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Tout le monde en parle: Chantal Hébert et Paul Arcand parlent de «leur» Jean Lapierre

: Chantal Hébert et Paul Arcand parlent de «leur» Jean Lapierre
Karine Dufour/Radio-Canada

Paul Arcand et Chantal Hébert étaient certainement deux des personnes les mieux placées pour parler de l’homme qu’était Jean Lapierre. Tous deux l’ont fait avec beaucoup d’aplomb et, surtout, beaucoup d’affection, sur le plateau de Tout le monde en parle, dimanche.

Paul Arcand a raconté avoir parlé à Jean Lapierre, la dernière fois, le lundi 28 mars, veille de son décès. Alors qu’il devait revenir de vacances après le congé de Pâques, le chroniqueur politique avait annoncé à l’animateur de Puisqu’il faut se lever qu’il prolongerait sa pause, le temps d’aller passer du temps avec sa famille après le décès de son papa.

Chantal Hébert, elle, avait échangé avec Jean Lapierre le matin de Pâques. Ce dernier lui avait alors précisé qu’il emprunterait l’avion privé d’un ami vétérinaire pour aller préparer les funérailles de son père aux Iles-de-la-Madeleine.

«Quand j’ai vu le premier tweet de l’avion aux Iles-de-la-Madeleine (…), la connexion s’est faite dans ma tête. L’ami vétérinaire, le père décédé, Jean qui avait emmené sa famille, j’étais convaincue que Jean était dans cet avion-là et que tous les autres dans l’avion, sauf les pilotes, étaient des membres de sa famille», a expliqué Chantal Hébert.

Paul Arcand s’est empressé de texter, puis de téléphoner à Jean Lapierre dès qu’il a vu les photos de l’avion fracassé, pour savoir si tout allait bien. Chantal Hébert a également tenté de le contacter, en vain.

«Jean qui ne répond pas, il y a quelque chose qui ne marche pas», a relevé Paul Arcand. Automatiquement, en voyant les photos et les premiers tweets concernant l’écrasement, connaissant les circonstances du vol et l’heure de décollage de Lapierre et sa famille, Arcand et Hébert ont su que le pire était arrivé.

«Lapierrismes»

Comment la maman de Jean Lapierre traversera l’épreuve d’avoir perdu à la fois son mari et quatre de ses cinq enfants dans des événements aussi horribles? Guy A.Lepage a tenté de le savoir.

«Je ne sais pas», a avoué Paul Arcand, l’air atterré, en secouant la tête d’impuissance.

«Si c’était un téléroman, on dirait que quelqu’un a charrié le scénario, a dépassé la mesure. À un moment donné, ce n’est pas crédible…», a observé Chantal Hébert.

Paul Arcand - qui avait visiblement du mal à parler de Jean Lapierre au passé - n’hésite pas à qualifier son regretté collègue «d’irremplaçable», lui qui l’a côtoyé pendant 22 ans.

«Irremplaçable parce que c’est quelqu’un qui avait ses entrées partout, dans tous les partis politiques. Il pouvait parler à des libéraux, des péquistes, il allait à toutes les activités des partis politiques. Il n’y a pas beaucoup de gens qui font ça.»

Les meilleures histoires de Lapierre n’étaient pas racontables en ondes «et pas plus à la télévision», a ajouté Paul Arcand, avant d’enchaîner en relatant le rituel quotidien qui était cher au cœur des deux hommes. C’est d’ailleurs ce qui lui manquera le plus maintenant que son précieux interlocuteur est parti, a-t-il admis.

«Il me téléphonait tous les après-midis. Ça commençait toujours par : «Salut, salut, tu sais pas ce que je viens d’apprendre?» Là, il partait. Ou : «Tu sais pas avec qui j’ai lunché?». Là, il partait, et il me racontait des histoires. Et il disait : «Si on faisait un peu de mange-prochain?». Je disais : «Jean, on ne parle pas de ça demain en ondes…» (…) Moi, je l’appelle mon père Ovide. Je lui disais : monte au village et rapporte-nous une nouvelle.»

Chantal Hébert a vanté la rigueur de celui avec qui elle a co-écrit le livre Confessions post-référendaires.

«C’est vrai qu’il avait des expressions imagées, mais ce que les gens n’ont pas dit assez, c’est que derrière les expressions, il y avait un contenu, et il y avait du travail. Jean travaillait plus fort et faisait plus de terrain que la majorité des gens qui pontifient, assis dans leur bureau, en regardant la télévision.»

Parlant des phrases colorées de Jean Lapierre, Guy A.Lepage a énuméré quelques «Lapierrismes» entendus au fil des ans, qui ont bien fait rire le public en studio.

«Le problème, c’est que l’intégrité, c’est comme la virginité, c’est bien dur d’en ravoir» ; «Il est à la politique ce que le tofu est à la salade, sans couleur et sans saveur» (en parlant de Michael Ignatieff en 2011) ; «Quand Mulcair se lève, tu sens que les Conservateurs, tu ne pourras pas leur passer un dix cents entre les deux fesses» ; «Ils avaient l’air d’une gang de gars qui voulaient se mordre le front avec le dentier d’en bas» (en parlant des ministres libéraux qui appuyaient Jean Charest dans son refus de tenir une commission d’enquête sur l’industrie de la construction) et «Il était heureux comme un chien dans une boîte de pick up».

Bonne humeur contagieuse

Paul Arcand a insisté sur le fait que Jean Lapierre avait une réelle influence auprès de la sphère politique. Il a raconté une anecdote évocatrice: un jour, Jean Lapierre avait dressé une liste des ministres qu’il jugeait incompétents et qui auraient dû être expulsés du caucus. Une personne de l’entourage du premier ministre l’avait ensuite remercié d’avoir pointé ces personnes publiquement.

Chantal Hébert a détaillé les différences qui se remarquaient chez Jean Lapierre après ses mandats en tant que politicien au Bloc québécois et au Parti libéral de Paul Martin.

«Pour moi, il y a eu deux Jean Lapierre. Celui entre le Bloc et le retour avec Paul Martin, où il parlait encore quand même comme un personnage politique qui faisait de la radio ; ça ressemblait à du talk radio. J’ai l’impression que son passage en politique, qui a coïncidé avec les commandites, lui a tellement montré les ravages, de juste parler et picosser, que dans la deuxième version, il faisait beaucoup plus d’analyse. Il a pris beaucoup plus de recul par rapport à sa famille politique, en se disant: moi je ne veux pas être présenté comme un libéral sur le panel, mais comme un analyste sur le panel. Et il s’est enligné, il a enligné sa façon de fonctionner en conséquence. Tant qu’à moi, le Lapierre dont on se souvient aujourd’hui, celui qui avait tout cet auditoire, c’est cette version-là, qui est différente. Il a travaillé là-dessus.»

«Je pense qu’il a aimé plus sa vie après la politique, celle qu’il avait jusqu’à cette semaine, que celle qu’il a passée avec Paul Martin», a ajouté Chantal Hébert.

Jean Lapierre était toujours d’une bonne humeur contagieuse, aux dires de Paul Arcand et Chantal Hébert.

«Je ne l’ai jamais vu déprimé, morose, dans une mauvaise journée ou désagréable, jamais», a fait valoir Paul Arcand, s’amusant de la propension de Jean Lapierre à se répéter lorsqu’il rapportait des faits. Chantal Hébert, elle, avait parfois du mal à sortir ses rôties du grille-pain, le matin, tant son ami Jean avait des choses à raconter à l’autre bout du fil.

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«Tout le monde en parle» - 3 avril 2016

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