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Déjà 15 ans depuis l'atterrissage miracle du commandant Robert Piché (ENTREVUE/VIDÉO)

Commandant Piché: 15 ans depuis «mayday» (ENTREVUE/VIDÉO)

Exactement 42 minutes. C’est le temps qui s’est écoulé entre la fuite massive de carburant de l’Airbus A-330 et son atterrissage miracle sur une minuscule île de l’Atlantique, le 24 août 2001. Ces 42 minutes ont bouleversé la vie du pilote Robert Piché qui, paradoxalement, a sombré dans l’alcool sous la pression médiatique. Retour sur un parcours périlleux, marqué par l’instinct de survie et la résilience.

Cette semaine, le commandant Piché a fait couler beaucoup d’encre, en volant au secours du Centre de désintoxication Mélaric, et ce, 15 ans après avoir sauvé les 305 passagers du vol Air Transat liant Toronto à Lisbonne, en effectuant un vol plané de 18 minutes au-dessus de l’océan.

Le 5 mai prochain, le pilote s’envolera avec 375 personnes pour la Grande envolée, un événement caritatif organisé par la fondation Robert Piché, qui soutient les gens aux prises avec des dépendances. Avant qu’il ne prenne son envol, Le Huffington Post Québec a intercepté le commandant dans un cockpit. Entrevue.

Paul Houde et Robert Piché, porte-paroles de «la Grande envolée» de la fondation Robert Piché.

Réalisez-vous que ça fait déjà presque 15 ans que cet atterrissage miracle s’est produit?

Pour le réaliser, je le réalise! J’en entends tellement parler. Je croise encore très souvent des gens qui me reconnaissent, c’est intense… Après tout, je ne suis qu’un gars bien ordinaire qui s’est retrouvé dans une situation extraordinaire.

Vous avez quand même réussi une manœuvre presque impossible, un vol plané avec un Airbus, alors que les deux moteurs avaient lâché…

C’est certain. Mais je crois que ç'a marqué l’imaginaire des gens, car la majorité ne comprend pas beaucoup le milieu de l’aviation, donc ça augmente l’engouement autour de mon histoire, du fait qu’on me qualifie de «héros». Mais dans les faits, c’est vraiment mon instinct de survie qui nous a sauvés.

D’ailleurs, vous dites souvent que c’est votre temps en prison aux États-Unis, après votre arrestation pour transport de drogues, qui vous a aidé à développer cet instinct de survie.

Oui, c’est clairement la prison qui m’a aidé, même si mon expérience en aviation a aidé aussi. En prison, j’ai failli mourir [il a survécu à des tentatives d’agressions sexuelles et physiques]. Durant le vol 236, quand les moteurs ont lâché, la même sensation que j’allais mourir m’a habité, puis l’instinct de survie a embarqué. Et il est revenu au galop. On l’a tous à l’intérieur de nous. Dans un moment d’urgence, de détresse, il est là et il nous aide à savoir quoi faire.

Qu’est-ce que la prison vous a apporté comme autres outils?

La prison m’a appris que, peu importe les erreurs que tu as faites dans le passé, même si tu perds tout, tu peux te reconstruire. Quand tu sors de prison, tu n’as souvent plus aucun réseau social ni professionnel. Tu dois être patient, accepter de faire des petits emplois avant de réussir à te réintégrer complètement. C’est une très longue traversée du désert.

Et pourtant, vous l’aviez remontée, la pente, quand est survenu l’atterrissage miracle. Vous avez été applaudi, tout le monde vous a qualifié de héros. Puis les médias ont déterré votre passé carcéral et le vent a tourné.

Il a tourné vite, en quatre jours c’était dans tous les journaux! La pression était forte. J’ai eu une surcharge d’émotions. Rien n’allait.

C’est là que votre chute a commencé..

Exact, j’ai commencé à me soûler. Je buvais tous les soirs.

Et comment avez-vous réussi à vous en sortir?

J’ai fini par devoir admettre que j’avais un problème de consommation. Je suis entré dans le programme d’aide d’Air Transat. Je suis maintenant sobre depuis 14 ans. Je suis chanceux, je n’ai ni perdu mon job, ni ma famille. Mais ce n’est pas tout le monde qui a cette chance, c’est pour ça que j’ai décidé de créer une fondation qui aide les maisons de désintoxication.

"La prison m’a appris que, peu importe les erreurs que tu as faites dans le passé, même si tu perds tout, tu peux te reconstruire. "

Vous y croyez, donc, à l’importance de rester sobre?

Quand tu rentres dans les AA [Alcooliques Anonymes], on apprend à se dire qu’il faut être rigoureusement honnête avec soi-même. Moi je sais que ce n’est pas un verre que je prends, c’est trois bouteilles… Je ne peux pas me mentir.

Est-ce difficile de mener une vie sociale «normale» sans jamais boire?

Les gens qui ont une dépendance à l’alcool me posent souvent cette question, c’est leur grande crainte, «je fais comment dans une soirée, dans un party?». Tu peux très bien vivre sans alcool, avoir du fun. Il y a d’autres moyens de passer son stress. En plus, quand tu ne bois pas, tu vois ceux qui «virent une brosse», parfois ils radotent, ils ont l’air fou, et c’est là que tu te dis, j’avais peut-être l’air de ça…

Quand les passagers d’un avion entendent «ici le commandant Piché», comment réagissent-ils?

Disons que ça crée encore un engouement, surtout au Québec, parfois une file se crée pour avoir des autographes… Les gens me mettent sur un piédestal, on dirait qu’ils se sentent plus en sécurité avec moi alors que tous les pilotes sont qualifiés. Pourtant, je le répète depuis 15 ans, je ne suis qu’un petit Québécois bien ordinaire qui s’est retrouvé dans une situation extraordinaire.

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