Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La version des faits d'Ismael Habib, un jeune Montréalais accusé entre autres de terrorisme

Accusé de terrorisme, le Montréalais Ismael Habib donne sa version des faits
Radio-Canada.ca

Un jeune Montréalais accusé, entre autres, d'avoir voulu quitter le Canada pour participer à une activité terroriste nous a raconté sa version des faits. Cette version n'a été ni testée ni prouvée en cour jusqu'à maintenant.

Un texte de Karine Bastien

Ismael Habib est incarcéré à Rivière-des-Prairies en attente de son procès. Lors de longues entrevues téléphoniques, le jeune homme de 28 ans nous a fait part de son histoire.

Un jeune Montréalais accusé, entre autres, d'avoir voulu quitter le Canada pour participer à une activité terroriste nous a raconté sa version des faits. Cette version n'a été ni testée ni prouvée en cour jusqu'à maintenant.

«J'en ai beaucoup à dire et jusque là je n'ai pas pu dire un seul mot pour me défendre. C'est sûr que je ne veux pas avoir une étiquette de terroriste.»

Ismael Habib

Né d'une mère québécoise et d'un père afghan, Ismael Habib grandit à Montréal. À 18 ans, il se convertit à l'Islam. Il prie, il jeûne, mais ne lit pas assidûment le Coran.

En novembre 2012, il épouse une Québécoise d'origine algérienne avec qui il aura deux enfants.

À cette époque, il fréquente la mosquée Assuna, à Montréal, où il rencontre un jeune homme qui aura beaucoup d'influence sur sa vie. Cet homme épousera la sœur de la femme d'Ismael Habib, devenant ainsi son beau-frère.

Peu après, il apprend que cet homme fait l'objet d'une enquête de la GRC et sans qu'il comprenne pourquoi, Ismael Habib devient à son tour la cible d'une surveillance policière.

Sous la pression de son beau-frère, qui lui fait croire que les policiers veulent l'arrêter, il décide de partir en Algérie, le pays natal de sa femme.

Avant son départ, des agents de la GRC l'auraient rencontré pour connaître ses intentions.

«Ils sont venus cogner chez mes beaux-parents [...] Ils sont venus chez ma mère. Ma mère, elle pleurait, puis ils sont venus chez mon père. Ils ont dit : pourquoi il porte la barbe? Pourquoi sa femme porte le voile?»

Ismael Habib

Il soutient qu'il a quitté le Canada parce qu'il craignait d'être faussement accusé.

Une fois en Algérie, Ismael Habib affirme que son beau-frère lui met encore de la pression et lui fait croire que les policiers de la GRC iront bientôt l'arrêter. Il décide alors de le rejoindre en Turquie et se retrouve à Reyhanli, près de la frontière avec la Syrie.

Que s'est-il passé en Turquie?

«On a vu des gars de l'Armée syrienne libre en Turquie. On restait avec eux, on buvait du thé avec eux. Ils nous ont proposé plusieurs fois : si jamais vous voulez combattre contre Bachar El-Assad, on ne vous force à rien, mais si jamais vous voulez, c'est correct.»

Ismael Habib

L'armée syrienne libre n'est pas considérée un groupe terroriste.

Par la suite, Ismael Habib dit avoir commencé à subir des pressions de la part des combattants. Frappé et menacé, il décide de fuir. Arrêté par la police turque parce que ses papiers n'étaient pas en règle, il est extradé au Canada.

À son retour au pays, il est accueilli par des agents de la GRC, mais refuse de leur donner des détails sur son voyage.

En décembre 2014, sa femme, qui porte le voile intégral, lui dit qu'elle est mal à l'aise au Canada et dit craindre pour la sécurité de ses enfants. Elle part sans son mari vers l'Algérie. C'est la dernière fois qu'il verra son fils et sa fille.

Selon nos sources, Ismael Habib serait allé en Syrie. Il reste aujourd'hui très vague sur la question. « Ce sont des éléments qui se présentent à la cour », affirme-t-il. « Je vais le régler à la cour. »

À la fin 2015, Ismael Habib se trouve une nouvelle conjointe au Québec.

Le 26 février dernier, il est arrêté une première fois à Gatineau. Il fait alors face à des accusations de menaces de mort et de harcèlement criminel, d'emploi de documents contrefaits et de pièces d'identité d'un tiers. Ismael Habib aurait, entre autres, menacé sa présumée victime de faire exploser sa voiture.

Le jeune homme nous a confié que, selon lui, ces accusations sont en lien avec une histoire de jalousie et qu'une défense sera présentée en cour.

De nouvelles accusations

Une dizaine de jours plus tard, il est de nouveau accusé, mais, cette fois-ci, au palais de justice de Montréal, d'avoir voulu quitter le Canada pour participer à une activité terroriste et d'avoir fabriqué de faux documents.

Au téléphone, Ismael Habib a formellement nié avoir participé à une activité terroriste. Mais il soutient avoir reçu plusieurs appels de gens qu'il ne connaissait pas et qui lui offraient de l'aide pour quitter le pays. C'est sa femme qui leur aurait donné son numéro.

Ismael Habib se savait surveillé par la GRC. Mais ce sont surtout les gens qui gravitaient autour de sa famille qui l'inquiétaient.

«Ce qui me dérange le plus c'est qu'ils ont [...] un certain contrôle sur ma femme et mes enfants [...] Donc je ne peux pas leur dire : "non, que je ne veux rien savoir ", car j'ai peur qu'ils fassent du mal à mes enfants.»

Ismael Habib

« Oui, j'ai pensé plusieurs fois à quitter le pays, soit aller en Algérie vivre tranquille, en paix, ou aller chercher mes enfants », ajoute-t-il. « Mais [je leur ai spécifié que ce ne serait] pas à n'importe quel prix, pas au point de faire n'importe quoi, parce que je ne voudrais pas risquer 15-20 ans de prison et là je perdrais tout espoir de voir mes enfants. »

En cour, à Gatineau, le père de sa femme a raconté en pleurant que sa propre fille s'était radicalisée et se trouve peut-être actuellement en Syrie avec les enfants. Selon ses déclarations, son gendre n'est pas radicalisé, mais cherchait à approfondir sa connaissance de la religion.

Sa femme lui a-t-elle demandé de faire le djihad?

«Elle m'a déjà dit : "fais le djihad au Canada". Elle m'a déjà dit ça, c'est vrai. À ce moment-là, j'ai levé le ton et je lui ai dit que j'étais contre le fait de tuer des innocents ou faire le djihad ici.»

Ismael Habib

« Je veux toujours garder une porte ouverte pour aller récupérer mes enfants », ajoute-t-il. « Ça fait que je ne peux pas aller contre les idées de ma femme [...] Je ne peux pas les appuyer non plus. »

Ismael Habid est toujours en prison et dit ressentir une profonde injustice. Le juge à Gatineau a refusé de le libérer dans l'attente de son procès parce qu'il s'inquiétait de son fanatisme religieux et doutait de la crédibilité de son témoignage. Il craignait aussi que le prévenu n'en profite pour quitter le pays.

Ismael Habib doit comparaître demain à Montréal. Sa version des faits n'a pas encore été entendue par la police ni par son avocat. Il dit ne pas avoir pris connaissance de la preuve qui sera divulguée en cour.

Avec la participation de Lorian Bélanger, Geneviève Garon et Patrick Martin-Ménard

VOIR AUSSI

9 AVRIL 2013: CRÉATION DE L'EIIL

Le groupe armé «État islamique» en dix dates

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.