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Ce qu'un neurochirurgien atteint d'un cancer en phase terminale a appris sur la vie

Ce qu'un neurochirurgien en phase terminale a appris sur la vie
NORBERT VON DER GROEBEN

À 36 ans, le neurochirurgien Paul Kalanithi était également diplômé en littérature anglo-saxonne et avait obtenu la bourse d’étude la plus prestigieuse de sa spécialité. Bien placé pour accéder à la chaire de neuroscience de l’Université de Stanford, il était aussi marié à une interne brillante.

C’est alors qu’il a découvert qu’il avait un cancer du poumon de stade IV.

«Le diagnostique a été immédiat», écrit-il dans ses mémoires, When Breath Becomes Air, publiés après sa mort (Kalanithi est décédé en mars 2015). "Pendant mon internat, j’avais analysé des centaines de scans pour mes collègues afin de voir si la chirurgie offrait quelque espoir. J’écrivais : «Situation métastatique avancée, la chirurgie ne peut rien faire' et je passais au suivant.»

Ce nouveau livre raconte le cheminement de Kalanithi pendant les dix-huit derniers mois de sa vie, notamment sa tentative de trouver une réponse à l’une des questions existentielles qui lui avait fait choisir la médecine: «Quel sens donner à la vie quand on sait qu’elle mène à la mort et la décomposition?»

Voici quatre réflexions tirés des mémoires de Kalanithi:

1. C’est à vous de définir vos valeurs

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Quand Kalanithi a appris qu’il avait un cancer du poumon en phase terminale, il a demandé à son oncologue, Emma, d’être aussi précise que possible dans son diagnostique.

«Ca m’aiderait de savoir combien de temps il me reste , lui a-t-il répondu quand elle n’a pas voulu émettre une hypothèse sur son espérance de vie. Si j’ai deux ans, je vais écrire un livre. Si j’en ai dix, je vais reprendre la chirurgie et mes études fondamentales.»

Au lieu de céder, Emma lui a suggéré de «définir ses valeurs». Il a pris cela pour un défi, car «le plus délicat, avec la maladie, c’est qu’elle modifie constamment les valeurs auxquelles vous êtes attaché. Quand on essaie de savoir ce qui est le plus important pour soi, on ne s’arrête jamais».

Kalanithi a repris la neuroscience pendant quelque temps, avant de se consacrer pleinement à son épouse, ses enfants et, bien entendu, la rédaction de ses mémoires. Bien que l’approche de la mort ait stimulé sa productivité, il s’est beaucoup intéressé à la notion de réinventer ses valeurs au fur et à mesure de l’évolution de sa maladie.

«Emma ne m’a pas rendu mon identité", écrit-il. "Elle m’a permis de m’en créer une autre.»

2. Nous ne voyons jamais les choses dans leur ensemble

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Quand Kalanithi a été admis en tant que patient dans l’hôpital où il avait exercé, il a vu pour la première fois le cancer de l’autre côté du miroir.

«Il est impossible de détenir l’ensemble des connaissances humaines», s’est-il dit en observant que le monde était différent selon qu’on le voyait avec les yeux d’un médecin, d’un patient, d’un ingénieur, d’un économiste, d’un chasseur de perles, d’un alcoolique, d’un technicien du câble, d’un éleveur de moutons, d’un mendiant ou d’un prêtre. «Le savoir naît des relations que nous établissons entre nous, et avec le monde qui nous entoure, mais ne sont jamais complètes.»

Indépendamment de ses récompenses dans le domaine de la neuroscience, ou de son habileté à manier le scalpel, c’est en devenant à son tour malade du cancer qu’il a vraiment ressenti la douleur de ses patients et de leurs familles.

3. La maladie n’est pas une juste punition

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En devenant interne, Kalanithi a commencé à s’inquiéter du fait qu’il devenait de moins en moins sensible à la douleur des patients à mesure qu’il gagnait en expertise, ce qu’il qualifiait de «dégringolade morale».

Ce n’était pas qu’une impression. Kalanithi se souvient de ne pas avoir pris le temps de répondre en détail aux questions des cancéreux, et d’un incident au cours duquel un ancien combattant récalcitrant s’était blessé parce qu’il ne l’avait pas écouté. «J’ai recousu la blessure ouverte tandis qu’il poussait des cris de douleur, en me disant qu’il l’avait bien cherché», raconte-t-il.

C’est après le décès d’un collègue dans un accident de voiture que Kalanithi a changé d’attitude. «Personne ne mérite ce qui lui arrive, s’est-il dit. En tant qu’interne, mon idéal n’était pas de sauver des vies – nous sommes tous mortels – mais d’aider le patient et sa famille à comprendre ce que sont la mort et la maladie.»

Concrètement, le consentement obligatoire du patient est devenu pour lui «l’occasion de sceller un contrat avec l’un de mes compatriotes en souffrance». C’est aussi un rappel utile de la force des relations humaines.

4. La douleur fait partie de la vie

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Quand Kalanithi et son épouse, Lucy, se sont posé la question d’avoir un enfant dans les derniers mois de sa vie, elle lui a demandé si le fait de devoir dire au revoir à cet enfant ne rendrait pas sa mort encore plus douloureuse. Kalanithi a eu une réponse extraordinaire: "Sûrement, et ce serait une bonne chose". Lucy et lui considéraient en effet que la douleur fait partie de notre existence. D’ailleurs, sa relation avec Cady, sa fille, est la clé de voûte de ses mémoires. Elle a éclairé ses derniers instants:

«Tu as rempli un mourant de joie, écrit-il. Une joie que je n’avais jamais connue jusqu’à présent, une joie qui se suffit à elle-même. En cet instant, c’est inestimable.»

Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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