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De Montréal à Tokyo, François Girard met le monde en scène

François Girard, de Montréal à Tokyo
Yves Lacombe

Pleinement occupé par la mise en scène d’En attendant Godot au TNM, François Girard s’envolera sous peu vers le pays du soleil levant pour remonter Fusil de chasse, alors que sa version de l’opéra Siegfried vient tout juste de triompher à Toronto. Attrapé au vol entre ses projets de théâtre, de cinéma et d’opéra, le Québécois prend un moment pour raconter ce qui l’anime.

Même si la Ville Reine avait déjà eu droit à deux autres moutures « girardesques » du troisième des quatre drames lyriques du Ring Cycle, quelque chose de bien particulier s’est produit du 23 janvier au 14 février dernier. « On a mis le feu au théâtre! s’exclame François Girard. La mise en scène et la proposition scénographique étaient les mêmes qu’en 2004, mais les chanteurs de très haut calibre et le grand directeur musical ont créé un ensemble qui allait au-delà de tout ce qu’on avait présenté auparavant. On a vraiment marqué le public et les critiques. J’ai moi-même été un peu surpris. »

Le créateur est pourtant habitué aux succès. Connu du monde entier pour ses réalisations des films Le Violon Rouge, Boychoir, Silk et Trente-deux films brefs sur Glenn Gould, ainsi que pour ses mises en scène du Cirque du Soleil, Zarkanna et ZED, il s’envolera en mars vers le Japon, afin de remonter Fusil de chasse en langue nippone.

Ayant déjà dans sa mire une mise en scène au Metropolitain Opera de New York en 2020 et développant plus d’un projet pour Broadway, le créateur espère aussi entreprendre le tournage d’un film dans la métropole québécoise d’ici à la fin de l’été 2016. « Je veux offrir un regard sur ma ville, que j’ai un peu négligée à travers les années, en raison de circonstances professionnelles. Si on fait exception de la fin du Violon rouge, je ne me suis jamais attardé à Montréal dans aucun de mes films. Et je le devais. »

Girard a certainement pris le temps de vibrer au rythme de Montréal durant ses semaines de travail au TNM, plus de dix ans après y avoir présenté Le Procès de Kafka. Il s’attaque cette fois à la plus célèbre pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot. Une œuvre qui interpelle le monde entier depuis sa création en 1952 et qui le fascine depuis 1992, lorsqu’il a vu, à 29 ans, la version d’André Brassard.

« La pièce a un propos extrêmement universel et intemporel sur la condition humaine, et sur le sens que chaque être humain cherche inévitablement durant son voyage sur la planète terre. On y retrouve une profondeur philosophique et tragique, avec des ressorts comiques qui rendent le tout extrêmement attachant. »

Il ne croit pourtant pas que la pièce mérite sa place dans le théâtre de l’absurde, une épithète qui la suit depuis des décennies. « Le premier regard rapide donne cette impression. Les personnages ont des paroles et des comportements absurdes, mais la pièce ne l’est pas. Quand on va au-delà des dialogues pleins de quiproquos, on découvre cinq solitudes, cinq parcours qui se connectent à peine et cinq réflexions bien distinctes. On n’a pas fini de trouver tous les liens et les récurrences qui existent dans ce texte. Sa construction relève d’un travail d’orfèvrerie. »

Un bijou théâtral qui a pourtant failli éclater en morceaux au début des années 50, alors que les bien-pensants du théâtre bourgeois l’ont rejeté d’un bloc. « Beckett a ignoré toutes les règles du théâtre et de la construction narrative. Il a pratiquement fait de l’anti-théâtre. En 1952, au Théâtre de Babylone, à Paris, la polémique a été immédiate, et parfois violente! Des bagarres ont éclaté durant certaines représentations, car certains spectateurs avaient l’impression que le théâtre venait d’être bafoué. »

Aujourd’hui considéré comme un pilier du théâtre contemporain, la pièce est montée plus souvent qu’à son tour avec un parti prix pour la simplicité. Une description assez loin des opéras et des films de François Girard. Celui-ci tient toutefois à préciser que son œuvre ne se résume pas au grandiloquent.

« Le dépouillement m’intéresse autant que le grand déploiement. Les pièces Fusil de chasse et Novecento Pianiste privilégiaient la petite forme. Parfois, quand on se retrouve devant un texte et des comédiens d’exception, on se demande ce qui manque et s’il faut vraiment ajouter quoi que ce soit. »

Il a d’ailleurs opté pour une proposition épurée des histoires de Vladimir et d’Estragon. « J’ai voulu mettre en scène le temps lui-même. Avec les deux actes qui se répètent, le temps qui est statique ou qui circule, l’incertitude à savoir si nous sommes le lendemain ou la veille, la notion du quand est extrêmement confuse. On avait envie d’illustrer tout cela dans la scénographie. »

François Girard et Lorraine Pintal envisagent ce retour au TNM depuis bientôt sept ans, mais le metteur en scène tenait à ce que tous les éléments soient réunis avant de se commettre.

« J’attendais d’avoir cette distribution, qui fait bien des jaloux chez mes compères metteurs en scène, avant de plonger. Godot, c’est une escalade qu’on fait avec des compagnons exceptionnels, sinon ça ne vaut pas la peine. Et j’ai parfois l’impression que la pièce a été écrite pour ces acteurs. Il n’y a pas plus Estragon que Benoit Brière, pas plus Vladimir qu’Alexis Martin, pas plus Pozzo que Pierre Lebeau et pas plus Lucky qu’Emmanuel Schwartz. Je suis porté par leur intelligence et leur jeu. Je pense que Beckett sera bien content. »

La pièce « En attendant Godot » sera présentée au TNM du 1er au 26 mars 2016. Plus de détails ici.

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