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Mettre fin aux bacs de recyclage pour mieux recycler? C'est la promesse d'une entreprise française qui veut percer le marché québécois (VIDÉO)

Mettre fin au recyclage pour mieux recycler? (VIDÉO)

Exit le bac de recyclage et le bac de compost. On met tout dans le même sac-poubelle et les déchets seront recyclés...à 90 %! C'est du moins la promesse audacieuse de la technologie française 3Wayste, dont les ambassadeurs étaient de passage à Montréal lundi avec, parmi eux, l'acteur Christophe Lambert. Si la technologie intéresse les élus des villes de Québec et de Gatineau, un groupe d'experts en gestion des déchets émet de sérieux doutes que cette technologie soit la «solution miracle» dont le Québec a besoin.

«En ce moment, sur la planète, seulement un tiers des déchets sont recyclés... Dans la majorité des villes, près de 70 % des poubelles ménagères sont enfouies ou incinérées. Il faut que ça cesse! Et nous avons la solution» lance Fabien Charreyre, créateur de la technologie 3Wayste. «Les gens comprennent que nos ressources ne sont pas inépuisables, mais souvent la population ignore que presque l'entièreté des déchets peuvent être revalorisés», ajoute l'acteur Christophe Lambert (connu pour ses rôles dans Highlander et Greystoke). Les ambassadeurs de ce procédé vert croient que les méthodes de tri actuel par bac de recyclage et de compost, qui existent depuis un certain temps, ne réussiront pas à éradiquer le problème de l'enfouissement et qu'il «est temps de révolutionner notre façon de recycler».

En entrevue avec le Huffington Post Québec, Fabien Charreyre explique qu'il lui a fallu 10 ans pour mettre au point son invention. L'idée est simple, soit de faire une seule récolte d'ordures, puis de trier les déchets de trois façons: en compost pour retourner à la terre par l'agriculture, en matériaux recyclés (acier, aluminium, papier, carton, etc.) qui seront vendus et enfin, prendre le reste des déchets et les transformer en combustible solide qui permettra de produire de la chaleur, de l'électricité ou de la vapeur. Avec cette technique, l'entrepreneur assure que 90% des déchets seront revalorisé, et que les usines de tri seront rentables très rapidement pour les municipalités grâce à la vente des matériaux.

Une technologie brevetée

Les détails de la technologie 3Wayste restent protégés par le secret industriel, mais il s'agit d'une chaîne de triage mécanisée qui compte quatre inventions brevetées, dont une machine à éventrer les sacs de poubelles pour extirper le contenu sans l'endommager, explique l'entreprise.

L'inventeur de la technologie 3Wayste, Fabien Charreyre (droite) et l'acteur Christophe Lambert, porte-parole (gauche).

Partenariat public-privé avec Gatineau?

Selon l'équipe de 3Wayste, qui souhaite percer le marché québécois, les villes de Québec et de Gatineau ont montré un réel intérêt envers la technologie. «À Gatineau, on nous a proposé un partenariat public-privé sur 20 ans», avance M. Charreyre. Vérifications faites, ces informations ne seraient pas tout à fait exactes. La conseillère municipale Denise Laferrière, qui a rencontré les représentants de 3Wayste durant une heure, affirme que rien n'a été officiellement proposé à 3Wayste, si ce n'est que de faire, comme les autres entreprises, une soumission lors des futurs appels d'offres. «La Ville ne peut pas et ne veut pas favoriser une entreprise, on donne la chance à tout le monde. 3Wayste devra aiguiser ses crayons pour nous faire une offre alléchante selon les règles du plus bas soumissionnaire et surtout, prouver que leur technologie marche», précise Mme Laferrière.

L'élue, qui assure la présidence de la Commission consultative sur l'environnement et le développement durable de la Ville de Gatineau, est aussi légèrement sceptique à l'idée de mettre fin aux bacs de recyclage et de compost. «Nous avons réussi à créer une habitude auprès des citoyens, 70% d'entre eux participent au recyclage et 45% au compost... Maintenant on leur dirait de remettre tout ça dans la poubelle?» se questionne-t-elle. Toutefois, Denise Laferrière estime que la technologie 3Wayste pourrait être très utile pour le secteur commercial, dont les villes devront bientôt superviser les méthodes de recyclage, selon une nouvelle règlementation instaurée par le gouvernement du Québec.

«Ce n'est pas une technologie révolutionnaire»

Le système de tri proposé par l'entreprise 3Wayste se base sur le principe du tri mécano-biologique. «Ce n'est pas du tout une technologie révolutionnaire», laisse tomber Karel Ménard, directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED). Il rappelle que des compagnies proposant un concept de tri semblable ont opéré par le passé au Québec, comme par exemple l'entreprise Conporec à Sorel-Tracy, qui aurait mis fin au projet.

«Pourquoi la solution de 3Wayste n'est pas une solution miracle? Eh bien c'est simple, parce qu'il n'y en a pas!» répond M. Ménard en riant. Plus sérieusement, il explique que le problème de tout mettre dans le sac-poubelle, c'est la «contamination entre les différents matériaux». Quand une vieille tomate se mélange au carton, il devient plus difficile de recycler ce dernier, affirme l'écologiste, et il se dit peu rassuré par les promesses de 3Wayste comme quoi la contamination des matériaux n'empêche pas leur valorisation. Et, même si l'entreprise française réussit à bien récupérer chaque type d'ordures, il faut encore trouver des acheteurs pour cette matière recyclée. «Au Québec, c'est très très difficile de trouver de tels acheteurs, à l'heure actuelle, le gouvernement subventionne l'exportation de ces matières...» déplore-t-il.

Il ne faut pas abandonner nos «bons vieux bacs de recyclage», ni les collectes de compost, assure le porte-parole du FCGED. Si la tendance se maintient et que Québec atteint ses objectifs, les Québécois réussiront à recycler 80% de leurs ordures, croit-il, ajoutant du même souffle qu'il est «illusoire» de penser qu'on peut recycler 100% des déchets à l'heure actuelle.

Qu'il s'agisse du recyclage traditionnel ou de la technologie 3Wayste, Karel Ménard est surtout dérangé qu'on cherche autant de solutions pour trouver une seconde vie à nos déchets, quand on pourrait commencer par la base: diminuer leur quantité. «C'est l'idée du curatif plutôt que du préventif qui me dérange, on cherche un moyen de revaloriser les déchets, mais au fond, le vrai problème, c'est qu'il faut moins en produire», déclare-t-il.

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