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L'aide médicale à mourir décriminalisée à minuit (VIDÉO)

L'aide médicale à mourir décriminalisée à minuit

Les Canadiens pourront se prévaloir de l’aide médicale à mourir sans que les médecins qui les aident à mettre un terme à leurs jours soient inquiétés par la justice à compter de minuit ce soir.

L’arrêt Carter de la Cour suprême du Canada invalidant deux articles du Code criminel contre l’aide médicale à mourir interviendra toutefois sans que le gouvernement canadien ait réussi à encadrer législativement la pratique. Son projet de loi C-14 n’a toujours pas été adopté. Il est sur la table de travail des sénateurs qui entendent proposer des amendements. Son parcours législatif n’est donc pas terminé et il ne verra pas le jour avant la levée de l’interdiction.

En février 2015, la Cour suprême avait invalidé deux articles du Code criminel, dont l’article 241b) qui criminalise l’acte médical permettant à un patient de mettre fin à ses jours. Le plus haut tribunal du pays avait toutefois prolongé l’application de ces articles de loi pour une période d’un an, le temps que le gouvernement légifère pour encadrer la pratique. Pressé par le temps, le gouvernement avait obtenu un délai supplémentaire de quatre mois, en février dernier, mais ce nouveau sursis arrive à échéance et la loi n’est toujours pas prête.

«Le résultat de ça, c'est que l'aide médicale à mourir ne sera plus un crime si elle est effectuée à l'intérieur des balises de la Cour suprême», explique le professeur de droit de l’Université d’Ottawa Sébastien Grammond.

Le jugement de la Cour suprême sert déjà de cadre juridique et définit les circonstances dans lesquelles le plus haut tribunal du pays juge qu'il est légitime d'aider un patient à mourir. De plus, dans la mesure où les provinces ont déjà préparé le terrain, le Canada ne sera pas devant une page blanche.

Le sénateur André Pratte estime qu'il ne faut pas exagérer l'importance du vide législatif puisque toutes les provinces et un territoire se sont dotés de législation en cette matière. De plus, il rappelle que les ordres professionnels ont émis des directives pour encadrer la pratique de leurs membres.

«Il n’y a pas de vide total, mais il n’y a pas de normes nationales.» - André Pratte

L'accessibilité menacée

Le risque réside toutefois dans l'accès à ce service qui pourrait s’avérer plus difficile et surtout inégal d'une province à une autre. Devant l’absence d’encadrement législatif fédéral, la législation provinciale – la santé étant de juridiction provinciale – prendra le relais. Au Québec, notamment, la loi a fait l’objet d’un large consensus auprès des parlementaires et la pratique est déjà commencée.

La ministre de la Santé Jane Philpott craint que, sans les garanties offertes par les nouveaux articles du Code criminel présentés par son gouvernement, les médecins du pays ne veuillent pas prodiguer l'aide médicale à mourir par crainte de poursuites.

L'association qui assure une forte proportion de médecins au pays leur recommande de consulter un avocat avant d'offrir l'aide médicale à mourir à un patient, advenant l'absence de loi fédérale.

La crainte de Mme Philpott est partagée par l'Association médicale canadienne. «Il est clair que sans une loi en vigueur claire, un cadre juridique responsable, beaucoup de nos médecins ne voudront pas pratiquer ou participer à l'aide à mourir, estime la directrice de l'éthique de l’association. Cécile Bensimon.

Les pharmaciens aussi pourraient se montrer hésitants à fournir les doses nécessaires pour provoquer la mort, selon une porte-parole de l'Association canadienne des pharmaciens, Joëlle Walker. «Je veux dire que c'est une pratique qui est quand même très nouvelle, c'est une pratique qui est très finale, donc il y a des gens qui vont se poser la question, avance-t-elle. Est-ce qu'ils devraient l'offrir peut-être parce qu'ils ne savent pas s'ils ont une protection légale, ils ne savent pas comment offrir le service, ils ne savent pas les lignes directrices.»

Le gouvernement laisse entendre que des patients attendent la loi fédérale pour se prévaloir de l'aide médicale à mourir, mais impossible de savoir combien de personnes pourraient être touchées par le vide législatif.

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