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«Pôle Sud documentaires scéniques» à l'Espace Libre: entrer dans la vie extraordinaire de gens ordinaires

«Pôle Sud documentaires scéniques»: entrer dans la vie extraordinaire de gens ordinaires
David Ospina

Aller vers l'autre. S'intéresser réellement à lui. Avoir envie de connaître son histoire, des parcelles de sa vie, de son quartier. Écouter, jusqu'à faire parler les silences, jusqu'à créer des rencontres extraordinaires. Puis avoir envie de présenter ces personnages du quotidien au public; à des inconnus qui auraient le désir, à leur tour, d'aller à la rencontre de l'autre en donnant un petit coup de pouce au hasard et à la vie. C'est le beau défi que le théâtre Espace Libre a lancé aux artistes Émile Proulx-Cloutier et Anaïs Barbeau-Lavalette. Un défi relevé avec brio par le talentueux duo, un Pôle Sud documentaires scéniques comme une ode au quartier Centre-Sud et à ses habitants colorés.

L'histoire cachée derrière

C'est la générosité de ces gens ordinaires – qui n'on en fait rien d'ordinaire – qui frappe et émeut le plus de ce concept créatif unique. Car, au contraire de ce qui nous est généralement donné de vivre au théâtre, ce ne sont pas des acteurs qui se présentent sur scène dans Pôle Sud documentaires scéniques. Et ce ne sont pas des vies inventées, bonifiées ou imaginées qui nous sont dévoilées.

Devant nous se tiennent de vrais habitants du quartier Centre-Sud, s'appropriant pour quelques instants une scène où sont habilement reconstitués des fragments de leur décor quotidien. Pour tout dialogue, la trame sonore des entrevues réalisées avec chacun d'eux par Anaïs Barbeau-Lavalette. Une voix douce qui ne juge jamais et qui semble tout aussi émerveillée que nous d'aller franchement vers ces autres, inconnus et fascinants, qui ont tant à raconter.

En sillonnant le quartier Centre-Sud, la cinéaste et auteure a fait la connaissance de véritables petites perles. Des gens aux histoires fascinantes, parce que réelles, vécues sans filtre et sans filet de sauvetage. L'humain dans ce qu'il a de plus beau lorsqu'on prend la peine de le considérer, d'aller vers lui et de s'intéresser à son histoire.

Des gens comme Jacqueline, dit Jackie Star, l'une des premières effeuilleuses de Montréal, que l'on croirait tout droit sortie d'un roman de Michel Tremblay. Comme François, cet expert en projection de sang qui affirmera «Je n'ai pas une plus grande idée de la mort parce que je l'ai fréquentée». Comme Johanne, la concierge d'une école secondaire pour qui chanter du Diane Dufresne a permis «de crier toute la rage qu'elle avait en dedans.» Comme la bouleversante Cybelle murmurant à sa maman disparue «Le seul paradis, c'est toi». Ou encore comme les jumelles identiques Vanessa et Mélissa, comme Serge, ce passionné d'orfèvrerie dont le père a fait plusieurs séjours en prison, comme Trésor, le libraire rebelle ou encore comme Marc, qui lance avec justesse qu'«Il n'y a pas de grands monuments dans Centre-Sud. Juste du petit monde qui font ce qu'ils peuvent.»

L'envie des autres

Voir un documentaire prendre vie devant soi est touchant, parfois troublant. La vulnérabilité tout comme la force des participants émeuvent. Et cette idée d'une Anaïs veillant doucement, sur scène, sur chacun d'eux, est franchement toute belle. Anaïs qui s'imprègne, pour une énième fois peut-être, mais avec toujours la même écoute attentive, de la vie des autres. Anaïs que l'on sent émue, intriguée, triste ou bouleversée, comme le reflet de notre émotivité de spectateurs. Anaïs qui guide ses nouveaux amis à travers des décors tirés du quotidien, de la vraie vie.

Puis, entre projections d'images d'archives et paroles amusantes d'enfants, une mise en scène simple et efficace signée Émile Proulx-Cloutier. Des touches théâtrales pour donner vie à la réalité. De belles images dans lesquelles les citoyens devenus héros peuvent évoluer en écoutant leur voix, mais sans parler.

On ressort de Pôle Sud avec une envie folle d'aller à la rencontre des autres. Ces autres que l'on croise sans les voir dans la rue. Ces autres qui gravitent autour de notre petit monde sans jamais pouvoir y entrer. Ces autres dont on se devrait de célébrer la différence et qui auraient tant à nous apporter.

On n'a pas d'autre choix que de laisser se rallumer les lumières lorsque se termine ce Pôle Sud documentaires scéniques. Pourtant, on espère que cette curiosité, cette ouverture et cette envie des autres tout juste ressenties dans l'obscurité auront su se faufiler, jusqu'à prendre racine en chacun de nous.

Pôle Sud documentaires scéniques d'Émile Proulx-Cloutier et Anaïs Barbeau-Lavalette est présenté du 10 au 21 mai 2016 au théâtre Espace Libre. Pour plus d'informations, c'est ici.

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