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Ce nano vaisseau de 20 grammes ouvre une nouvelle ère de l'exploration spatiale

Ce vaisseau de 20g. ouvre une nouvelle ère de l'exploration spatiale
Sunrise over North America from space with city lights visible.The globe is a composite of 3 images. Earth map images courtesy of NASA.
Günay Mutlu via Getty Images
Sunrise over North America from space with city lights visible.The globe is a composite of 3 images. Earth map images courtesy of NASA.

Catapulter, à l'aide de lasers géants, des milliers de vaisseaux spatiaux miniaturisés vers le système stellaire Alpha du Centaure, situé à 40 000 milliards de kilomètres de la Terre, peut relever de la science-fiction.

Mais Iouri Milner, cyberentrepreneur et philanthrope des sciences, parie cent millions de dollars qu'il peut transformer ce conte en réalité d'ici vingt-cinq ans.

En partenariat avec le cosmologue Stephen Hawking, l'investisseur a annoncé aujourd'hui le lancement de Breakthrough Starshot, un projet de recherche visant à prouver qu'il est possible de construire un vaisseau spatial à l'échelle nanométrique, propulsé à un cinquième de la vitesse de la lumière (soit 60 millions de mètres par seconde ou 215 millions de kilomètres à l'heure). À cette vitesse, le vaisseau atteindrait l'étoile la plus proche de notre système solaire en une vingtaine d'années, soit mille fois plus vite que le vaisseau le plus rapide aujourd'hui.

De surcroît, l'appareil ne pèserait pas plus de vingt grammes, soit le poids d'une brosse à dents.

Vraisemblablement plus petit qu'une carte de crédit, le compartiment principal du vaisseau emporterait caméras, propulseurs à photons et batterie, en sus de systèmes de navigation et de communication, confie-t-il au Huffington Post. Le vaisseau serait propulsé par une voile solaire, haute de quelques mètres, mais d'une épaisseur d'à peine quelques centaines d'atomes, "gonflée" par des rayons laser émis de la Terre.

Le concept de voile solaire n'est certes pas nouveau, admet-il. Le premier à l'avoir suggéré serait l'astronome allemand Johannes Kepler, dans une lettre de 1608 à son confrère italien Galilée, dans laquelle il prédisait qu'une voile solaire pourrait utiliser la lumière du soleil comme un bateau se sert du vent.

"Depuis des milliers d'années, les hommes observent les étoiles en se demandant comment s'en approcher. Il est intéressant de penser que tant d'explorations des temps anciens ont été menées à la voile et au vent, et que nous allons utiliser la même approche aujourd'hui", constate-t-il.

Selon l'investisseur, le progrès technologique est tel que les connaissances nécessaires à la construction d'un nanovaisseau sont déjà disponibles ou vraisemblablement à portée de main dans un avenir proche. Trois avancées majeures au cours des quinze dernières années rendent concevable la sortie de notre système solaire. La première est qu'on peut désormais fabriquer des appareils électroniques sophistiqués beaucoup plus petits et à un coût beaucoup plus faible qu'autrefois. La deuxième est que nous savons produire des matériaux ultrafins et ultralégers. La troisième est qu'on sait relier plusieurs lasers.

"Sans l'une ou l'autre de ces trois avancées, un tel projet ne serait pas envisageable. Nous aurons à relever des défis d'ingénierie, mais nous savons que, sur le principe, c'est faisable."

L'ouverture d'une nouvelle ère spatiale est la dernière étape en date de Breakthrough, l'ambitieux projet de recherche de vie dans l'univers qu'il a fondé. L'an dernier, celui qui a investi très tôt dans Facebook et Twitter a annoncé avoir financé Breakthrough Listen à hauteur de 100 millions de dollars pour détecter des signes de vie intelligente dans l'univers. Il a aussi lancé Breakthrough Message, un concours international d'émissions de messages susceptibles d'être adressés un jour à des civilisations extraterrestres.

Il tient cependant à rassurer le grand public sur les risques qu'entraînerait l'envoi d'un nanovaisseau hors de notre système solaire, susceptible d'alerter une forme de vie extraterrestre potentiellement hostile.

Les astronomes avancent une probabilité raisonnable de l'existence d'une planète similaire à la Terre dans les "zones habitables" du système stellaire ternaire d'Alpha du Centaure. Mais, selon Iouri Milner, les premières recherches montrent que si des formes primitives de vie existent peut-être, il est hautement improbable que le système abrite une vie intelligente. D'ici au lancement du nanovaisseau, il estime que nous en saurons beaucoup plus sur cette région de l'univers.

Outre la quête de signes de vie extraterrestre, Breakthrough Starshot fournirait des informations importantes sur notre galaxie et permettrait de repérer les trajectoires de météorites susceptibles d'entrer en collision avec la Terre, ajoute-t-il.

Il envisage le lancement de milliers de nanovaisseaux à partir d'un vaisseau-mère stationné en haute altitude, que la circonférence du laser lanceur-accélérateur (un kilomètre environ) éclipserait. Ce "rayon de lumière", composé d'une batterie de lasers, devrait générer une puissance de 100 gigawatts pour lancer le vaisseau à la vitesse nécessaire.

Idéalement, il faudrait construire le laser dans l'espace, mais le coût en serait prohibitif, ajoute l'entrepreneur. De plus, "avoir un tel générateur de puissance dans l'espace n'est pas acceptable d'un point de vue politique", parce qu'il faudrait "s'assurer que son usage n'en soit pas détourné. Personne n'a envie qu'il pointe dans la mauvaise direction, évidemment".

Avi Loeb, professeur de sciences à l'université de Harvard, partie prenante du projet, dédramatise la capacité de destruction du laser. Selon lui, "le rayon pourrait brûler un petit objet, mais serait insuffisant pour causer des dommages d'envergure".

Iouri Milner propose de construire le système de lasers en altitude sous un climat sec, comme le désert Atacama au Chili. Ce désert, l'un des plus secs de la planète, abrite déjà quelques-uns des plus grands télescopes au monde.

La batterie de lasers n'aurait, quant à elle, besoin de fonctionner que quelques minutes pour générer l'énergie nécessaire au décollage d'une navette spatiale de la NASA.

Si l'équipe de Breakthrough Starshot démontre la faisabilité du projet, celui-ci aura besoin d'une coopération internationale à l'échelle du CERN pour devenir réalité, estime son promoteur. L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le plus grand laboratoire de physique du monde, a dépensé environ 13,5 milliards de dollars pour découvrir le boson de Higgs, une particule subatomique. Selon Iouri Milner, Breakthrough Starshot nécessitera un budget équivalent.

Une fois le projet en vitesse de croisière, le coût des lancements diminuerait progressivement, précise-t-il. La coque du vaisseau sera produite en série pour le coût d'un iPhone et le rayon laser pourra facilement être modifié avec le temps afin d'économiser de l'argent. Une fois celui-ci assemblé, et lorsque la technologie sera bien au point, il estime que le coût de chaque lancement sera inférieur à quelques centaines de milliers de dollars.

Iouri Milner, prénommé en souvenir du cosmonaute soviétique Iouri Gagarine, le premier homme placé en orbite, en 1961, affirme que Breakthrough Starshot est un vieux rêve. "Chaque fois que l'on m'appelle Iouri, cela me rappelle que je porte le nom du premier homme dans l'espace", nous confie-t-il. "L'événement avait suscité beaucoup d'enthousiasme à l'époque et mon prénom en est le témoin."

Pour la première dans l'histoire de l'humanité, il est aujourd'hui possible d'atteindre les étoiles, ajoute-t-il. "Beaucoup de gens en ont rêvé, en ont fait des films, mais c'est la toute première fois que nous pouvons vraiment le faire à l'échelle d'une génération. (...) Penser qu'on peut le faire - pas comme dans Stars Wars où l'on voit d'énormes vaisseaux spatiaux passer dans des trous de ver, mais en envoyant des petits robots en ambassadeurs - est très excitant."

Cela étant, Iouri Milner minimise toute comparaison avec le discours de John F. Kennedy, prononcé en 1961, dans lequel il exhortait l'Amérique à envoyer un homme sur la Lune avant la fin de la décennie.

"Je ne fais pas vraiment ce genre de comparaison", conclut Iouri Milner. "Chaque génération doit relever ses propres défis. Parfois, elle y parvient, parfois non. Mais quand quelque chose est réalisable en principe, nous devons tenter de le faire."

Cet article, publié sur le Huffington Post américain, a été traduit de l'anglais par Julie Flanère pour Fast for Word.

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