements d’autobus, parce que la densité de Longueuil n’est pas suffisante en soi pour avoir un métro», résume-t-il.

Un coup de pouce de la ligne bleue

Comme la majorité des autres intervenants interviewés dans le cadre de ce dossier, Axel Fournier en convient : la priorité actuelle pour la région métropolitaine, c’est d'enclencher les travaux de la ligne bleue. Pas seulement pour le bien de l’est de l’île, mais aussi pour celui des couronnes.

«Certaines parties de la Rive-Sud en bénéficieraient», estime-t-il, mentionnant les villes à l’est de l’autoroute 20 (Boucherville, Sainte-Julie et Beloeil).

Selon lui, les autoroutes ont cet avantage qu’elles permettent à des lignes d’autobus dédiées de franchir une grande distance en peu de temps. L’autobus 61, par exemple, qui se rend de Boucherville à la station Radisson (ligne verte), pourrait servir d’inspiration à une ligne qui amènerait ses usagers jusqu’à un futur terminus Anjou sur la ligne bleue. La «population étudiante qui se rend à l’Université de Montréal», entre autres, en profiterait grandement.

«Même si on souhaite la ligne jaune, on comprend cette logique-là. Il y a un besoin qui est plus important dans l’est de la ville», conclut le porte-parole de l’ATCRS, entre autres parce que combler ce besoin aura des impacts qui se feront sentir sur les rives Nord et Sud de Montréal.

Sans vouloir «dénigrer le projet» de la ligne bleue, Michel Veilleux souhaite quand même rappeler que des investissements en transports ont été fait récemment dans ce secteur — le train de l’Est et le futur SRB Pie-IX, par exemple — alors que la Rive-Sud n’a pas eu de nouvelle station de métro en 50 ans.

Le «prolongement de la justice» auquel le maire Denis Coderre fait référence lorsqu'il défend la priorité de la ligne bleue vers Anjou se trouve donc peut-être... sur la Rive-Sud, et non dans l’est de Montréal.

Si vous avez des questions sur notre dossier, n’hésitez surtout pas à nous contacter, ça nous fait plaisir! Écrivez à julien.lamoureux@huffingtonpost.com ou daphnee.hacker-bousquet@huffingtonpost.com.

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