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Une ville brésilienne a trouvé le moyen de se débarrasser des moustiques responsables de l'épidémie de Zika

Une ville brésilienne a trouvé comment se débarrasser de l'épidémie de Zika

Le Brésil a récemment renforcé sa lutte contre le moustique Aedes aegypti, vecteur de la dengue, du chikungunya et de Zika (un virus susceptibles d’entraîner des malformations congénitales). Le ministre de la Santé brésilien, Marcelo Castro, a annoncé en janvier la mobilisation de 200 000 membres des forces armées pour contribuer à l’éradication des moustiques, et différentes villes ont accentué leurs stratégies de lutte contre ces insectes dans tout le pays.

Quelques agglomérations, dont Água Branca, 16 000 habitants, dans l’État de Piauí, avaient déjà ouvert la voie.

Comme d’autres villes rurales de taille similaire, Água Branca devrait être touchée par l’épidémie. Mais, en 2013, alors que personne ne parlait encore du virus Zika, la ville a lancé une initiative communale pour agir contre le nombre croissant de cas de dengue. Le partenariat entre autorités sanitaires municipales et riverains a concentré ses efforts sur l’élimination des moustiques dans les zones les plus touchées. Résultat: il n’y aurait plus aucun moustique à Água Branca depuis trois ans.

Le système est simple

Des fonctionnaires des services de santé collent des vignettes vertes sur les maisons considérées comme débarrassées des larves de moustique, jaunes sur celles où il n’y a pas de larves mais plusieurs points d’eau stagnante, et rouges sur celles où les larves sont présentes. Ces vignettes, visibles de tous, permettent aux habitants de montrer l’exemple, ou de les encourager à éliminer les zones de reproduction des moustiques dans leur foyer.

Au début de l’initiative, les services de santé ont mené des campagnes de sensibilisation pour expliquer le fonctionnement du système des vignettes, explique Dóris Leal, coordinatrice d’Água Branca en matière de surveillance santé, au HuffPost brésilien.

Elle attribue au partenariat entre agents de contrôle des endémies et services médicaux le mérite d’avoir réussi à motiver les riverains et à les associer à la stratégie visant à protéger leur propre santé: “Au-delà de nos efforts pour éliminer les zones les plus touchées par les moustiques, l’objectif était de responsabiliser les habitants afin de les impliquer dans ce processus. Grâce à la collaboration des équipes, nos capacités pour booster ce projet et motiver les gens ont été décuplées.”

Des agents de contrôle des endémies et des médecins issus des services de santé familiale (l’organisme responsable des soins de santé primaires dans le système décentralisé du Brésil) sont allés dans les quartiers et zones rurales d’Água Branca pour rendre visite aux riverains et vérifier avec eux la présence ou non de moustiques.

Aucune autre maladie transmise par les moustiques n’y a été recensée

Ces professionnels ont attiré l’attention des habitants sur les lieux où l’eau était susceptible de s’accumuler et expliqué les procédures nécessaires pour lutter contre les moustiques. À l’issue de la visite, chaque foyer a reçu une vignette en fonction du niveau d’éradication atteint, ou à atteindre.

Le fait de se voir attribuer une vignette colorée a motivé les habitants, et les a incités à changer leurs habitudes. Ceux qui recevaient une vignette verte montraient l’exemple au reste de la communauté, tandis que ceux qui en avaient une rouge étaient encouragés à faire un effort supplémentaire pour mieux se protéger contre les moustiques. Les vignettes rouges ont également aidé le personnel de santé à repérer les foyers en difficulté. Des agents de la lutte antimoustiques se rendaient chaque semaine dans ces maisons jusqu’à amélioration des mesures employées.

En 2015, Água Branca n’a ainsi subi que sept cas de dengue, et aucune autre maladie transmise par les moustiques n’y a été recensée, selon le département en charge de la santé de la municipalité. Ces chiffres sont très largement inférieurs aux taux enregistrés dans d’autres villes brésiliennes de même taille.

Vertentes, dans l’État du Pernambouc – située, comme Água Branca, dans le nord-est du Brésil – compte environ 20.000 habitants, et a recensé pas moins de 401 cas de dengue entre le 3 et le 16 janvier. Nioaque, autre ville de taille semblable, se situe dans le Mato Grosso do Sul, État où les cas de microcéphalie liés au virus Zika sont moins nombreux que dans le Piauí. Mais cette ville d’environ 14 000 habitants a recensé 1 524 cas de dengue en décembre 2015.

“Ça vous pousse à ne pas être le mouton noir de tout le voisinage”

En tout, le pays a enregistré l’an dernier un nombre record de cas de dengue, qui touche 1,6 million de personnes.

Omar Akbari, spécialiste des infections transmises par les moustiques au centre des vecteurs de maladies de l’Université de Californie, à Riverside, n’est pas étonné qu’Água Branca ait réussi à éradiquer ces insectes. Pour lui, la pédagogie, l’engagement local et les politiques d’incitation sont très motivantes, car les gens n’ont pas envie d’être pointés du doigt dans la lutte contre les moustiques. Après tout, une seule maison suffit pour que ces derniers se reproduisent et tourmentent tout le voisinage.

“Grâce aux vignettes, tout le quartier sait dans quelles maisons les moustiques peuvent se reproduire”, nous dit-il. “Ça vous pousse à ne pas être le mouton noir de tout le voisinage.”

Bien que l’Aedes aegypti pullule dans les zones sauvages et marécageuses, c’est avant tout un insecte urbain, qui aime vivre au milieu des hommes et se reproduire dans de petites flaques d’eau relativement propres. Tant que les habitants d’Água Branca restent d’accord sur l’importance de cet effort pour leur communauté, et que la petite ville n’est pas entourée de marécages où les moustiques peuvent se reproduire, Le Dr Akbari pense qu’il n’y a aucune raison que cette méthode échoue un jour.

Il ajoute toutefois que cette initiative de proximité pourrait rencontrer des obstacles dans des villes de plus grande taille, dont les quartiers sont plus densément peuplés. Les gens se connaissant moins, les vignettes exposées aux yeux de tous constitueraient une plus faible motivation. “Dans un plus grand quartier, on aura peut-être du mal à obtenir le même résultat, car tout le monde ne sera pas forcément d’accord en matière de lutte antimoustiques”, remarque-t-il.

"À quel point les gens en savent peu sur les moustiques"

Malgré tout, notre spécialiste, qui effectuait des visites antimoustiques à domicile tous les étés dans le comté de Washoe (Nevada) pendant ses études, déclare qu’il n’y a aucune raison de ne pas tester cette politique pédagogique, basée sur l’incitation, dans toutes les communautés souffrant de maladies transmises par les moustiques.

“Vous seriez surpris de constater à quel point les gens en savent peu sur les moustiques. La plupart ne savent même pas ce qui peut se passer dans leur jardin. Je suis donc persuadé qu’un travail pédagogique sur la population et des mesures incitatives auront beaucoup d’effet en matière de lutte antimoustiques.”

Les progrès enregistrés à Água Branca ont d’ailleurs incité les dirigeants de l’État à étendre ce programme dans d’autres villes. “Le gouverneur de l’État a déjà mis en place des initiatives similaires dans d’autres villes. Nous espérons qu’elles connaîtront autant de succès”, déclare Leal. “Cette campagne doit permettre aux villes de sensibiliser leurs habitants, afin de mieux surveiller la prolifération de zones sensibles où se reproduisent les moustiques.”

La lutte antimoustiques est l’une des mesures les plus importantes pour enrayer l’épidémie de Zika. Éliminer les insectes qui transmettent la maladie revient à empêcher l’augmentation du nombre de cas. Jusqu’à présent, on estime que 500 000 à 1,5 million de Brésiliens ont contracté le virus l’an dernier ou cette année. L’administration sanitaire a confirmé 583 cas de microcéphalie, malformation congénitale potentiellement liée au virus. Plus de 4 000 autres cas sont en cours d’examen.

Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post brésilien, a été traduit de l’anglais par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.

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