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L'UPA veut la tête de Pierre Paradis, parce qu'il finance des opposants au syndicat

L'UPA veut la tête de Pierre Paradis
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L'Union des producteurs agricoles (UPA) demande la tête du ministre de l'Agriculture, Pierre Paradis, parce qu'il finance des opposants au syndicat à même son budget discrétionnaire.

Le président de l'UPA, Marcel Groleau, demande carrément au premier ministre Philippe Couillard de muter M. Paradis, ce vétéran du conseil des ministres. Même dans les pires crises qui ont frappé le monde agricole au cours des dernières années, l'UPA n'avait pas demandé la tête du ministre. Mais cette fois la coupe est pleine.

Au cours de l'année 2015, M. Paradis a accordé un total de 55 000 $, à même son enveloppe discrétionnaire, à l'Union paysanne et au Conseil des entrepreneurs agricoles. Ces deux organisations sont ouvertement opposées à l'UPA et demandent la fin du monopole de l'accréditation syndicale reconnue dans la Loi sur les producteurs agricoles.

Dans les échanges de correspondances avec le ministre, le Conseil des entrepreneurs agricoles demande par exemple du financement pour mieux se faire connaître par les agriculteurs, mais aussi "auprès des députés". Le Conseil obtiendra 29 500 $ directement du ministre pour 2015.

Dans une autre lettre, l'Union paysanne demande 15 000 $ et fait valoir que le plein potentiel de l'agriculture ne pourra se réaliser que lors du "rétablissement du pluralisme d'association". M. Paradis lui a alors accordé 10 000 $, et 25 000 $ au total pour 2015.

Au cours d'une entrevue téléphonique à La Presse Canadienne diffusée lundi, Marcel Groleau a exprimé son indignation. Selon lui, il est "inacceptable dans un processus démocratique" qu'un ministre finance des organisations pour faire un meilleur lobbying contre la loi dont il a la garde.

C'est la première fois qu'un ministre de l'Agriculture utilise des fonds publics pour "donner la fausse impression" qu'on souhaite une réforme dans le monde agricole, a-t-il déploré.

"C'est dit à mots à peine couverts: 'aidez-nous à faire du lobbyisme'. C'est comme si le ministre de la Santé finançait des organisations qui font du lobbying pour la privatisation du système de santé. Cela n'a aucun sens", a dit le président de l'UPA.

Les litiges sont nombreux entre le ministre et l'UPA et rien ne se règle, a fustigé M. Groleau: que ce soit le différend sur la commercialisation du sirop d'érable, la relève agricole, le programme de remboursement des taxes foncières agricoles, l'assurance stabilisation des revenus agricoles, etc.

Le président du syndicat agricole dit rencontrer le ministre sporadiquement, mais qu'il n'y a pas de suivi. Il ne fait plus confiance à M. Paradis.

"Le ministre veut affaiblir l'UPA, c'est aussi simple que ça. (...) Le ministre n'a jamais cru à la mise en marché collective comme outil de développement de l'agriculture au Québec. (...) On n'a pas besoin d'un ministre qui finance des organisations pour détruire ce qu'on a construit", a-t-il dit.

L'Union paysanne a confirmé que le financement obtenu par le ministre constituait une bonne part du budget annuel de l'organisation, qui avoisine les 50 000 $ à 75 000 $.

L'enveloppe accordée par le ministre a servi à l'administration et à faire avancer les campagnes de l'organisme, a dit son président, Benoit Girouard, qui a précisé que des prédécesseurs ont aussi donné de l'argent à l'Union paysanne, mais des montants bien inférieurs.

"J'interprète ça comme une forme d'appui, a-t-il dit au cours d'un entretien téléphonique récent. Peu de députés sont prêts à affronter l'UPA. Tous les ministres sont d'accord avec le fait qu'il faut mettre fin au monopole de l'UPA. En attendant d'avoir assez de colonne vertébrale pour affronter l'UPA, il est arrivé parfois dans les 15 dernières années que des ministres nous donnent des budgets discrétionnaires."

M. Girouard a dit avoir un "excellent contact" avec M. Paradis, ajoutant que c'est le ministre "le moins accessible aux lobbys".

Le Conseil des entrepreneurs agricoles a indiqué pour sa part que c'était la première fois qu'il recevait du financement d'un ministre. L'objectif de ce regroupement est "de mettre fin au monopole d'accréditation unique de l'UPA", a affirmé son président, Jacques Cartier, un ancien grand patron d'Agropur.

Selon lui, l'appui du ministre est clair, mais on ne peut en déduire que le ministre soutient le combat contre l'accréditation unique. "Pour moi, le message, c'est tout simplement un message de démocratie, on est dans un pays démocratique, a-t-il déclaré dans une entrevue. Au Québec, il y a plusieurs partis, plusieurs syndicats. Et il y a une certaine reconnaissance du gouvernement du Québec."

Les fonds ont servi notamment à préparer des dossiers pour des rencontres avec les caucus des différents partis à l'Assemblée nationale.

M. Cartier a dit avoir une "bonne relation" avec M. Paradis, qu'il connaît depuis les années 1970. Il le considère comme un allié, a-t-il précisé.

Quant au ministre lui-même, il a dit que le versement d'un financement aux deux organisations n'a "rien à voir" avec une volonté de mettre fin au monopole de l'accréditation de l'UPA.

"C'est un désir de représenter toute la classe agricole, sans exception", a déclaré M. Paradis dans une entrevue téléphonique lundi.

"Je ne vois pas en quoi ça leur nuit (à l'UPA)", a-t-il ajouté.

Il a affirmé qu'il ne sait pas à quoi ont servi les fonds attribués, mais que tout le monde fait de la sensibilisation avec les députés.

Le ministre dit avoir des rapports "corrects" avec l'UPA, mais qui varient parce que c'est une organisation complexe.

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