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Donner son corps à la science (PHOTOS)

Donner son corps à la science (PHOTOS)
Maxime Corneau/Radio-Canada

Une civière arrive au laboratoire d'anatomie de l'Université Laval. Sur cette civière se trouve un homme décédé il y a quelques heures; son coeur a flanché. Il avait décidé avant sa mort de donner son corps à la science. Sa dépouille devient donc au service des étudiants.

Un reportage de Maxime Corneau

Dans le laboratoire, de petits groupes d'étudiants travaillent sur des corps et des organes humains. Mathieu Chamberland, étudiant de deuxième année, tient dans ses mains un cerveau rattaché à sa moelle épinière. Il expose à ses collègues les différentes parties du système nerveux central.

« Fait intéressant, votre moelle épinière grandit plus lentement que votre colonne vertébrale. C'est le principe qui nous permet de faire des ponctions lombaires », explique Mathieu.

Mathieu Chamberland est l'un des étudiants, appelés moniteurs, qui sont responsables des ateliers dans les laboratoires. Photo : ICI Radio-Canada/Maxime Corneau

Pour Laurence Lalancette, qui écoute l'exposé, ce type de démonstration permet d'aller beaucoup plus loin que la matière proposée dans les livres d'anatomie.

« Dans les livres, tout est en couleurs. Mais en vrai, tout est comme jaune. Donc, ça permet vraiment de distinguer [chaque élément]. Parce que dans la vraie vie, il n'y aura pas de rouge, il n'y aura pas de bleu », mentionne la jeune femme.

Au Québec en 2015, 204 personnes ont donné leur corps à la science. Leurs dépouilles ont été remises aux universités Laval, McGill, de Sherbrooke, de Trois-Rivières et au Collège Rosemont. L'Université Laval a reçu cette année une soixantaine de corps.

Un corps est apporté à l'Université Laval par des employés d'une résidence funéraire. Les cendres de la personne seront remises à sa famille après la période de recherche scientifique. Photo : ICI Radio-Canada/Maxime Corneau

Certains corps seront embaumés, puis disséqués par des étudiants de divers programmes. Des étudiants de médecine, de physiothérapie, de kinésiologie et de dentisterie auront la chance d'observer différents aspects propres à leurs futurs métiers.

D'autres corps sont congelés, puis utilisés par les aspirants chirurgiens pour des pratiques en situation réelle.

Les tables de travail du laboratoire sont aussi des coffres dans lesquels sont préservés les corps embaumés. Photo : ICI Radio-Canada/Maxime Corneau

Développer la confiance

Yvan Douville, le directeur du département de chirurgie, croit que ces pratiques font des médecins beaucoup plus confiants et compétents lors de leurs premières interventions.

« Se pratiquer sur des cadavres, ça permet de maximiser l'apprentissage des gestes chirurgicaux », dit le docteur. Selon lui, de telles pratiques n'ont rien de morbide, bien au contraire. « On finit par oublier qu'on travaille sur un cadavre. On travaille avec l'idée qu'on va travailler sur quelqu'un de vivant. »

Un coeur humain sert d'exemple pour montrer les variantes anatomiques entre les individus. Photo : ICI Radio-Canada/Maxime Corneau

Premier contact avec la mort

Le Dr Éric Philippe travaille de près avec les étudiants pour les préparer aux premiers laboratoires réalisés avec des corps humains. « C'est souvent un premier contact avec la mort », note le spécialiste.

Il estime qu'il est important de bien expliquer la théorie avant ces laboratoires, pour que les étudiants puissent pleinement tirer profit de ces corps donnés à la science.

« Il est indispensable d'avoir eu un cours théorique avant, où l'on explique la relation entre structure des organes et la fonction. Ensuite, on passe au laboratoire », mentionne-t-il.

Un « deuil différé »

« C'est un don ultime », explique Rénald Bergeron, doyen de la Faculté de médecine à l'Université Laval.

Le doyen est conscient que les familles des donneurs sont aussi touchées par le geste de leur proche. « Elles acceptent de différer le deuil. On prend le corps pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et la mise en terre se fait en différé. J'appelle ça un deuil différé. »

Lorsque les dépouilles ne peuvent plus être utilisées par les étudiants, elles sont incinérées puis remises aux familles.

L'Université Laval a également érigé un monument à la mémoire des donneurs au cimetière Notre-Dame-de-Belmont. Les cendres de nombreuses personnes y sont enterrées à la demande des familles.

L'Université Laval salue la mémoire de ceux qui donnent leur corps à la science. Photo : ICI Radio-Canada/Maxime Corneau

Cinq choses à savoir sur le don du corps :

  • Les personnes intéressées doivent signer les formulaires nécessaires devant témoins et en aviser leur famille. Les documents sont disponibles auprès du ministère de la Santé;
  • Les corps donnés à la science doivent respecter certains critères, dont ne pas excéder 200 livres et mesurer au plus 1,82 mètre;
  • Le corps d'une personne atteinte d'une maladie transmissible (sida, hépatite, SRAS, etc.) sera généralement refusé pour protéger la santé des étudiants et du personnel;
  • Le donneur doit conserver tous ses organes. Ce processus est donc incompatible avec celui du don d'organes;
  • Les dépouilles doivent être acheminées en moins de 48 heures aux établissements d'enseignement. Il n'est pas possible d'être exposé dans un salon funéraire avant le don.

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