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Du suspense au procès de Jian Ghomeshi (VIDÉO)

Du suspense au procès de Jian Ghomeshi (VIDÉO)

La défense de Jian Ghomeshi a mis la crédibilité de la deuxième plaignante, à rude épreuve en Cour de l'Ontario à Toronto jeudi. L'ex-animateur vedette de 48 ans est accusé d'avoir agressé sexuellement trois femmes et d'avoir vaincu la résistance de l'une d'elles par l'étouffement. Il a plaidé non coupable aux cinq chefs d'accusation.

Un texte de Jean-Philippe Nadeau

La deuxième victime présumée est la comédienne Lucy DeCoutere de la série Trailer Park Boys. Elle est la seule à avoir accepté que son nom soit publié. Elle était supposée témoigner lundi, mais la Couronne a expliqué qu'elle avait changé l'horaire des comparutions. Le procureur a demandé ce matin un peu de temps avant de reprendre le procès à cause de nouvelles informations qu'il venait d'obtenir de l'actrice.

Rencontre en 2003

Lucy DeCoutere affirme qu'elle a rencontré Jian Ghomeshi en juin 2003 lors d'une conférence à Banff en Alberta. L'actrice, qui habite Halifax, précise qu'elle le trouvait « intéressant », « intrigant » et « mignon », qu'ils flirtaient volontiers et qu'ils se sont échangé leurs coordonnées pour se revoir éventuellement à Toronto.

Mme DeCoutere souligne qu'ils se sont ensuite écrit des courriels à connotation sexuelle, un peu salaces, mais innocents, avant qu'elle n'aille le voir en Ontario le mois suivant. On ignore en revanche la teneur exacte de ces courriels.

La plaignante explique qu'elle est allée à Toronto le 4 juillet, qu'ils sont sortis au restaurant et qu'elle a accepté d'aller chez lui.

« Je savais que nous n'aurions aucune relation sexuelle dès le premier soir. »

— Lucy DeCoutere, plaignante

Une fois à sa résidence, elle ajoute néanmoins que Jian Ghomeshi l'a soudainement embrassée, mais que le baiser était consensuel.

L'agression physique présumée

Elle souligne toutefois qu'il l'a aussitôt « prise par la gorge, en l'étouffant contre un mur et en la giflant fortement au visage avec sa main libre ».

« Je n'avais, cette fois, aucunement consenti à ces actes. »

— Lucy DeCoutere

Elle affirme qu'elle était sous le choc, que personne ne l'avait molestée auparavant et que ce qu'il lui avait fait subir n'avait rien de sexuel.

Lucy DeCoutere ajoute qu'elle a préféré attendre une heure avant de partir. « Je suis restée pour ne pas paraître impolie, parce qu'il m'avait invitée et que je ne voulais pas le mettre en colère. » Elle avoue qu'elle l'a embrassé en le quittant, mais que ce baiser « n'enlève rien au fait qu'il l'avait agressée une heure plus tôt ».

La plaignante précise qu'elle n'a rien dit à la police à l'époque, parce qu'elle ne pensait pas que ce qu'elle avait vécu était une agression et que son comportement était illégal. « J'éprouvais de la pitié pour lui », se souvient-elle. Elle précise qu'elle a su plus tard en lisant dans les journaux que d'autres femmes avaient subi le même sort.

Elle affirme qu'elle a revu M. Ghomeshi le même week-end à Toronto. « Tout le monde a le droit à l'erreur une première fois », dit-elle pour expliquer son souhait de le revoir, en pensant qu'elle avait vécu « un acte isolé ».

Elle confirme qu'elle l'a aussi revu un an plus tard aux Prix Gémeaux et de nouveau à Banff, où elle a eu « bien du plaisir » dans un bar de karaoké. « Jian était revenu me rejoindre sur scène, dit-elle, pour chanter la chanson Hit me baby one more time de Britney Spears. »

Un contre-interrogatoire musclé

Me Marie Henein a de nouveau offert une performance dramatique qui lui a valu les applaudissements du public dans le prétoire en fin de journée.

Elle contre-interroge d'abord la comédienne sur la publicité dont l'actrice a profité selon elle en racontant sa présumée agression à 19 organes de presse entre octobre 2014 et juin 2015.

« Vous [Lucy DeCoutere] avez accordé neuf entrevues à la presse avant d'aller à la police le 3 novembre 2014, puis dix autres dans les mois subséquents. »

— Maire Heinen, avocate de la défense

Me Marie Heinen lui rappelle aussi que les détectives lui avaient pourtant demandé de ne plus approcher les médias. Mme DeCoutere reconnaît qu'elle voulait rester dans le cercle d'amis de M. Ghomeshi, parce qu'ils évoluaient dans le monde des arts.

Me Henein s'attarde surtout au fait que Lucy DeCoutere a passé tout le week-end du 5-6 juillet 2003 en compagnie de l'accusé après avoir été prétendument agressée à son domicile le vendredi précédent. La plaignante avait déjà expliqué à la Couronne qu'elle avait voulu « neutraliser une situation négative ».

Me Henein exhibe néanmoins à la cour des photos d'elle avec son client dans un parc ou dans un BBQ chez des amis du journaliste. L'un des clichés la montre en train de serrer dans ses bras Jian Ghomeshi.

La défense a une nouvelle fois relevé des incohérences dans le récit de l'actrice. Elle met par exemple en relief des contradictions dans la séquence des événements qui se seraient produits au domicile de l'accusé, entre ce qu'elle a dit à la police et à la presse. La défense l'accuse aussi d'avoir omis certains détails dans sa rencontre avec les détectives.

Nouveau coup de théâtre

Me Henein a enfin suggéré que Lucy DeCoutere avait gardé secrets des détails concernant des contacts qu'elle avait eus par écrit avec son client après la présumée agression. L'avocate de la défense soutient que la comédienne n'a rien révélé à ce sujet, ni à ses amis, ni à la presse, ni à la police.

Me Henein explique que ces courriels mystérieux n'ont été mentionnés que cette semaine à la Couronne, après le témoignage de la première plaignante. Elle soutient que l'avocate de Mme DeCoutere qui est aussi son agente de relation publique a appelé les procureurs mardi à leur sujet. « Vous craignez que la défense possède ces courriels et cela vous inquiète », lui dit-elle.

On comprend dans l'ironie de la défense qu'elle est au courant de la teneur de ces messages, mais qu'elle aimerait mieux l'entendre de la plaignante. « Dites au juge maintenant la vérité », lui dit-elle.

« Je ne comprends pas ce que vous voulez dire », lui répond Lucy DeCoutere. La plaignante explique qu'elle ne savait pas à l'époque l'importance de transmettre à la police des informations au sujet des contacts qu'elle avait eus avec l'accusé. « Je connaissais très mal le processus judiciaire », déclare-t-elle.

Le contre-interrogatorie s'arrête toutefois là. Dans un nouveau coup de théâtre, Marie Henein l'interrompt délibérément. Le procès se poursuivra vendredi.

Une centaine de manifestants dénoncent le harcèlement, les agressions sexuelles et l'oppression

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