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Chrystine Brouillet, la reine du roman policier québécois, publie «Vrai ou Faux»

Chrystine Brouillet publie «Vrai ou Faux»
Maxyme G. Delisle

Que fera Maud Graham après le meurtre de la secrétaire d’une résidence de personnes âgées aimée de tous? Saura-t-elle user de son flair pour déceler les parcelles de vérité qui surgissent, ici et là, parmi les témoignages des résidents? Osera-t-elle faire confiance à un ancien enquêteur à la retraite, qui meurt d’envie de se sentir utile à nouveau? Pourra-t-elle ancrer les fondements de son enquête sur les dires d’un témoin potentiel, dont l’esprit embrouillé par l’Alzheimer le rend confus? Ces questions ne sont que quelques-unes des centaines qui peuplent Vrai ou Faux, le nouveau roman haletant de Chrystine Brouillet.

Dès les premières pages, l’écrivaine apprend aux lecteurs l’identité du tueur, les laissant découvrir comment Graham finira par l’attraper et tout ce qu’il fera pour rester dans l’ombre. Une structure qu’elle adore utiliser dans ses romans.

« Je trouve ça plus inquiétant de connaître tout de suite le coupable. Comme Alfred Hitchcock l’expliquait à propos du suspense, si on voit une boite qui explose dans un film, on a un choc, mais si on voit quelqu’un placer une bombe dans une jolie boîte et la donner à une personne qui ignore ce qu’elle transporte, on se demande chaque seconde ce qu’il va se passer. Et quand le paquet explose, l’effet est décuplé, car on l’a appréhendé. »

Ainsi, Brouillet donne énormément d’informations aux lecteurs que la policière ne possède pas. Une façon de les intégrer à l’enquête et de les inciter à observer Graham à l’œuvre. « J’aime montrer l’habileté de Maud à sentir une situation et comprendre ce qui la poussera vers un type de coupable ou un autre. Dès le départ, elle est persuadée que la secrétaire assassinée connaissait son tueur, puisqu’elle est morte par étranglement. C’est un meurtre intime. Un acte passionné commis par quelqu’un en colère ou qui voulait la faire taire. »

Lieu inusité

Son intrigue est campée dans un foyer de vieux. Un endroit peu exploité en littérature policière qui pourrait sembler contre-indiqué vu le niveau d’intensité relativement peu élevé de ses activités. Mais pas selon l’auteure.

« Les résidences sont remplies de personnes fragiles qui ne peuvent pas se défendre et qui racontent beaucoup de choses qui ne sont pas nécessairement proches de la réalité. C’est fascinant de voir comment une étrangère comme Maud détermine ce qu’elle peut prendre comme du cash ou non. C’est une mine d’or comme univers! »

Un milieu qui lui permet d’explorer les effets du vieillissement, de la retraite et du sentiment d’inutilité qui peut se faire sentir chez ses personnages. « Maud déteste le mot retraite. Mais elle n’a pas le choix d’en entendre parler, depuis que son ex-coéquipier, Rouaix, a pris la sienne. Elle lui en veut secrètement, car il a chamboulé ses habitudes et parce qu’elle doit composer avec les nouveaux qui arrivent. Elle est obligée d’admettre qu’elle ne sera plus au-devant de la scène pour longtemps. »

Un sentiment que partage à moitié Chrystine Brouillet. « Je déteste vieillir! Mais je n’ai aucune inquiétude face à la retraite. Je vais toujours écrire. Personne ne peut me dire d’arrêter, hormis le public, s’il abandonnait Maud Graham. »

Pas de soucis de ce côté, elle qui a remporté le prix du « Meilleur vendeur québécois » au festival de littérature policière Les printemps meurtriers de Knowlton, à la fin mai.

Ironiquement, même si les lecteurs attachés à Graham se comptent par dizaines de milliers, la policière et les personnages qui partagent sa vie privée (Alain, Maxime, Grégoire, etc.) sont beaucoup moins présents que dans ses histoires précédentes.

« Je n’aurais jamais pu faire ça dans mes premiers romans, mais aujourd’hui, le personnage est assez ancré pour apparaître plus tard dans l’histoire et autrement. Comme l’enquête se déroule dans un laps de temps très court, j’ai beaucoup concentré la trame narrative dans ce qui se déroule à la résidence. Lorsque les enquêtes sont plus longues, on voit davantage Graham en famille et autour d’une bonne bouffe. »

« Mais en même temps, on apprend des choses sur ses proches, sur ses parents vieillissants et sur sa façon de composer avec son nouveau partenaire, ajoute l’écrivaine. Rouaix était un genre de mentor pour elle, alors que Joubert est plutôt son égal, en plus d’être le compagnon de Grégoire. Au fond, elle travaille avec son beau-fils. Elle essaie d’établir une intimité entre eux, mais il est très réservé. »

Si son nouveau coéquipier est discret, le témoin principal de l’enquête, Karl Lemay, l’est encore plus. Doté d’une mémoire défaillante et troublé par des souvenirs liés au Ku Klux Klang, le peintre vieillissant déroute Graham.

« C’était le point de départ de mon projet : avoir un témoin dont on doute de la crédibilité. Depuis 25 ans, Maud est habituée de confronter des criminels qui racontent n’importe quoi pour s’en sortir et elle sait comment identifier leurs mensonges. Mais là, elle avance sur des œufs. Elle ne sait pas si elle peut croire Karl. Elle ne peut pas bousculer les autres résidents pour en savoir plus, car ils vont se refermer. Et certaines informations pourraient fuir leur cerveau et disparaître à jamais… »

Donnant l’occasion à l’auteure d’explorer les séquelles d’une enfance violente et les propensions salvatrices de l’art, le personnage de Karl Lemay lui offre également la possibilité de renouer avec sa passion pour les cinq sens. Un intérêt qu’elle avait déployé dans Les Quatre Saisons de Violetta, un roman magico-historique où les notes de musique et les couleurs avaient des odeurs. À l’époque, elle avait pris des cours de parfumerie pour étoffer ses connaissances. Cette fois, elle a fait appel à l’artiste Alexis Martin-Courtemanche pour comprendre la logique interne des couleurs.

« Pour moi, les sons, les couleurs et les odeurs se répondent. Par exemple, je ne peux pas écouter du Sati en hiver. Ça ne fonctionne pas, car sa musique est bleue, elle sent l’iode, la mer et l’ozone. Les couleurs sont vivantes pour moi. J’ai des affections pour certaines et moins pour d’autres, comme avec les gens. Moi, je me sens bien dans le blanc et le noir, alors que le marine me donne l’impression de m’éteindre. Dans le cas de Karl, les couleurs chuchotent à son esprit. À travers lui, j’avais envie de montrer que l’art peut être apaisant. Quand il dessine les fleurs du jardin, il oublie sa condition. Il se concentre pour reproduire la texture d’une fleur, la souplesse d’un pétale et la couleur de la fleur. »

Sauf quand un meurtre trouble son attention…

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