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Mon métier: rendre la mort présentable

Ils travaillent dans l’ombre des chambres froides mortuaires. Ils embaument les défunts, les maquillent, les habillent. Rencontre avec Céline Descoteaux, thanatopractrice.
2 hands touching a closed wooden casket. Farewell to a loved one.
itsxtian via Getty Images
2 hands touching a closed wooden casket. Farewell to a loved one.

Ils travaillent dans l’ombre des chambres froides mortuaires. Ils embaument les défunts, les maquillent, les habillent. Rencontre avec Céline Descoteaux, thanatopractrice.

Dans le sous-sol du complexe funéraire Magnus-Poirier, à Montréal, le ballet des morts a commencé. Ils sont allongés dans leur caisse en bois, enveloppés dans un sac plastique, à l’abri des regards. Il n’y a que Céline Descoteaux et ses collègues qui verront leurs visages et toucheront leurs corps froids. Dans ces couloirs, aucune odeur particulière. Pourtant, des employés en apportent un de plus. Au milieu de dizaines de cercueils encore vides.

Depuis presque 20 ans, Céline est thanatopractrice. Passionnée d’anatomie, mais pas vraiment de mathématiques, elle se voit rapidement tirer un trait sur une éventuelle carrière en médecine. Ce sera la thanatopraxie, au collège de Rosemont, «le seul qui donne cette formation au Québec», précise-t-elle.

Son premier tête-à-tête avec un mort s'est déroulé lors d’un stage à la morgue de Montréal: «Je devais prendre son visage en photo, j’étais seule et ça m’a foutu la trouille», se souvient-elle. Depuis, Céline a pris du recul et assure que si la plupart des gens ont peur des morts, c’est à cause des films d’horreur. «Croyez-moi, les morts sont bien moins dangereux que les vivants», lance-t-elle en souriant.

Et heureusement, car plusieurs passent entre ses mains chaque semaine. Des hommes, des femmes, des vieux, des enfants, des accidentés, des suicidés… «Il faut se détacher du côté psychologique, même si c’est parfois difficile, surtout lorsque nous devons nous occuper d’enfants. Des fois, je fais des projections lorsque j’ai sur ma table une enfant de l’âge de ma fille. Cela m’est déjà arrivé de pleurer avec les parents», raconte Céline.

Le mode opératoire reste en revanche le même pour tout le monde. «La première étape est de retirer le sang grâce à une pompe mécanique dont on introduit un tube dans la carotide et un autre dans la jugulaire», détaille Céline, en montrant ses ustensiles. Diabète, caillots ou tout simplement vieillesse, rendent la tâche un peu plus compliquée.

La thanatopractrice va ensuite piquer les différents organes et y injecter du formaldéhyde pour leur conservation. Les yeux sont nettoyés, les paupières collées ainsi que la bouche. Une petite manucure est même offerte, ainsi qu’une épilation. Petit détail à ne pas oublier, tous les défunts portent une couche «pour éviter les écoulements».

Il faut ensuite les habiller et même les maquiller. «La famille nous apporte une tenue qui représente la personnalité du défunt. Certains nous donnent même le rouge à lèvre fétiche de leur maman décédée», explique Céline.

Le but est de rendre le mort le plus beau possible. Une tâche valorisante pour la thanatopractrice. Parfois un défi, «surtout lorsqu’il faut reconstituer le visage des accidentés ou des suicidés. Ça fonctionne comme un casse-tête. On se débrouille avec les morceaux qu’on a».

Pour elle, il ne fait aucun doute que la dernière image est importante car elle participe au processus du deuil. Et si son travail est le plus souvent salué par les familles, Céline a aussi déjà dû faire face à des insatisfaits : «Généralement, c’est parce qu’ils sont en plein déni, c’est très difficile à gérer».

Un métier glauque? Pas vraiment, d’après Céline. Même si elle avoue : «Ça rend parfois un peu paranoïaque. On a l’impression que la mort est partout. Il faut alors prendre du recul».

Pour elle, son métier lui permet surtout, chaque jour, de se rappeler combien il est important de chérir le moment présent, d'en profiter. «Quand j’ai commencé à travailler, tous les morts étaient plus âgés que moi. Désormais, certains ont 40 ans… À peine quelques années de plus que moi, alors oui, on peut dire que j’aime de plus en plus la vie ».

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