Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Journalistes espionnés: Mulcair veut une enquête, Trudeau juge «inacceptable»

Journalistes espionnés: Mulcair veut une enquête, Trudeau juge «inacceptable»

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, demande l'ouverture d'une enquête publique sur la filature dont deux journalistes ont fait les frais.

Il a ainsi réagi au reportage de la CBC, qui a rapporté mercredi que des enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont pris en filature les journalistes Joël-Denis Bellavance et Gilles Toupin, du quotidien montréalais La Presse, pendant neuf jours en août 2007.

Les agents ont exercé une surveillance physique des reporters à la suite de la parution d'un article sur Adil Charkaoui, selon ce qu'a rapporté la société d'État, qui tient ces informations d'une note de breffage préparée à l'intention du ministre de la Sécurité publique.

Le chef néo-démocrate juge que l'actuel titulaire du ministère, Ralph Goodale, doit déclencher une enquête publique pour faire la lumière sur cette affaire, qui représente selon lui rien de moins qu'un "scandale d'État".

"Ce n'est pas quelqu'un qui a fait un petit mauvais coup là! (...) M. Goodale doit commander une enquête publique immédiatement", s'est exclamé M. Mulcair en point de presse dans le foyer des Communes.

"Sans permission judiciaire en flagrante contravention de la loi, des agents de la GRC en train de traquer des journalistes, c'est un scandale d'État", a-t-il enchaîné.

Dans un communiqué publié en après-midi, le ministre Goodale a semblé écarter l'idée, signalant au passage que "les agents responsables ont été réprimandés".

"Cette surveillance a contrevenu à la directive ministérielle sur les enquêtes délicates du secteur adoptée en 2003 par le gouvernement libéral précédent (...) Les dirigeants de la GRC ont réaffirmé la politique existante, laquelle n'a pas été suivie", a-t-il expliqué.

Du côté de la police fédérale, on a indiqué que le commissaire Bob Paulson n'accorderait pas d'entrevues.

Le texte qui a mené à la filature présentait le contenu d'une étude du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) qui faisait état d'une conversation impliquant Adil Charkaoui et un plan pour détourner un avion, selon CBC.

Les enquêteurs auraient décidé de filer les scribes de leur propre chef, après que le directeur du SCRS eut demandé à la GRC de faire enquête _ ce n'est que neuf jours plus tard qu'ils ont demandé une autorisation à leurs patrons, qui ont refusé, toujours d'après la société d'État.

Le premier ministre Justin Trudeau a réitéré mercredi matin, avant la réunion du caucus libéral, que cette situation était "inacceptable". Il a précisé que des excuses avaient été faites directement aux journalistes.

Le commissaire Paulson a offert ses excuses, après que l'on eut appris en novembre dernier que les journalistes avaient probablement été espionnés en 2007.

Il a toutefois passé sous silence, lors de cette rencontre, le fait qu'il avait autorisé une nouvelle filature en 2008, comme l'a rapporté CBC.

La filature n'a finalement jamais eu lieu. Malgré cela, Joël-Denis Bellavance ne décolère pas, à l'instar du directeur principal de l'information à La Presse, Alexandre Pratt.

"C'est inacceptable. Nous espionner, c'est nuire au lien de confiance entre un journaliste et sa source. C'est une atteinte directe au droit du public d'être informé et à la démocratie", a-t-il soutenu dans une déclaration écrite.

Une chose parvient tout de même à apaiser M. Bellavance: le fait d'avoir réussi à protéger la source que les fins limiers de la GRC tentaient d'épingler.

"C'est essentiel à notre travail. Si on n'avait pas la possibilité de protéger l'identité de nos sources, il y a beaucoup de gens qui ne nous parleraient pas", a-t-il fait valoir en entrevue téléphonique.

La GRC a transmis à La Presse Canadienne un courriel que Bob Paulson a envoyé à la CBC, qui l'avait contacté pour obtenir ses réactions.

"Les médias font partie de nos secteurs exigeant des précautions spéciales. Voici d'autres exemples de tels secteurs : les universités, les églises, les mosquées, entre autres", a-t-il expliqué.

"Bref, des secteurs où nous voulons exercer la plus grande circonspection au moment d'analyser et de documenter les motifs qui

à notre avis justifient des tactiques policières intrusives, fondées sur les faits et en tenant compte des répercussions d'une incursion de la police dans le secteur en question", a ajouté M. Paulson.

Pour la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), ces pratiques sont tout simplement inadmissibles, a écrit dans un courriel sa présidente, Lise Millette.

"Cette situation n'est qu'un exemple de plus démontrant la fragilité de la protection des sources qui doit faire l'objet d'une affirmation claire de la part du ministère de la Sécurité publique responsable de la GRC", a-t-elle insisté.

"On aurait tort de penser que la situation est passée. En mars dernier, la Cour supérieure de l'Ontario a tranché qu'un journaliste de Vice Media devait remettre son matériel à la GRC. Une forte vigilance est de mise", a par ailleurs prévenu Mme Millette.

VOIR AUSSI:

Les uniformes de la GRC


Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.