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Explosion d'un transformateur à LG-2 : y a-t-il eu négligence?

Explosion d'un transformateur à LG-2 : y a-t-il eu négligence?
radio-canada.ca

Le 10 juillet 2015, à la baie James, un transformateur d'une des deux centrales alimentées par le barrage LG-2, l'un des plus gros au monde, a explosé. L'incident n'a pas fait de blessé, mais aurait pu avoir de graves conséquences et a nécessité l'intervention de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Voici ce qu'a appris Radio-Canada.

Un texte de Mathieu Dion

Immédiatement après l'explosion, la centrale LG-2-A a été évacuée. Les pompiers de Radisson se sont rendus sur place, suivis plus tard par un groupe d'experts d'Hydro-Québec.

La puissance de l'explosion a été telle que des pièces d'équipements massives n'ont pu résister. Le transformateur d'excitation relié à l'une des 6 turbines de 350MW de la centrale a subi d'importants dommages et a dû être remplacé.

La centrale LG-2-A est entrée en fonction au début des années 90 afin d'augmenter la capacité de production électrique du complexe. Elle produit plus de 2000 MW, soit 6 % de la production québécoise.

Le transformateur aurait eu une isolation électrique insuffisante, selon Hydro-Québec.

« Après enquête, on s'est aperçu qu'une pièce n'avait pas une isolation suffisante. Les six transformateurs de la centrale ont été modifiés pour éliminer ce danger », explique Jean-Pierre Giroux, directeur à la planification des réseaux de transport d'électricité à Hydro-Québec.

Le remplacement du transformateur endommagé a coûté 1,5 million de dollars.

La faute d'un tampon à récurer?

Selon diverses sources, un tampon à récurer oublié à l'intérieur du transformateur après des travaux d'entretien quelques jours plus tôt pourrait être à l'origine de l'explosion. Composé d'éléments pouvant conduire de l'électricité, le tampon aurait servi de conducteur menant à une surtension entre des éléments électriques mal isolés, puis à l'explosion.

Faute de preuves suffisantes, Hydro-Québec n'a cependant pas retenu cette hypothèse.

Intervention de la CNESST

Un rapport de la CNESST obtenu par Radio-Canada fait mention d'un employé qui refusait de travailler dans la centrale parce qu'il craignait que les ajustements apportés soient inefficaces et qu'il y ait « un risque d'explosion pouvant causer des blessures graves ». Après étude du dossier, la CNESST a ordonné au travailleur de reprendre ses fonctions puisqu'il n'y avait plus de menace à sa sécurité.

Plusieurs accidents

Une explosion semblable ne devrait plus survenir puisque des correctifs ont été apportés à la conception d'origine. Cependant, d'après nos informations, des incidents sont survenus au complexe LG-2 par le passé à la suite d'erreurs humaines. Le roulement de personnel en raison de l'éloignement de la centrale ajouterait son lot de difficultés.

D'ailleurs, des employés affectés à l'entretien de la centrale auraient l'impression de manquer de ressources et d'être laissés à eux-mêmes dans la conduite de la maintenance. Beaucoup seraient d'avis que le nouveau PDG d'Hydro-Québec, Éric Martel, devrait obtenir les comptes rendus des incidents survenus à la centrale LG2 ces dernières années.

« Est-ce que les travailleurs prennent les travaux à la légère? Je ne crois pas », insiste Jean-Pierre Giroux.

Des dizaines d'explosions partout au Québec

Des dizaines d'explosions, parfois majeures, ont lieu chaque année au sein des quelque 500 postes d'Hydro-Québec. De nombreux appareils connaissent des défaillances menant à d'importantes projections de pièces métalliques et de porcelaine qui ne peuvent plus supporter la pression. « Quand cette pression limite est atteinte, il y a alors fissuration de la porcelaine, éclatement, puis projection », selon un avis technique d'Hydro-Québec.

La société d'État chiffre le nombre d'incidents avec bris majeurs à 14 en 2014 et à 20 en 2015.

Un incident majeur, dont nous avons obtenu des images, est survenu l'été dernier au poste Duvernay, un poste névralgique situé à Laval. Au beau milieu de la nuit, une inductance a explosé, projetant des dizaines de pièces sur plusieurs mètres, parfois à plus de 150 mètres. Une pièce métallique de 140 kilogrammes s'est même retrouvée à plus de 45 mètres. Le coût des réparations s'est établi à 2,5 millions de dollars.

Si on ne rapporte aucune victime lors de ces incidents, Hydro-Québec reconnaît que dans certains cas, le pire a été évité.

Avec le nombre d'explosions, on pense qu'un jour, il va arriver un incident grave. C'est notre crainte.

Pierre Lemieux, ancien responsable de la santé et sécurité du Syndicat des technologues d'Hydro-Québec

Pierre Lemieux dit que le syndicat a envoyé à plusieurs reprises des mises en garde à l'employeur. « Pour nous, c'est clair que ce sont des bombes. Il a fallu se battre à toutes les fois qu'on a eu besoin de faire avancer les dossiers. C'est plus la raison monétaire qui mène le tout. »

Dans les dernières années, des périmètres de sécurité ont été établis là où des appareils sont jugés à risque. Mais le Syndicat des technologues d'Hydro-Québec estime que les critères servant à délimiter ces périmètres sont insuffisants. Dans un litige opposant le syndicat à Hydro-Québec, la Commission des lésions professionnelles a rejeté en 2014 une requête visant à rehausser les critères.

Urgence d'agir

L'une des grandes préoccupations de la société d'État concerne les disjoncteurs de type PK, qui se trouvent dans de nombreux postes de son réseau. Sur les 322 disjoncteurs de 735 000 volts qui doivent être changés d'ici cinq ans, il en reste environ 290. Plusieurs de ces disjoncteurs vieillissants ont explosé dans les dernières années. L'explosion la plus récente est survenue le 17 mars dernier au poste d'Abitibi. Leur remplacement et installation coûtent 1,9 million de dollars par disjoncteur. Hydro-Québec devra donc investir plus d'un demi-milliard de dollars pour remplacer l'ensemble de ces disjoncteurs.

D'après nos sources, différents facteurs sont à l'origine de ces explosions : le vieillissement des infrastructures, les charges électriques toujours plus importantes ajoutées sur le réseau, le manque d'entretien du réseau et l'appel à la sous-traitance moins qualifiée pour le remplacement des équipements.

Des dizaines de millions de dollars en réfection des infrastructures

Hydro-Québec a voulu se faire rassurante. Des bris d'équipements sur un réseau aussi vaste et puissant seraient normaux, insiste la société d'État.

On a des équipements plus vieux et cela conduit à plus de risques.

Jean-Pierre Giroux, directeur à la planification des réseaux de transport de TransÉnergie

« Nous faisons une saine gestion des équipements. Nous les laissons vieillir et voyons jusqu'où il est possible de les étirer dans le temps. Économiquement, ça n'a pas de sens de tout remplacer », ajoute Jean-Pierre Giroux.

La société d'État rappelle qu'elle investira cette année plus de 900 millions de dollars en travaux visant à améliorer la pérennité de ses installations. L'impact sur les hausses tarifaires serait minime, assure Hydro-Québec.

Hydro-Québec en bref (2015)

  • 37 000 MW de puissance
  • 65 000 pièces d'équipement
  • 19 800 employés

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