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Bruit, pollution et ex-toxicomanes : des résidents de Griffintown sont mécontents

Griffintown perd-il de son lustre?
Radio-canada.ca

Si certains promoteurs présentent le quartier Griffintown à Montréal comme un endroit « branché » ou comme un « havre de paix dans un milieu urbain », la revitalisation ne se fait pas sans heurts dans ce quartier qui a d'abord été ouvrier, puis industriel, avant de devenir résidentiel.

Un texte d'Anne-Marie Provost

Le siège social de la compagnie de sécurité GardaWorld, sur la rue Barré, cause des maux de tête à certains résidents, tout comme le restaurant huppé Grinder, sur Notre-Dame. Un projet d'habitations pour ex-toxicomanes dans le quartier ne fait pas l'unanimité auprès des propriétaires de condominiums.

Depuis des mois, des résidents du secteur se plaignent aussi d'être réveillés en pleine nuit par les clients du bar New City Gas et par les klaxons des taxis.

Voici trois autres enjeux de cohabitation qui irritent les résidents de Griffintown, alors que les grues continuent de s'affairer autour des bâtiments qui poussent un peu partout.

GardaWorld et ses camions

Plusieurs voisins de l'entreprise de sécurité GardaWorld – dont le siège social est situé à côté de bâtiments résidentiels et de chantiers de condominiums – se plaignent d'avoir de la difficulté à dormir à cause des camions de l'entreprise, qui roulent à la queue leu leu.

« Ils font circuler une flotte de camions lourds qui fonctionnent au diesel, extrêmement bruyants et à travers une foule de citoyens de plus en plus dense », explique Bernard Girard, qui habite sur la rue Notre-Dame depuis une quinzaine d'années.

Il souligne que les camions circulent jour et nuit, la semaine comme la fin de semaine.

«Il y a aussi un enjeu de santé publique, on respire le diesel à plein nez et il y a une garderie à trois mètres de là.»

- Bernard Girard, résident de la rue Notre-Dame

Plusieurs voisins de l'entreprise se mobilisent pour tenter de régler le problème.

Un comité de bon voisinage a été mis sur pied il y a deux ans. Il rassemble des élus du conseil d'arrondissement, des représentants de GardaWorld, des citoyens et une représentante du CLSC local. Une pétition a également été signée par 35 propriétaires.

L'entreprise affirme chercher des solutions. « Plusieurs mesures ont été mises en place pour minimiser le bruit au cours des dernières années, entre autres laisser les camions à l'intérieur pour qu'ils chauffent, l'hiver », affirme la porte-parole de GardaWord, Isabelle Panelli.

Une réunion aura lieu le 8 avril prochain avec l'arrondissement pour tenter de régler certains problèmes de circulation. La Ville veut notamment faciliter le transit des camions, améliorer la signalisation et repenser les trajets de voies de camionnage, précise le conseiller municipal du district Saint-Henri–Petite-Bourgogne–Pointe-Saint-Charles, Craig Sauvé.

Brasserie Lord William

Carnet d'adresses à Griffintown

Le restaurant Grinder

Ouvert à la fin 2012, le restaurant Grinder, situé sur la rue Notre-Dame, attire une clientèle huppée dont le comportement irrite parfois les résidents des logements sociaux situés en face.

«Il y a une culture de voitures de luxe dans ce coin-là. Il y en a un certain volume qui font du bruit et partent à toute vitesse. La terrasse est aussi un enjeu.»

- Craig Sauvé, conseiller municipal du district Saint-Henri–Petite-Bourgogne–Pointe-Saint-Charles

Plusieurs locataires installés avant l'arrivée du restaurant sont venus se plaindre lors de rencontres du conseil d'arrondissement.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est au fait du problème et travaille à réduire le bruit. Des patrouilles se présentent parfois dans le secteur, précise le commandant du poste de quartier 15, Sylvain Parent. Si le bruit des discussions sur la terrasse tard la nuit suscite des plaintes, il y a également des problèmes à la fermeture de l'établissement.

« Quand les gens quittent, ça peut parler fort. Il y a aussi les taxis et les véhicules qui partent un peu vite et qui klaxonnent », affirme M. Parent. Des citoyens ont été rencontrés et le poste de quartier fera de la prévention auprès du restaurant au début de l'été prochain.

Logements pour ex-toxicomanes

L'annonce du projet d'habitations Portage 2 n'a pas fait le bonheur des propriétaires de condominiums situés juste en face, à tort, estiment certaines personnes. Les 30 logements répartis sur six étages doivent accueillir d'anciens toxicomanes qui ont terminé leur thérapie.

« Personnellement, je trouve cette nouvelle inquiétante. Je ne me sens pas du tout confortable avec ce projet », écrivait l'année dernière une résidente sur le groupe Facebook J'aime Griffintown. Le syndicat des copropriétaires du projet Le William a, de son côté, envoyé une lettre pour se plaindre.

Les réactions négatives ont toutefois suscité une vague de commentaires visant à briser les préjugés. « Je ne me sens pas inquiète à l'idée que ces logements soient bâtis dans Griffintown. Au contraire, il s'agit de personnes qui ont eu un parcours très difficile et je souhaite qu'on puisse les aider et qu'ils puissent participer à la vie de quartier », a écrit une résidente.

Le directeur des propriétés et des ressources matérielles de l'organisme Portage, Sylvain Harvey, précise que les inquiétudes sont monnaie courante quand ce type de projet est mis sur pied. « Les gens qui vont rester là vont travailler et aller à l'école. Ce ne sont pas des gens en thérapie », spécifie-t-il.

M. Harvey ajoute avoir envoyé une invitation au syndicat des copropriétaires pour les rencontrer et dit que le maire de l'arrondissement du Sud-Ouest, Benoit Dorais, veut mettre sur pied un comité de bon voisinage. Les premiers locataires du projet Portage 2 doivent arriver le 1er août.

Des problèmes de cohabitation récurrents

Les problèmes de cohabitation dans les quartiers montréalais sont fréquents et peuvent parfois être particulièrement complexes à gérer, souligne de son côté l'urbaniste Gérard Beaudet.

« Il faut comprendre les gens qui s'installent dans un nouveau quartier et qui y voient un avenir prometteur », affirme le professeur titulaire de l'Université de Montréal. « Se trouver dans certaines situations n'est pas drôle. Et ce n'est pas drôle pour les promoteurs non plus, car ça peut avoir un effet contre-productif. Ça peut entacher la réputation du quartier assez rapidement. »

«Les gens voient un quartier en développement, ils visitent un condo, il y a une belle vue et ils se disent "wow, c'est le quartier de l'avenir", et ils ne se posent pas trop de questions. Les gens ne se demandent pas assez ce qui pourrait leur nuire et les déranger.»

Gérard Beaudet, urbaniste

Il ajoute que certains désagréments reliés à la mixité d'un quartier doivent être pris en compte dans la planification et que si certaines cohabitations dérangent, d'autres sont souhaitables. Il croit que, bien que les autorités publiques ont un rôle à jouer, les futurs résidents gagneraient à mieux s'informer avant de faire leur choix.

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