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SABSA : la petite clinique qui tient tête à Gaétan Barrette

Voici la petite clinique qui tient tête à Gaétan Barrette

QUÉBEC – Alors que le ministre Barrette cherche à faire toujours plus gros avec sa réforme de la santé, une petite clinique de superinfirmières s’entête à œuvrer hors du réseau. Mais elle pourrait être sur le point de perdre sa bataille.

La Clinique SABSA (pour «service à bas seuil d’accessibilité») reçoit la clientèle des quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur, à Québec, depuis octobre 2014. L’infirmière praticienne Isabelle Têtu y traite, souvent sans rendez-vous, de nombreux «poqués» incapables de manœuvrer dans le système de santé. Drogues, ITS, problèmes de santé mentale : la moitié de la clientèle est considérée «vulnérable».

Ici, pas de médecins, les infirmières praticiennes peuvent poser certains diagnostics et prescrire des traitements. Pour les cas plus complexes, elles contactent un médecin associé ou dirigent les patients vers le réseau de la santé.

Lors de notre premier passage il y a un an, une intervenante communautaire, habituée des lieux, accompagnait une jeune sans-abri au visage couvert de plaques rouges. La jeune femme, visiblement mal en point, se grattait le fond de la tête compulsivement. «Quand je réussis à gagner leur confiance, je dois agir vite avant qu'ils ne changent d'idée», expliquait l’intervenante communautaire au sujet de ces jeunes de la rue. Pas question d’aller patienter à l’urgence ou de prendre un rendez-vous chez le médecin.

D’autres patients aboutissent à la clinique après s’être heurtés à des portes closes dans le réseau de la santé. L’an dernier, un retraité confiait s’être fait refuser par quatre médecins de famille avant d’atterrir chez SABSA pour… une oreille bouchée.

Mais voilà, le financement qui était assuré par la FIQ, le syndicat des infirmières, tire à sa fin et le ministre de la Santé Gaétan Barrette refuse de reconnaître la clinique si elle ne s’associe pas à un groupe de médecine familiale. Autrement dit, à un médecin.

Si elle n’obtient pas de financement, la clinique pourrait fermer ses portes le 1er mai prochain.

Dédoubler le réseau?

La semaine dernière, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette a carrément fermé la porte aux cliniques sans médecins dans le réseau. Le ministre ne veut pas dédoubler les infrastructures. La clinique SABSA est située à «quatre minutes à pied, sur le plat» d’un CLSC, a-t-il lancé, soulevant l’ire de groupes de pression.

Pourtant, la clinique a inscrit 1 500 patients depuis son ouverture, dont seulement 5% ont été référés au réseau de la santé, fait valoir sa coordonnatrice, Emmanuelle Lapointe.

«Quand le ministre dit qu’ils n’ont qu’à aller au CLSC, ça démontre qu’il n’a pas une compréhension fine de la réalité de cette clientèle», dit-elle.

Ces patients à risque fréquentent peu ou pas le réseau de la santé. «Parfois, ils vivent de l’itinérance, de la toxicomanie ou des problèmes de santé mentale. Souvent, ils n’ont pas de cartes de maladie», illustre Emmanuelle Lapointe.

De façon plus large, la clinique SABSA était également un projet-pilote de la FIQ afin de promouvoir le rôle des superinfirmières dans le réseau de la santé. «On voulait faire la démonstration que cette solution-là pourrait être efficace, moins coûteuse et répondrait à une partie des soins dont la population a besoin», explique la vice-présidente de la FIQ, Nancy Bédard.

L’obligation de passer par un médecin crée un goulot d’étranglement dans le réseau de la santé. «Ce ne sont pas toutes les problématiques de santé qui nécessitent l’intervention d’un médecin, plaide Nancy Bédard. Les infirmières praticiennes, elles, pourraient voir les patients qui relèvent de leurs compétences.»

L’idée n’est pas de dédoubler les infrastructures du réseau, comme le craint le docteur Barrette, assure Nancy Bédard. «On ne veut pas mettre un réseau en parallèle, on veut travailler en complémentarité», dit-elle.

Sociofinancement

Devant la fermeture imminente de la clinique SABSA, un des partenaires fondateurs de l’agence Cossette, Pierre Delagrave, a lancé une campagne de sociofinancement qui a amassé 33 000$ en un peu plus d’une semaine, sur un objectif de 250 000$. (Après tout, une salade de patates a déjà obtenu 55 000$ aux États-Unis!)

Pierre Delagrave se tourne maintenant vers ses clients, notamment les compagnies d’assurance de Québec, pour récolter des montants plus substantiels.

Le publicitaire voit dans les cliniques de proximité une façon de désengorger le réseau. «Vous savez, en marketing, on a peut-être 1000 sortes de thés, 1000 sortes de téléviseurs ou de chaussures pour répondre aux besoins des consommateurs. Alors que, dans le domaine de la santé, il y a seulement les GMF et les hôpitaux pour répondre à tous les besoins», déplore Pierre Delagrave.

Nancy Bédard pose le problème autrement. «Si SABSA ferme demain matin, ces 1 500 patients, ils vont aller où?»

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