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L'accident nucléaire de Tchernobyl a-t-il vraiment créé des mutants?

L'accident nucléaire de Tchernobyl a-t-il vraiment créé des mutants?

Le 26 avril 1986, le coeur du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl entre en fusion. C'est la catastrophe nucléaire la plus grave du XXe siècle. Trente ans plus tard, la zone d'exclusion nucléaire entoure toujours un périmètre de 2600 km² autour de l'épicentre.

Depuis, les animaux et végétaux contaminés, réels ou fantasmés, font parler. Mais si des sangliers allemands seraient toujours radioactifs et si la zone d'exclusion est depuis devenue un paradis des animaux, avec une population plus importante qu'avant l'accident, a-t-on pour autant affaire à des bêtes et plantes mutantes? Des "Xanimaux" avec des super-pouvoirs se sont-ils développés dans cet environnement étrange?

Pas vraiment. Pour les grands mammifères, tels les ours ou les loups, dont la présence sur ces terres radioactives frappe le plus, ils semblent être en bonne santé. En tout cas, en meilleure santé que quand l'homme occupait la zone. Mais cela ne veut pas forcément dire que ces animaux ont muté pour s'adapter aux radiations.

"Dans la zone d'exclusion, certains endroits sont très contaminés, d'autres non. Entre deux endroits, le taux peut être 40 000 fois plus faible", précise au HuffPost Anders Moller, chercheur au CNRS en Ecologie et qui étudie les environs de Tchernobyl depuis des années. La prolifération de nombreuses espèces est surtout à mettre au crédit de l'absence de l'homme dans toute cette zone.

L'exemple des bactéries

Si on veut chercher un possible mutant, il faut se détourner des fantasmes et regarder des organismes très petits, les bactéries. Le scientifique a réalisé il y a quelques années une étude sur des bactéries provenant de plumes d'hirondelles vivant près de Tchernobyl. Ils ont récolté des bactéries provenant de zones faiblement, moyennement et fortement irradiées, puis les ont laissées se développer en laboratoire, génération après génération.

Après un temps suffisamment long, ils ont exposé ces bactéries à une source de radiation extrême. Si celles provenant d'une zone faiblement irradiée n'a logiquement pas survécu, les bactéries de la zone très irradiée non plus. Seule celle exposée à des niveaux intermédiaires a survécu. Pourquoi? Une des explications possibles, selon Anders Moller:

"Il est dur de survivre pour les bactéries provenant de zones à radiations très élevées, car à chaque génération, elles meurent presque toutes. Alors qu'à des niveaux intermédiaires, les bactéries peuvent survivre en gardant leur mutation, donc après beaucoup de génération, on peut imaginer qu'elles accumulent des mutations bénéfiques pour ce milieu."

Evolution naturelle et générations

Mais est-ce que ces mutations sont liées à la radioactivité de la zone? Impossible à affirmer, évidemment, mais "le taux de mutation à Tchernobyl a été multiplié par 30. Il y a beaucoup de mutants, mais la plupart meurent et ne transmettent pas leur gène différent à la descendance", explique le chercheur.

Car l'écrasante majorité des mutations, qu'elles soient naturelles ou non (l'évolution est justement basée sur des mutations aléatoires), ont des effets négatifs. Ainsi, dans une étude de 1997 cosignée par Anders Moller, les scientifiques avaient trouvé une forte proportion d'hirondelles albinos.

Un signe distinctif très rare, car "l'albinisme les rend plus visibles aux yeux des prédateurs et les mâles ont moins de succès auprès des femelles", notait alors la revue La Recherche. Et justement, la population d'hirondelles dans la zone fortement contaminée de Tchernobyl était en forte baisse depuis 5 ans: moins 74%.

Dans le même ordre d'idées, une récente étude (à laquelle a participé Anders Moller) affirme que les campagnols sur les sites hautement contaminés sont bien plus souvent atteints de cataractes (une maladie rendant aveugle).

Comparaison avec Fukushima et oiseaux en bonne santé

Et même dans les rares cas ou une mutation pourrait, par hasard, être bénéfique à l'espèce, il faut du temps pour que celle-ci se transmette à la descendance puis s'impose à toute l'espèce. De très, très nombreuses générations. C'est pour cela que les bactéries sont particulièrement intéressantes à analyser. De même que les plantes.

Anders Moller a également étudié des espèces de plantes présentes à Tchernobyl et à Fukushima, où la catastrophe nucléaire a eu lieu il y a 5 ans. Les scientifiques ont relevé qu'il y avait plus de pollens morts dans la zone près du site japonais plutôt qu'en Ukraine. On peut imaginer que, comme pour les bactéries, les plantes se sont adaptées.

Une autre étude d'Anders Moller a beaucoup fait parler. En 2014, il publie les résultats de l'analyse de 152 oiseaux capturés dans les zones à forte radioactivité. Et le résultat est contre-intuitif: "Les oiseaux qui vivent dans les zones les plus radioactives autour de Tchernobyl sont en meilleure santé que les individus capturés dans les zones moins atteintes", affirme-t-il à Science et Avenir. Plus exactement, les volatiles ont de meilleurs niveaux d'antioxydants. Le chercheur évoquait alors l'hypothèse "soit d’une adaptation aux conditions environnementales au fil des générations, soit d’une forte sélection naturelle qui a éliminé les individus les plus faibles."

Mais cela reste un cas rarissime et la quasi-totalité des rares études sur les mutations de ces petits animaux, à l'instar de celles sur les campagnols et les hirondelles, sont en général négatives. Cerveau plus petit et autres tumeurs ne sont en effet pas le genre de pouvoirs mutants que l'on souhaite à quiconque.

Commémoration de la tragédie de Tchernobyl

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