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Le Burkina Faso est-il dangereux pour les Canadiens? La réponse en carte

Le Burkina Faso est-il dangereux pour les Canadiens?

Une semaine après l'attaque terroriste au Burkina Faso, dans laquelle six Québécois ont été tués, le gouvernement canadien classe toujours le pays dans la catégorie de ceux où il faut « faire preuve d'une grande prudence ». Le pays d'Afrique de l'Ouest se compare ainsi à la France, à la Russie, à l'Inde ou au Mexique.

Un texte de Marie-Ève Maheu

« Aucun avertissement n'est en vigueur pour l'ensemble du Burkina Faso. Il convient toutefois de faire preuve d'une grande prudence en raison de la menace terroriste », peut-on lire sur le site du ministère des Affaires mondiales. Cette allusion à l'attaque terroriste n'a été ajoutée que jeudi, soit six jours après. Un délai qui irrite François Audet, directeur de l'Observatoire canadien des crises et de l'aide humanitaire de l'UQAM.

« Une semaine pour une mise à jour sur le site Internet, ça démontre à quel point on peut être lent à appliquer des mesures d'urgence. Ça dépasse un peu l'entendement. »

— François Audet

« Après le pire attentat terroriste qui cible des Canadiens depuis le 11 septembre 2001, un des plus importants de notre histoire, ça n'a pas de bon sens qu'il y ait aussi peu de réactions concrètes sur la manière dont on gère ça, à tout le moins sur la façon dont on informe les Canadiens. »

Le ministère des Affaires étrangères a refusé de nous accorder une entrevue. Par courriel, le ministère affirme qu'il continue d'évaluer la menace terroriste, et que des modifications seront apportées au besoin.

Quatre types d'avertissements sont possibles :

  • Prendre des mesures de sécurité normales;
  • Faire preuve d'une grande prudence;
  • Éviter tout voyage non essentiel;
  • Éviter tout voyage.

Un niveau adéquat?

Pour François Audet, le minimum aurait été de mentionner clairement et rapidement l'attaque. « De dire : "hey guys, il s'est passé quelque chose, visiblement, on ne l'avait pas vu venir, donc on ne sait pas s'il y a d'autres menaces, et tant qu'on ne le sait pas, on vous encourage à ne pas aller au Burkina Faso et ceux qui y sont, communiquez avec le service consulaire pour qu'on vous enregistre." »

« Il y a eu une attaque directe sur un site que des Occidentaux fréquentent. Ça ne veut pas dire qu'il y en aura une autre demain, on en est conscient, mais c'est une preuve concrète qu'il y a dans le pays des mouvements organisés qui veulent cibler des intérêts occidentaux. Et on est des intérêts occidentaux. »

— François Audet

David Morin, directeur de recherche au Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec de l'Université de Sherbrooke, ne s'étonne pas qu'Ottawa prenne son temps avant de modifier le niveau d'avertissement aux Canadiens.

« Jusqu'ici, le risque semblait relativement faible », note-t-il.

« Un gouvernement hésite toujours avant d'aller de l'avant et d'établir des avertissements trop forts, parce que ça a des impacts sur les échanges entre les deux pays sur le plan du tourisme, l'économie, l'aide au développement. Ça peut parfois refroidir les relations diplomatiques avec le pays en question. »

— David Morin

La menace terroriste change en Afrique de l'Ouest

Ces dernières années, la situation sécuritaire a surtout changé en Afrique de l'Ouest avec l'avancée de groupes islamistes radicaux, souligne François Audet.

« Avec ce qui s'est passé en Syrie, en Libye, la montée en force de l'État islamique, et les chicanes de territoires entre l'EI, le mouvement de l'AQMI [Al-Qaïda au Maghreb islamique], Boko Haram et les Shabab, tous ces mouvements élargissent leur influence. Des pays, comme le Burkina Faso, qui n'étaient pas sous l'influence de groupes islamistes radicaux, le sont aujourd'hui. »

« C'est clair que le niveau de risque a changé. En quelques années, quelques mois, les étrangers que nous étions sur place sommes devenus des cibles possibles parce que nous représentons l'Occident et que nous sommes face à une organisation qui voit en l'Occident un ennemi à abattre. »

— François Audet

Selon lui, il y a maintenant une fracture géopolitique qui va du Mali à l'Afghanistan. Une fracture qu'on voit en rouge sur la carte.

« À l'intérieur de cette zone, qui est un peu la vision du califat que veut instaurer l'État islamique, les pays, dont certains étaient déjà instables, sont maintenant sous l'influence de groupes islamistes. Ça a changé en deux ou trois ans. Des pays reconnus comme favorables à la coopération sont beaucoup moins envisageables », dit-il.

Des coopérants déjà sur leur garde

De grands organismes de coopération internationale, comme Oxfam Québec, avaient déjà mis en garde leurs employés contre les risques d'attentats au Burkina Faso. Du personnel posté à la frontière avec le Mali avait été rapatrié dans la capitale, et on suggérait aux gens de ne pas se rendre dans les endroits généralement fréquentés par des expatriés.

La coordonnatrice des communications à Oxfam Québec, Justine Lesage, explique que l'organisme ne se fie pas seulement aux avertissements publiés par le gouvernement canadien, mais aussi à son propre réseau d'informateurs locaux pour établir le niveau de risques pour les coopérants et les travailleurs humanitaires.

« Si on se fie juste aux événements qui se sont passés, qu'est-ce qui justifierait qu'on identifie Ouagadougou comme plus à risque que Paris? »

— Justine Lesage

Les six Québécois tués étaient des coopérants d'un autre organisme.

Selon François Audet, « le Canada n'est pas la meilleure de toutes les sources » pour les avertissements de sécurité. « Les organisations humanitaires professionnelles qui sont au front, comme la Croix-Rouge, sont souvent les premières informées par un intermédiaire qu'il va se passer ou qu'il se passe quelque chose. Ils vont croiser des informations officielles et officieuses pour être en mesure d'évaluer les risques pour le personnel sur le terrain. »

Le gouvernement, quant à lui, va davantage se fier au réseau des ambassades et aux organismes de sécurité nationale à travers le monde, explique M. Audet.