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Aide à mourir: réactions mitigées aux changements apportés par le Sénat

Aide à mourir: réactions mitigées aux changements apportés par le Sénat

La leader intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, trouve "très frustrant" le fait que le Sénat "qui n'a de comptes à rendre à personne" a amendé substantiellement le projet de loi sur l'aide médicale à mourir.

Ce rôle ne devrait pas revenir aux sénateurs non élus, mais bien aux députés élus de la Chambre des communes, qui ont par ailleurs fait "un bon travail" dans ce dossier, croit-elle.

En fait, pour Mme Ambrose, ce qui s'est produit mercredi soir est "le reflet d'un problème plus vaste encore", celui que "des tribunaux font des lois dans ce pays" et que maintenant, "un Sénat non élu change les lois d'une Chambre élue".

"C'est frustrant. C'est très frustrant. (...) Je crois que de nombreux Canadiens sont mécontents du fait que le Sénat ne doit rendre des comptes à personne", a poursuivi celle qui a voté contre le projet de loi C-14 en marge d'une conférence de presse à Ottawa, jeudi matin.

Pour la députée néo-démocrate Hélène Laverdière, le Sénat a le mérite d'avoir adopté un amendement "très logique" que le gouvernement avait rejeté, tant en comité qu'à la Chambre des communes.

"Si le projet de loi peut revenir à la Chambre des communes et qu'on peut avoir le vrai débat qu'on n'a pas pu avoir à cause du bâillon la fois précédente, j'en serais très contente", a-t-elle exposé.

Le Sénat a adopté mercredi soir un amendement remplaçant les critères d'admissibilité contenus dans la mesure législative par ceux édictés par la Cour suprême du Canada (CSC), retirant du coup du texte de C-14 la notion de mort naturelle raisonnablement prévisible.

Ce concept avait été vigoureusement critiqué par de nombreux observateurs, notamment par le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette, qui a applaudi jeudi l'adoption de cet amendement.

"J'ose espérer, vraiment, que le gouvernement fédéral va donner suite à la proposition du Sénat, qui est la proposition la plus sensée à propos de C-14", a-t-il dit du côté de l'Assemblée nationale.

Si la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, s'est dite "préoccupée" par la suppression de ce critère, elle n'a pas voulu dire si le gouvernement accepterait l'amendement.

Sa collègue à la Justice, Jody Wilson-Raybould, n'a pas voulu en dire davantage, se contentant de répéter que "tous les amendements" en provenance du Sénat seraient étudiés.

Elle avait néanmoins signalé mercredi qu'elle était opposée au retrait de cette notion.

"Si nous envisagions de retirer le critère de mort naturelle raisonnablement prévisible, cela élargirait le régime, et l'équilibre que nous avions réussi à atteindre (...) serait à revoir. Nous devrions ajouter des mesures de sauvegarde", avait prévenu Mme Wilson-Raybould.

Les sénateurs sont du même avis. Le leader de l'opposition conservatrice au Sénat, Claude Carignan, a d'ailleurs déposé jeudi un amendement pour inclure dans C-14 une mesure de protection supplémentaire.

Sa proposition stipule qu'une personne qui n'est pas en fin de vie doive obtenir l'autorisation d'un juge d'une cour supérieure pour avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Le juge devrait baser sa décision sur l'avis de deux médecins indépendants et d'un psychiatre indépendant qui confirmerait la capacité de cette personne à fournir un consentement éclairé.

Les ministres Wilson-Raybould et Philpott n'ont pas voulu se prononcer sur cet amendement, qui n'avait pas été déposé au moment où elles ont rencontré les journalistes, jeudi après-midi.

Elles ont également refusé de dire si la chambre haute avait la légitimité d'adopter des amendements aussi substantiels ayant été écartés au préalable par les élus aux Communes.

Mais pour le sénateur libéral indépendant Serge Joyal, il ne fait aucun doute que le Sénat a la responsabilité de protéger des droits des minorités et le respect de la Charte canadienne des droits et libertés.

"C'est la raison fondamentale de l'utilisation du pouvoir du Sénat dans des circonstances exceptionnelles", a-t-il insisté, jeudi.

Le sénateur Claude Carignan a abondé dans le même sens.

"La Constitution existe depuis 150 ans. C'est le système qu'on a et qu'on applique. C'est vrai, on n'est pas élus. Mais les juges non plus", a-t-il fait valoir.

Ping-pong législatif?

Le Sénat renverra vraisemblablement une version amendée de C-14 aux Communes, ce qui laisse entrevoir une partie de ping-pong législatif entre les deux chambres.

Si un projet de loi est amendé au Sénat, un message sur les amendements est expédié à la Chambre des communes pour lui demander son assentiment. Si les deux chambres ne s'entendent pas, elles peuvent proposer des amendements jusqu'à ce qu'il y ait entente.

Les députés sont prêts à y travailler d'arrache-pied, a assuré jeudi le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement en Chambre, Kevin Lamoureux.

Pourrait-on aller jusqu'à prolonger la session parlementaire? Le député libéral ne l'a pas exclu.

Le gouvernement libéral avait jusqu'au lundi 6 juin pour faire adopter un projet de loi en réponse à la décision de la CSC sur l'aide médicale à mourir, ce qu'il n'a pas réussi à faire.

L'aide médicale à mourir est ainsi légale au pays depuis minuit, le mardi 7 juin, même si la pratique n'est pas encadrée par une loi fédérale. Les collèges des médecins des provinces ont établi des lignes directrices pour guider leurs membres.

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