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«Le miel est plus doux que le sang»: Dali, Garcia Lorca et Buñuel veulent changer le monde (ENTREVUE)

«Le miel est plus doux que le sang»: changer le monde (ENTREVUE)
LM Chabot

Madrid, 1922, dans la Residencia de Estudiantes de Madrid, un nouveau monde se prépare : le peintre, sculpteur et écrivain Salvador Dali, le poète Federico Garcia Lorca et le cinéaste Luis Buñuel, tous à la frontière de l’âge adulte, réfléchissent, échangent et s’enflamment. Bien avant de se transformer en maîtres à penser du surréalisme, les trois adolescents tentent de se définir et de redéfinir la société, alors que l’Espagne est au bord de la guerre civile. Cette période charnière a été reconstituée il y a 20 ans par les dramaturges Simone Chartrand et Philippe Soldevila.

Né à Québec de parents espagnols, l’auteur et metteur en scène s’est toujours senti concerné par l’époque dépeinte dans la pièce. « À partir du moment où tu es d’origine espagnole, tu ne peux pas faire autrement que d’être interpellé par le contexte politique qui a fait éclater la guerre civile dans les années 30, souligne Soldevila. Quand j’ai eu l’idée d’écrire ce projet, c’était une manière pour moi de me rapprocher de mes racines. »

Les deux créateurs ont eu l’audace d’imaginer ce que pensaient et disaient ces trois jeunes hommes, 70 ans plus tôt. « Au début, Simone était craintive. Elle se demandait comment elle aurait la prétention de mettre des mots dans la bouche de ces monstres sacrés de l’art. Mais je l’ai convaincue en lui disant qu’on allait se baser sur beaucoup de recherches : des lettres échangées entre eux, des conférences, des témoignages sur leur relation. »

Une abondante documentation qui imposait un défi de taille : faire des choix. « Quand il est question de ces trois-là, on pense toute de suite à leurs œuvres et à leur carrière incroyable. Mais si on voulait éviter de se perdre ou de seulement parler d’histoire de l’art, on devait trouver un angle précis. On s’est donc concentré sur la période entre 1919 et 1923, en essayant de semer les germes de ce qu’ils allaient devenir. »

Durant ces années, les adolescents carburent à la création et aux projets de révolution. Une volonté qui sera attisée par un personnage imaginé par les auteurs : Lolita, une chanteuse de cabaret anarchiste qui sèmera des graines d’imprudence et d’insoumission dans leurs esprits bouillonnants. « Avant cette rencontre, ils sont en quête de quelque chose de grand, mais ils ne sont que des gamins, des fils de bourgeois naïfs. Puis, tout à coup, ils font connaissance avec une vraie femme qui revient de Paris, la Mecque des arts, alors qu’il ne se passe rien à Madrid culturellement. »

Extrait de la pièce :

« Il faut que les poètes d’aujourd’hui méprisent le sentimentalisme. L’art nouveau doit exprimer l’essence et l’esprit de l’ère nouvelle dans laquelle nous sommes : les machines, la dynamo, les voitures rapides, les aéroplanes, les transatlantiques, le télégraphe, la photographie, la radio, les patinoires, le ragtime et le foxtrot, ça c’est notre époque. » - Lolita

Lolita arrive alors avec une primeur sur le Manifeste du surréalisme, écrit par André Breton. « À son contact, ils entreprennent un peu prématurément leur propre révolution artistique, alors que l’Espagne est dans une effervescence incroyable. Il y a beaucoup d’agitation autour d’eux et ils ne veulent rien de moins que changer le monde! Ils rêvent d’une révolution sociale et d’une république pour que l’Espagne arrive dans l’ère moderne. »

En parallèle se trame un rapport de proximité ambigu entre les trois artistes. « Il y a véritablement eu une histoire de cœur trouble entre Lorca et Dali, mais ce n’est pas clair si elle a été consommée ou si elle est demeurée à l’état latent. Dali s’amuse à dire Lorca a essayé de l’enculer, mais que ça n’a pas fonctionné pour des raisons strictement mécaniques… Tout cela, à une époque où l’homosexualité était cachée et taboue. »

Et alors que Buñuel ne voyait pas d’un bon œil l’influence que Lorca exerçait sur Dali. « Buñuel était un homme classique et macho de son époque, né dans le nord de l’Espagne, une région – d’où vient ma mère – réputée pour ses gens francs et assez rudes. Il y avait un réel jeu de pouvoir entre eux. »

Présentée il y a 20 ans à Québec, Montréal et au Nouveau-Brunswick, Le miel est plus doux que le sang revivra au Théâtre Denise-Pelletier, à la demande de son directeur artistique, Claude Poissant, qui désirait revisiter la notion de répertoire québécois, avec une nouvelle équipe de création, dont Catherine Vidal tient les rênes.

Les acteurs Renaud Lacelle-Bourdon, Simon Lacroix et François Bernier donneront la réplique à Isabelle Blais dans la pièce présentée du 3 au 27 février 2016. Cliquez ici pour plus de détails.

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