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RVCQ: les non-leçons de Philippe Falardeau

RVCQ: les non-leçons de Philippe Falardeau
Les Films Séville

«Plus j’avance dans mon métier, plus j’ai la conviction que je n’ai pas de leçons à donner», a lancé Philippe Falardeau, à peu près d’entrée de jeu, au public rassemblé à l’ancienne Salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise, mardi soir.

Le réalisateur de Guibord s’en va-t-en guerre, Monsieur Lazhar, Congorama et La moitié gauche du frigo, entre autres, offrait une «classe de maître» animée par Marie-Louise Arseneault, dans le cadre des Rendez-Vous du cinéma québécois (RVCQ). «Classe de maître», disons-nous entre guillemets, car le cinéaste a précisé ne pas beaucoup aimer cette expression. «Je ne pense pas qu’il y ait de maîtres vivants en cinéma, présentement», a même avancé Falardeau.

Celui qui a déjà légué sept films en 16 ans a néanmoins été un véritable professeur pour l’assistance pendant l’entretien, en partageant sa vision personnelle de différents aspects du septième art : le choix des acteurs, les images, l’esthétisme et ses significations, la musique, etc. Et les questions des spectateurs, à la fin de la rencontre, ont été dans ce sens également. Les jeunes futurs réalisateurs qui emplissaient la salle – Falardeau leur a fait lever la main à la fin de la présentation, et ils étaient en nette majorité - se sont certainement gavés des différents points de vue du sympathique créateur aux deux pieds bien ancrés sur terre.

Les œuvres des autres

À chaque Leçon de cinéma des RVCQ, les invités d’honneur doivent choisir des extraits tirés de quelques-unes de leurs œuvres, qui seront projetés sur écran et viendront appuyer leurs propos en cours de discussion. Or, dans le cas de Philippe Falardeau, ce ne sont pas ses propres opus qui ont été mis de l’avant, ou si peu. Le principal intéressé a même rechigné un brin avant de démarrer un échantillon de C’est pas moi, je le jure, le seul de ses films qu’il est «encore capable de regarder».

L’homme a plutôt préféré s’accompagner de moments issus de La nuit américaine, de François Truffaut (qu’il regarde avant chaque début de tournage), À l’ouest de Pluton, d’Henry Bernadet et Myriam Verreault (pour illustrer l’importance des images significatives), J’ai tué ma mère, de Xavier Dolan (pour exposer certaines trouvailles visuelles) et Les signes vitaux, de Sophie Deraspe (pour montrer ce qu’est, selon lui, un plan de caméra parfait).

On a aussi vu des instants des auditions des jeunes Émilien Néron et Sophie Nélisse, les deux jeunes vedettes de Monsieur Lazhar, juxtaposés à des scènes du film. Falardeau a ainsi voulu dépeindre tout le travail qui avait été accompli auprès des deux jeunes acteurs entre la première et la dernière étape d’enregistrement, avec l’aide de Félixe Ross, la directrice de jeu des enfants.

En ce qui concerne C’est pas moi, je le jure, Philippe Falardeau l’a sorti de ses voûtes pour indiquer le rôle crucial que peut jouer la musique au cinéma. Dans la toute première scène de cette adaptation des romans de Bruno Hébert, le petit Léon (Antoine L’Écuyer) se pend par accident ; Philippe Falardeau a expliqué comment la musique joyeuse de Patrick Watson , qui joue par-dessus, a insufflé une légèreté essentielle à cette prise, afin que le spectateur comprenne qu’il a affaire à une comédie, et non à une tragédie. Oui, le gamin Léon a ses pulsions morbides, mais il n’est pas suicidaire pour autant.

Quelques faits saillants

* Philippe Falardeau a avoué que les budgets des cinéastes aux États-Unis ne sont pas tellement plus faramineux qu’au Québec. «Pas en ce qui [le] concerne», du moins. Il vient de compléter, à New York, le tournage de The Bleeder, un long-métrage à «très, très petit budget», de cinq millions de dollars. Il a aussi mentionné que la dynamique, sur les plateaux de tournage, est sensiblement la même, qu’on soit chez les Américains ou ici. Qui plus est, les rapports entre êtres humains seraient plus authentiques chez nous que là-bas. «Au Québec, les gens n’ont pas la langue dans leur poche», a souligné Falardeau.

* Philippe Falardeau a admis être un peu mal à l’aise avec le processus des auditions, un peu embarrassé devant les acteurs qui doivent sans cesse se prouver à nouveau, même après plusieurs contrats professionnels. «C’est comme si on demandait à un avocat de toujours repasser son Barreau», a-t-il comparé. En audition, le réalisateur se considère lui aussi testé, en ce qui a trait à la chimie avec le comédien évalué. Il a confié que, lorsque Paul Ahmarani avait auditionné pour La moitié gauche du frigo, ce n’était pas pour obtenir le rôle principal du film, et Falardeau non plus ne voyait pas ce potentiel en lui ; c’est la directrice de casting qui bossait aux côtés de Falardeau qui l’a finalement éclairé. Et Paul Ahmarani a finalement remporté un Jutra pour son interprétation.

* Philippe Falardeau dit en avoir assez de l’omniprésence des tons de blanc et de beige en publicité, depuis quelques années. Il a fait rire la foule avec sa description comique.

* Un secret pour qu’un comédien se glisse réellement dans la peau d’un personnage : lui donner à porter des souliers très différents de ceux qu’il enfile habituellement. Effet garanti, foi de Philippe Falardeau!

* Philippe Falardeau affirme «briser le quatrième mur» dans tous ses films. C’est à dire qu’au moins une fois, l’un des personnages regarde la caméra de front, ou s’adresse à elle directement. Une notion qui lui vient de ses années de pratique en documentaire.

* Philippe Falardeau s’est juré de ne jamais porter d’histoire d’amour au grand écran. « Je trouve ça hasardeux, a-t-il plaidé. C’est hasardeux dans la vie, et au cinéma. Par contre, j’aimerais bien faire une science-fiction. André Turpin et moi, on brainstorme ensemble, on aimerait faire une science-fiction ensemble». Il s’est dit fasciné par le phénomène Ex Machina.

* Philippe Falardeau considère que C’est pas moi, je le jure, bien qu’adapté des écrits d’un autre, demeure à ce jour son film le plus personnel. Il démontre comment lui-même se sentait à l’âge de 10 ans, comment il pouvait se questionner, avec son raisonnement d’enfant, sur le sens de la vie. «Quand on est enfant, ce qu’on a en nous, c’est complexe, mais ce qu’on verbalise, c’est simple.» «Détruire la maison des voisins, j’ai fait ça! Dites-le pas à ma mère…», a-t-il ajouté, blagueur.

* Philippe Falardeau avait refusé que sa Leçon de cinéma des RVCQ soit web-diffusée. Nous avons donc tu volontairement certains secrets dévoilés par le réalisateur, afin de ne pas briser l’intimité qui se dégageait de son tête-à-tête avec ses admirateurs…

Les Rendez-Vous du cinéma québécois se poursuivent jusqu’au 27 février. La prochaine et dernière Leçon de cinéma du festival, avec Pascale Bussières, se tiendra le vendredi 26 février.

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