Le maire de l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville, Pierre Gagnier, a sollicité des dons politiques à des entrepreneurs, alors qu'un terrain leur appartenant - et tout le secteur qui l'entoure - étaient à l'étude par son administration et qu'ils allaient se voir imposer de nouvelles règles pour les développements immobiliers. Le geste n'est pas illégal, mais soulève une question éthique.
Un texte de François Cormier
En 2014, cet élu de l'Équipe Denis Coderre pour Montréal a demandé de l'argent pour la caisse de son parti politique à Marco Musto (300 $), à Paolo Musto (300 $) et à Giuseppe Panzera (200 $).
Au même moment, les élus et les fonctionnaires de son arrondissement se penchaient sur les règles d'urbanisme dans un secteur où Marco Musto et Giuseppe Panzera possèdent un terrain et sur lequel la compagnie Constructions Musto a des visées immobilières.
L'Équipe Denis Coderre pour Montréal n'y voit aucun problème. « Prétendre que [ces contributions] ont pu influencer le processus décisionnel menant à la planification de tout un secteur ne tient tout simplement pas la route », a indiqué la responsable des communications du parti, Françoise Stanton, dans un courriel acheminé à Radio-Canada. Elle ajoute que ces dons ont été faits en toute transparence et qu'ils respectent les règles.
Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance, ne parle pas de geste grave. Cependant, il y voit un enjeu éthique. « Je crois que le maire n'a pas perdu son autonomie de jugement et son indépendance », dit-il.
« Par contre, en terme d'image et de confort éthique, on ne devrait pas solliciter une personne lorsqu'on est engagé dans un processus avec cette personne-là », explique-t-il.
Joint au téléphone, l'un des propriétaires du terrain assure qu'il n'a jamais eu l'intention d'influencer les élus. « On n'achète rien avec 300 $. C'est pour aider le processus démocratique », plaide Marco Musto, de Constructions Musto.
Il laisse savoir que son entreprise a toujours l'intention de développer un projet immobilier sur ce terrain, mais attend que les nouveaux règlements sur l'urbanisme dans le secteur aient tous été adoptés par les élus, au printemps.
Une longue saga
Ce projet immobilier de condos et de logements sociaux a soulevé l'ire de certains citoyens d'Ahunstic-Cartierville depuis 2012. Au départ, Constructions Musto voulait y bâtir huit édifices de huit à douze étages. L'Office de consultations publiques de Montréal a recommandé aux élus de rejeter le projet puisque la hauteur des bâtiments ne respectait pas les règles en vigueur.
Après ce rejet, les élus et les fonctionnaires de l'arrondissement se sont lancés dans la refonte des règles d'urbanisme dans ce secteur. Il a d'abord été conclu que les édifices ne pourraient pas dépasser quatre étages. En mars 2015, quatre des cinq élus ont finalement voté pour que les édifices puissent atteindre un maximum de six étages.