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«Ultramarr»: les savoureuses allégories de Fred Fortin (ENTREVUE)

«Ultramarr»: les savoureuses allégories de Fred Fortin (ENTREVUE)
JFCYR

Fred Fortin nous avait manqué. Pas qu’il s’était fait discret ou absent, bien au contraire. Le quadragénaire du Lac-Saint-Jean qui vit à Verdun n’a pas chômé ces dernières années: le retour rock garage de son Gros Mené l’a tenu étonnamment occupé, tout comme le fuzz zulu scénique de Galaxie, le projet de son vieux comparse Olivier Langevin. Il a même réalisé quelques albums en chemin et fait de la musique pour l’émission télé Les beaux malaises. Or, depuis Plastrer la lune (2009), silence radio avec son projet solo. Le voici enfin qui revient avec un cinquième opus intitulé Ultramarr, entouré à la fois de nouveaux collaborateurs et de vieux potes.

C’est par l’entremise de la «guitare fuckée» de Brad Barr que l’on est plongé dans le monde blues-folk countryesque débridé de Fortin. Peu de temps après émerge la batterie d’Andrew, le frère de l’autre. Perché sur son poteau, le corbeau est-il prophète de malheur? La chanson Oiseau ressemble étrangement au travail de Jimmy Hunt, un autre brillant artiste qui a créé l’un des plus beaux albums (Maladie d’amour) québécois des dernières années. Mais bon, Fortin, c’est pas mal plus «brun».

Histoires tragi-comiques

«C’est le même Fortin qu’avant, lance en souriant dans un bar du quartier Saint-Henri lorsque questionné au sujet de son humour jaune et grinçant. C’est moi avec un côté niaiseux qui n’est jamais loin. J’aime ben passer ça dans des personnages. Ça permet de sortir le méchant de temps en temps. Pis, du coup, chus jamais tout seul !»

En effet, l’album Ultramarr se présente comme un collage d’histoires tragi-comiques mettant en vedette différents personnages plus ou moins «lumineux». Sur le déstabilisant et déprimé morceau Douille, la voix modulée de Fortin raconte l’expérience d’un gars «qui se trouvait perdu dans c’te place de fucked up» et qui cherchait «ses toppes pour ses poumons fumivores». Sur la pièce Ultramarr, un garagiste fantasme au vendredi soir pour passer du temps avec sa femme, qui travaille au même endroit que lui. Même s’il travaillait chez Shell, il en aurait Ultramarr. «Let it roll, let it snow». Sur le très mélodique et accrocheur morceau 10$, un homme se consume lentement au volant d’un corbillard.

«Ton cœur est un robbeur qui crie s’a ’sphalte / Ton âme part en boucane / Avant d’te ramasser avec un flat / Faudrait qu’tu passes au stand / Ton histoire se résume en un trait noir / De goudron, de carbone / Tu laisses dans un nuage qui grimpe dins airs / Le monde qui s’étonne de t’voir / Toujours vivant au volant de ton corbillard / Assis dans bonne chaise / Faut croire...»

Plus loin, sur Tête Perdue (la jolie pedal steel de Joe Grass rappelle certains trucs de Pawa Up First ou Patrick Watson), le chanteur affirme que «l’amour c’est pour les papillons et les bumpers». Visiblement, Fred Fortin a conservé son goût pour l’absurde (La gratte est un parfait exemple) et ses coups de gueule humanistes.

«Je ne trouve pas que j’ai changé beaucoup ma musique, raconte l’auteur-compositeur-interprète. La grosse différence est par rapport aux autres projets sur lesquelles j’ai travaillé les dernières années. J’ai fait ben du rock (avec Gros Mené et Galaxie, notamment). Pour mon projet solo, je me suis enligné vers d’autres genres de moods. C’est encore assez folk. Mais les autres albums avaient peut-être plus de styles différents [musicaux].»

«Les textes, eux, ne parlent pas beaucoup de moi, renchérit Fortin. Ça parle de notre époque. Le monde peut ou non se retrouver là-dedans, dépendamment des tounes. L’album tourne autour d’un spleen, pis d’un blues d’hiver (Gratte, Grippe, Oiseau, Ultramarr). En même temps, il y a d’autres ambiances que l’hiver.»

De Grass et de Brothers

L’album a été enregistré durant diverses sessions au chalet de son père, au Lac-Saint-Jean, et à Montréal. Outre ses collaborateurs habituels - Sam Joly (batterie), François Lafontaine (synthétiseurs), Olivier Langevin (basse) - Fred Fortin a invité de nouveaux musiciens pour concocter Ultramarr, dont les frères Brad et Andrew Barr (du groupe montréalais Barr Brothers) et Joe Grass. Ils ont participé à plusieurs titres de l’album, selon les besoins.

«Je voulais garder les formes simples, explique Fred Fortin. Le trip c’est plus dans l’articulation. Je voulais des belles performances qui rentraient bien les unes dans les autres. Je n’ai pas fait des tonnes de pistes comme avant. Là, c’était une approche plus live. Je voulais des gars capables de livrer mieux que moi [Fortin joue à peu près de tout] les tounes faites en maquette, tout seul. Je me suis retrouvé avec les bonnes personnes, à la bonne place. Je me suis concentré sur la guitare… Et j’en ai échappé une couple (il faut entendre le jeu de guitare qui clôt la chanson 10$). Joe (dont la pedal steel) et Brad ont aussi touché pas mal aux guitares. Les deux sont des joueurs solides!»

Char de drift

Pour la déco de la pochette (CD et vinyle), Fred Fortin n’est pas peu fier. «C’est Martin Bureau, mon chum qui a tout fait mes pochettes, qui est parti d’une image de film d’art pour faire une toile. C’est un char qui a servait à faire de la drift [show de boucane] au Festival St-Cyprien Toasté, en Beauce. C’est un Cadillac devenu corbillard (rires) […] Il y a pas mal toujours eu des chars, des cigarettes pis des animaux sur mes disques.»

Fred Fortin offrira notamment un spectacle au Club Soda, le 6 octobre.

Fred Fortin

Ultramarr, sous Grosse Boîte / Dare to Care

Sortie le 18 mars

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