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«Ça sent la coupe»: avant la victoire, la remise en question (PHOTOS)

«Ça sent la coupe»: avant la victoire, la remise en question (PHOTOS)

Alors que le printemps commençait tout juste à faire sa niche à Montréal, à la fin avril, dans le quartier Côte-des-Neiges / Notre-Dame-de-Grâce, rue Earnscliffe, on s’affairait à recréer minutieusement l’hiver, à grands coups de neige et de glace gracieusement fournies par Artic Glacier.

À l’intérieur d’un bâtiment, à l’intersection, on avait implanté une fausse boutique de cartes de hockey tandis que, derrière, dans la ruelle où était imprimé un tonitruant Go Habs Go!, tout rappelait l’espace sacré de jeunes (ou vieux) sportifs rêvant aux exploits de Guy Lafleur, Wayne Gretzky et Mario Lemieux ou, dans une optique plus récente, de P.K. Subban, Carey Price ou Sidney Crosby, et tentant des les imiter. Partout, le logo du Tricolore et des couleurs vives, comme si le hockey était une entité en soi.

On ne s’étonnera pas que toute cette mise en scène soit la toile de fond d’un film intitulé Ça sent la coupe, une comédie dramatique, libre adaptation du roman du même titre de Matthieu Simard, scénarisé par Simard lui-même et réalisé par Patrice Sauvé, déjà passé maître dans les récits de jeunes trentenaires après avoir orchestré la série-culte La vie, la vie, en 2001-2002.

Ici, notre héros du quotidien s’intitule Max et emprunte les traits d’un certain Louis-José Houde, qui effectue un grand retour au cinéma après De père en flic (2009) et Le sens de l’humour (2011).

De son point de vue d’aujourd’hui, en 2016, Max raconte l’année de ses 35 ans, qui coïncide avec la saison 2009-2010 du Canadien de Montréal, celle où Jaroslav Halak étincelait de tous ses masques et jambières devant le filet de nos bien-aimés glorieux, avant de céder son royaume à un autre collègue surdoué, Carey Price.

La production de Ça sent la coupe a d’ailleurs dû réaliser de petits miracles pour reconstituer l’année visuellement, en faisant notamment attention aux appareils technologiques (téléphones, téléviseurs, etc) et aux logos des équipes de hockey; le Canadien de Montréal est d’ailleurs impliqué dans le projet, Andrew Molson étant coproducteur associé.

Plateau de tournage «Ça sent la Coupe»

Transformation

«À l’époque» de 2009-2010, donc, Max perd ses parents dans un accident de la route. Ancien ingénieur, le garçon reprend le magasin de cartes de hockey que tenaient son père et sa mère, mais s’y ennuie ferme. Sa copine, Julie (Émilie Bibeau) choisit ce moment pour le quitter. S’en suit une dépression durant laquelle Max se remet constamment en question, désormais privé de repères dans toutes les sphères de son existence, la famille, le boulot, les amours, etc.

«Il lâche prise un peu, il est découragé, jusqu’à un certain point, souligne Louis-José Houde. Et ses humeurs sont directement en parallèle des succès du Canadien pendant la saison 2009-2010.»

Entre les premiers coups de sifflet d’octobre et la dernière joute contre les Flyers de Philadelphie, sept mois plus tard, une période de profonde transformation pour Max, ce dernier devra gérer plusieurs situations imprévues, comme le retour en ville de sa sœur survoltée Nathalie (Julianne Côté) et les angoisses de son meilleur ami et peut-être futur beau-frère Phil (Maxime Mailloux), en plus de composer avec ses propres questionnements.

Il sera épaulé par deux autres camarades, Richard (Louis-Philippe Dandeneault) et François (Patrick Drolet), et par l’intrigante Andréanne (Marilyn Castonguay). Le Max de 2016 utilisera plus précisément l’exemple de trois matchs en particulier pour illustrer sa propre «courbe dramatique» du passé, et le hockey deviendra une métaphore sociale sur, entre autres, l’importance d’assumer qui on est.

«C’est un film qui est très parlé, presque chuchoté, dans nos échanges, nos dialogues, signale Louis-José Houde. C’est très organique, très acoustique, dans la livraison. Je n’ai pas de longs monologues, je ne «pète pas les plombs». J’aime beaucoup l’énergie du film, la façon dont les personnages se parlent, c’est à la fois sobre et plein de vie.»

Ça sent la coupe est un produit «feel good, joyeux, extrêmement sensible et délicat», aux dires du réalisateur, Patrice Sauvé, qui considère fermement que «dans tout ce qu’on fait et ce qu’on est, dans la vie, il faut croire que ça sent la coupe». «C’est niaiseux, mais c’est vrai, argue Sauvé. Parce que, si on n’y croit pas, si on ne pense pas que le meilleur s’en vient, si on arrête de croire en nos désirs, on arrête de vivre.»

«Quand le Canadien gagne et que ça sent la coupe, c’est toute une société qui vibre. Ultimement, si tu vis comme ça, tu as envie de vivre pleinement.»

Rites de passage

Le livre Ça sent la coupe a été publié en novembre 2004 et a obtenu un grand succès populaire, mais ce n’est que cinq ans plus tard que la productrice Ginette Petit, des Films Outsiders, a contacté Matthieu Simard pour lui proposer de transposer son œuvre en long-métrage.

«À cette époque-là, j’étais un grand fan de hockey, peut-être plus que maintenant, expose Matthieu Simard. J’ai donc voulu écrire un roman construit comme une saison du Canadien, qui raconterait la vie normale d’un gars qui se sert du hockey comme prétexte pour rencontrer sa gang, s’amuser, jaser de ses problèmes de couple, etc. Je voulais faire une espèce de journal intime d’un partisan du Canadien.»

«Mais, avec le film, on est allés complètement ailleurs. Je ne voulais pas faire une réelle adaptation proche du roman», ajoute Simard, en précisant que le film se veut moins anecdotique que le livre.

«Le lien d’amitié dans cette gang, le traitement de la peine d’amour vue seulement par un gars, ce raisonnement entièrement masculin, nous attirait beaucoup dans le roman, fait valoir Ginette Petit. Quand ça arrive, les filles peuvent croire que les gars s’en fichent complètement, mais ce n’est pas vrai.»

Patrice Sauvé, lui, le reconnaît d’emblée: il y a un parallèle à tracer entre la pièce-signature de son curriculum vitae, La vie, la vie et Ça sent la coupe.

«Dans La vie, la vie, il y avait un rite de passage sur 39 épisodes, explique Patrice Sauvé. Le personnage allait trouver un chemin pour régler un nœud intérieur et s’incarner dans l’âge adulte, s’émanciper. Dans Ça sent la coupe, on a aussi affaire, en une heure et demi, à un rite de passage.»

Un film pour tous

Selon Patrice Sauvé et Louis-José Houde, l’univers de Max et des siens n’attirera pas que les religieux fervents de la Sainte-Flanelle et du hockey en général. Il s’agit, au contraire, d’un portrait d’une génération qui fait flèche de tout bois, avant que la vie ne la force à faire le point, et qui plaira à un vaste public.

«Je suis convaincu que ça va plaire autant aux filles qu’aux gars, hasarde Louis-José Houde. On ne gave pas les gens de hockey, non plus. Ça reste accessoire, ça sert de base, mais on va complètement ailleurs.»

«Il y a du hockey partout autour de Max mais, à travers la célébration du hockey, le plaisir de regarder des games, c’est un homme qui doit trouver un chemin intérieur pour être mieux dans la vie et guérir une grande peine, renchérit Patrice Sauvé. L’écriture de Matthieu nous donne accès au psyché masculin (rires). Féminin, aussi, avec une grande justesse. Le hockey, c’est une toile de fond, mais le couple, les crises de la trentaine, tout le monde se reconnaît là-dedans.»

«La génération qui est présentée, ce sont des gens qui ne se rendent pas compte qu’ils sont en crise; ils l’apprennent de façon détournée. Ils ne sont pas du tout dans la réflexion ou l’auto-psychanalyse; au contraire, ils avancent dans la vie et, tout à coup, arrive un événement qui les fait prendre conscience qu’ils s’engourdissent. Les personnages ne sont jamais dans le je-me-moi», estime le cinéaste.

Ça sent la coupe s’appuie sur un budget de 4,3 millions de dollars, sans le soutien de la SODEC. Le tournage s’est terminé le 8 mai, après s’être promené dans une dizaine de lieux, dans les environs de Montréal. Le film devrait prendre l’affiche au début 2017.

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La dessinatrice:

Depuis qu'elle est toute petite, VRUN observe le monde qui l’entoure, amusée ou perplexe, selon les circonstances. Désormais pas beaucoup plus grande, elle le reproduit sous la forme de petits dessins où l’humour, comme la couleur, apparaît par petites touches pour souligner des détails, insignifiants en apparence, mais qui racontent des histoires que nous avons tous déjà vécues. Dans un style bien à elle, entre rêverie gothique et bande dessinée candide, elle détourne des objets courants et les intègre à ses oeuvres pour créer des instantanés poétiques, avec ses petites bonnes femmes bienveillantes et ses grands bonhommes un peu maladroits. Sans oublier ses chats, jamais très loin ni à court d’idées pour venir perturber la tranquillité des humains. Consultez ses oeuvres sur Facebook et sur Instagram.

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