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Ce que voyager seule suite au décès de ma grand-mère m'a appris

Ce que voyager seule suite au décès de ma grand-mère m'a appris
Madeline Wahl

Mes amis, les membres de ma famille, mes collègues et beaucoup d’autres personnes m’ont demandé pourquoi j’avais décidé de partir découvrir l’Islande en solitaire et au cœur de l’hiver. J’avais quelques raisons à donner à mes interlocuteurs selon notre degré d’intimité. Si j’avais affaire à une connaissance, je disais que cela faisait quatre ans que je n’étais pas allée à l’étranger, que j’adorais l’hiver et que je cherchais un nouvel endroit à explorer. Si une amie à qui je n’avais pas parlé depuis longtemps me posait la question, je répondais qu’une autre amie était partie en voyage en solo et qu’elle s’était éclatée, alors pourquoi pas moi?

À mes proches, j’expliquais l’envie d’évasion qui me taraudait depuis le décès de ma grand-mère, en octobre 2014, l’année précédant mon voyage. Je me sentais complètement perdue. C’était comme si je n’avais aucune idée d’où j’allais, comme si mon courage avait été balayé par les vagues de doute qui avaient pris possession de mes sens. J’avais besoin d’une échappatoire. Certains auraient pu rester au même endroit et se reconstruire, mais il me fallait quitter le pays pour redécouvrir qui j’étais et ce qui m’importait. J’avais besoin de voyager seule et, pour une raison que j’ignore, l’Islande était la destination idéale à ce moment-là de ma vie. Oui, oui, en plein hiver.

Quand quelqu’un de proche meurt soudainement, la Terre s’arrête de tourner et une vie complètement différente s’amorce, même si, à l’extérieur, rien n’a changé. Il a fallu une semaine pour que l’état de choc s’estompe, et des mois pour que je reprenne une vie plus ou moins normale.

Quand j’ai réservé ce voyage de neuf jours en Islande, je savais que j’avais pris la bonne décision. J’ai rangé la prudence et les doutes au placard et je me suis lancée dans une aventure qui m’avait semblée impossible jusque-là. Franchement, je ne regrette absolument pas cette décision.

Ci-dessous, neuf choses que j’ai apprises en parcourant l’Islande en solo après la mort de ma grand-mère :

1. Passer autant de temps avec soi-même permet de se pencher sérieusement sur sa vie et les choix que l’on fait.

Après le décès de ma grand-mère, j’avais l’impression d’être un casse-tête en mille morceaux dont les pièces auraient été perdues à jamais. Ce voyage était l’occasion de me reconstruire et de voir ce que je voulais faire de ma vie. Dans la file d’attente aux contrôles de l’aéroport, et dans l’avion juste avant d’atterrir, je me suis rendue compte que mes pensées formaient à nouveau un ensemble cohérent. J’aimais beaucoup l’idée d’être seule dans un pays inconnu, avec plus d’une semaine devant moi pour explorer la gastronomie, la nature et la culture.

J’ai adoré Reykjavik, même s’il y faisait 15 degrés de moins qu’à New York. En regardant comment me rendre à mon auberge de jeunesse et préparer le reste de mon voyage, je me suis sentie envahie par une bonne poussée d’adrénaline, une franche excitation et une curiosité naturelle. Je me suis rendue compte que j’adorais mon chez-moi à New York mais qu’il était temps de voir du pays.

Et puis, le fait de rencontrer d’autres personnes lors de ce voyage m’a beaucoup plu, même si je suis d’un naturel introverti. J’adore écrire et je compte coucher mes expériences sur le papier tout au long de ma vie. J’ai appris qui j’étais en laissant mon esprit s’ouvrir à de nouvelles choses et en affrontant mes peurs. À des milliers de kilomètres de chez moi, je n’avais nulle part où me cacher. C’était maintenant ou jamais!

2. "Ce que vous cherchez vous cherche aussi", comme l’écrivait le poète Rumi.

J’ai rencontré des types le premier jour, quand je suis arrivée au Kex Hostel, quelques heures après mon atterrissage. Je ne connaissais personne en Islande et ne savais pas à quoi m’attendre lors de mon premier voyage en solo. Je n’arrive pas à croire que j’ai rencontré des gens aussi géniaux, créatifs et chaleureux au moment de ma vie où j’en avais le plus besoin.

Nous avons dansé autour des glaciers à Jökulsárlón, fait le tour du Cercle d’or en voiture, escaladé une cascade de nuit, et nous nous sommes raconté nos vies. Il m’était déjà arrivé de me confier à mes amis aux États-Unis, mais je n’avais jamais donné autant de détails à de parfaits inconnus. En parcourant la côte sud de l’Islande en voiture, nous avons parlé de tout : les raisons pour lesquelles nous voyagions seuls, les ruptures, la famille, ce que nous voulions faire de nos vies, ce que nous envisagions pour l’avenir. Nous avons passé quatre jours incroyables et je ne les échangerais pour rien au monde.

En fait, nous avons tous trouvé ce que nous cherchions à cet instant précis de nos vies. Sara, Nick et Sammie venaient tous des États-Unis et n’en étaient pas à leur premier voyage en solo. Sara et moi ne connaissions personne en Islande, alors que Nick et Sammie étaient amis. Sur la photo ci-dessous, on nous voit dans la petite ville de Vik, sur une plage de sable et un ciel noirs. Au-dessus de nos têtes, les étoiles brillaient, d’autres filaient à toute vitesse et certaines éclairaient la Voie lactée. Nous étions seuls dans le froid et nous avons décidé de nous allonger sur le sable pour admirer le ciel en écoutant de la musique. En nous relevant un peu plus tard, nous avons remarqué une lueur et compris qu’il s’agissait d’une aurore boréale. Elle a dansé dans le ciel comme nous sur la plage. Nous sommes devenus très proches très rapidement. Je sais déjà que notre amitié durera. C’est fantastique d’être au bon endroit au bon moment.

3. Tout abandonner permet de vivre dans l’instant présent.

Au début, j’étais inquiète de savoir si j’aurais accès à Internet et si je pourrais donner des nouvelles à mes amis et ma famille. Comment saurais-je ce qui se passait dans leur vie? Au travail? Comment ferais-je pour publier des photos? J’étais accro à mon téléphone et je ratais les paysages qui défilaient devant moi. J’ai compris que ce qui se passait à la maison n’était pas aussi important que ce que je vivais. J’avais besoin d’apprécier pleinement le fait d’être seule dans un pays étranger. Je suis contente de n’avoir utilisé mon téléphone que lorsqu’il y avait du Wi-Fi, d’avoir été capable de respirer l’air du pays, d’admirer les glaciers, les levers et les couchers de soleil, les bâtiments et les gens au lieu de passer en revue mon actualité Facebook et Instagram.

4. Quand vous renoncez aux horaires prédéterminés et que vous prenez les choses comme elles viennent, vous êtes libre de partir à la découverte de choses que vous n’auriez jamais soupçonnées.

Quand mon amie Sara s’est rendu compte qu’un de ses groupes islandais préférés, Júníus Meyvant, se produisait dans un bar de Keflavik, et qu’elle m’a demandé de l’y accompagner la veille de notre retour aux États-Unis, je n’ai pas pu lui dire non. Elle a donc loué une voiture et nous sommes parties ensemble au concert. Quand nous nous sommes aperçu qu’ils allaient dîner juste à côté, nous avons pris en douce une table près d’eux (le restaurant était petit), et on leur a demandé la permission de prendre une photo avec eux. Ils ont accepté et se sont montrés vraiment adorables.

Le concert lui-même était extraordinaire, et c’était vraiment incroyable d’écouter un groupe parler au public en islandais et chanter en anglais. Ensuite, ils nous ont retrouvées et nous ont dédicacé les produits dérivés qu’on avait achetés. Leur chanteur nous a pris dans ses bras toutes les deux. Tout était génial : le groupe, les boissons, les gens qui nous entouraient. C’est cet esprit d’aventure, cette spontanéité, que j’ai adoré pendant mon séjour en Islande, autant chez moi que chez les autres.

5. Prendre des risques et se fier à son instinct fait partie intégrante des voyages en solitaire.

J’ai dû monter à cheval une seule fois dans ma vie, mais une recherche Google m’a suffi pour tomber amoureuse des chevaux islandais, et j’ai su que je devais absolument faire une excursion. Sans avoir aucune idée de ce qui nous attendait, mes amis et moi avons pris un bus et traversé des flots de lave datant de 7 000 ans avant d’arriver dans un ranch où ma monture s’appelait Brownie. Nous avons fait une randonnée de deux heures sur la neige et la glace, et même si les sabots des chevaux glissaient parfois (en faisant bondir mon cœur dans ma poitrine), on est revenus en un seul morceau, après s’être baladés dans des paysages magnifiques.

Une autre fois, j’ai escaladé de nuit une cascade gelée. À cheval comme pendant l’escalade, j’étais terrorisée et je n’arrêtais pas de m’imaginer le pire, mais tout s’est bien passé. Je me suis sentie plus vivante que jamais, et toute cette adrénaline et cette exaltation étaient irrésistibles. Ça valait tous les risques du monde.

6. On finit par apprendre à lâcher prise sur ce qu’on peut, et ne peut pas, contrôler.

Depuis le décès de ma grand-mère, je pense à elle tous les jours. Pendant mon séjour, il m’arrivait de réécouter certains de ses messages sur mon répondeur, juste pour entendre sa voix, ou de m’arrêter devant une boutique pour regarder un bijou en me disant qu’elle l’aurait vraiment adoré. Parfois, dans ma chambre d’hôtel, avant de m’endormir, je repensais aux raisons qui m’avaient poussé à faire ce voyage, à ce que je voulais garder et ce dont je voulais me détacher.

Avant l’Islande, j’analysais toujours tout à l’extrême. Je doutais de moi et de mes projets. Un concours d’écriture? Je n’étais vraiment pas sûre de pouvoir le gagner. Un partiel à l’université? Pas certaine de l’avoir. Si je partais en voyage en solitaire, j’étais persuadée de passer la majeure partie de mon temps dans mon coin, à déprimer. Voyager à travers toute l’Islande, découvrir le pays et rencontrer des gens incroyables a dissipé toutes mes inquiétudes. J’étais dans un pays étranger, et c’était une expérience extraordinaire. J’ai compris que je pouvais me défaire des choses que je ne pouvais pas contrôler, tourner la page sur certains souvenirs, et faire en sorte que les regrets n’aient plus de prise sur moi. Je vivais ma vie à fond. J’étais libre.

7. Il y a tellement de beauté dans le monde. Il suffit de sortir de sa zone de confort pour s’en rendre compte.

En traversant l’Islande, j’évoluais comme dans un rêve. Je n’avais encore jamais connu un pays où le soleil se levait vers 11 heures, et où je passais la plus grande partie de la matinée dans le noir total. En parcourant le ciel, le soleil nimbait la ville et la campagne d’une lumière merveilleuse. Que j’observe Reykjavik du haut de l’église centrale ou que je m’arrête sur le bord de la route pour admirer la beauté qui nous entourait, je ne m’étais encore jamais sentie autant chez moi. C’était un soulagement constant, une impression de détente qu’on ne ressent qu’en abandonnant sa zone de confort pour s’aventurer dans un monde qui va au-delà de tout ce qu’on aurait pu imaginer.

8. Vous le méritez. Même si vous ne le voyez pas, les autres le verront pour vous.

J’adore les amis et la famille que j’ai laissés derrière moi, mais c’était vraiment incroyable d’arriver dans un autre pays et de rencontrer un nouveau groupe d’amis avec qui me faire des souvenirs tout neufs. Qu’on regarde des combats d’arts martiaux de l’UFC jusqu’à 6 heures du matin dans le centre de Reykjavik, qu’on reste debout jusqu’à 3 heures à discuter de nos vies ou qu’on regarde des films ensemble, j’étais ravie de constater que je pouvais me créer une communauté dans un autre pays. Même quand je doutais de moi, eux voyaient la liberté et la force qui m’habitaient. J’avais juste besoin d’un peu d’aide pour m’en rendre compte.

9. Même quand on est seul, on ne l’est jamais complètement.

Ce qui est marrant, c’est que je n’ai vraiment été seule qu’au tout début et à la toute fin de mon voyage. Le dernier jour, je ne me sentais plus si seule que ça. Au contraire : j’étais venue, j’avais vu, j’avais conquis ma part de doute constant, la critique et l’analyse excessive, et appris à prendre les choses comme elles venaient… par exemple en attrapant le bus qui devait m’emmener du Lagon bleu à l’aéroport avec à peine dix minutes d’avance! J’étais seule pour rentrer aux États-Unis, mais je sais que je ne me sentirai plus jamais seule. Les souvenirs de ce voyage m’accompagnent, et me donnent une assurance qui ne me quittera plus jamais.

Je me sens en harmonie avec moi-même après ce voyage, comme si les pièces du puzzle avaient fini par s’assembler pour créer une nouvelle image, symbole de cette étape nouvelle dans ma vie. Ma grand-mère me manque toujours, en permanence, mais je sais à présent que mon voyage en solitaire m’a aidée à retrouver une juste vision des choses et à réaffirmer à quel point la vie est belle. Ma zone de confort s’est agrandie chaque jour, modelée par la personne que je croyais être et celle que j’avais envie de devenir. J’ai encore beaucoup de chemin à parcourir, mais je suis décidée à avancer.

Cet article initialement publié sur le Huffington Post États-Unis a été traduit de l’anglais.

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