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« On ne répond pas aux critiques en coupant les têtes », dit le président iranien

« On ne répond pas aux critiques en coupant les têtes », dit le président iranien

L'Arabie saoudite ne peut pas répondre « aux critiques en coupant des têtes », a déclaré mardi le président iranien Hassan Rohani au sujet de l'exécution du dignitaire chiite saoudien Nimr Al-Nimr.

Cette mise à mort a dégénéré en une crise régionale opposant les deux grands rivaux du Moyen-Orient sur fond de fracture confessionnelle entre sunnites et chiites.

« On ne répond pas aux critiques en coupant les têtes. J'espère que les pays européens qui réagissent toujours aux questions liées aux droits de l'Homme feront leur devoir. »

— Hassan Rohani, président iranien

« L'Arabie saoudite ne peut pas faire oublier son crime d'avoir coupé la tête d'un dignitaire religieux avec la rupture de ses relations », a ajouté le président Rohani.

La déclaration du président iranien a de quoi faire sourciller, puisque l'Iran applique encore davantage la peine capitale que l'Arabie saoudite.

Selon Amnistie Internationale, au moins 90 personnes ont été exécutées en Arabie saoudite en 2014. En Iran, les autorités iraniennes ou les médias contrôlés ou approuvés par l'État ont fait état officiellement de 289 exécutions. Des sources jugées fiables par l'organisation ont cependant signalé au moins 454 exécutions supplémentaires, ce qui porterait le total à au moins 743 le nombre total de prisonniers mis à mort en 2014.

L'exécution samedi du cheik Al-Nimr a été accueillie avec colère en Iran, où l'ambassade saoudienne à Téhéran a été mise à sac par des manifestants dans la nuit de samedi à dimanche.

Riyad a répliqué en rompant ses relations diplomatiques avec Téhéran, un geste rapidement imité par Bahreïn et le Soudan. Le Koweït a aussi emboîté le pas mardi, en rappelant son ambassadeur.

Des relations rompues, mais déjà limitées

La République islamique a minimisé l'effet de ces annonces, en affirmant que le royaume wahhabite sera celui qui pâtira le plus de cette décision. « La rupture des relations par l'Arabie saoudite et ses vassaux n'a aucun effet sur le développement de l'Iran », a commenté un porte-parole du gouvernement iranien.

En plus de rompre ses liens diplomatiques, l'Arabie saoudite a suspendu tous ses liens commerciaux avec l'Iran. Ses liens sont faibles cependant, si l'on se fie aux chiffres publiés mardi par le quotidien économique iranien Donayé Eghtessad.

Selon lui, l'Iran a exporté des biens et produits totalisant 132,2 millions de dollars vers l'Arabie saoudite, dont des fruits et de l'acier, alors que ses importations ne comptent que pour 40,2 millions.

La décision de l'Arabie saoudite de mettre aussi un terme à toutes les liaisons aériennes avec l'Iran pourrait quant à elle avoir un certain impact, puisqu'elle compliquera la vie des Iraniens qui veulent faire le pèlerinage à La Mecque, que tous les musulmans doivent faire une fois dans leur vie.

En 2015, 60 000 Iraniens ont effectué le grand pèlerinage dans la ville sainte. Selon Téhéran, 464 d'entre eux y ont perdu la vie dans la gigantesque bousculade qui a fait plus de 2000 morts, selon des estimations.

Le petit pèlerinage, qui s'effectue à n'importe quelle période de l'année, a pour sa part été suspendu en avril par Téhéran, après que de jeunes pèlerins iraniens ont été agressés par des policiers saoudiens à l'aéroport de Jeddah.

Auparavant, environ 500 000 Iraniens faisaient le petit pèlerinage de La Mecque, avec un record de 850 000 pèlerins entre mars 2013 et mars 2014.

Il est par ailleurs à noter que les relations entre Riyad et Téhéran évoluent en dents de scie depuis la révolution islamique de 1979 en Iran. Les deux pays ne sont jamais entrés en guerre, mais avaient déjà rompu leurs relations de 1987 à 1991 après de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du pèlerinage de La Mecque en 1987.

Pas de conflit direct en vue

Selon des experts, il y a peu de risques que le conflit entre l'Arabie saoudite et l'Iran ne connaisse une escalade et dégénère en une confrontation militaire directe. L'affaire pourrait toutefois avoir des répercussions sur d'autres pays où des conflits entre sunnites et chiites sont en cours, comme en Syrie ou au Yémen.

« L'Iran ne va pas entrer en guerre avec le royaume saoudien », prédit un diplomate occidental interrogé par l'AFP. « Cela va être beaucoup plus vicieux » avec des actions « par procuration », ajoute-t-il. « Ce n'est pas le moment pour les Iraniens d'aller faire exploser des mines dans le Golfe », alors qu'ils attendent la levée des sanctions à la suite de l'accord sur le nucléaire en juillet, et qu'ils vont « commencer à exporter leur pétrole ».

Selon Mustafa Alani, spécialiste de questions de sécurité et directeur au Gulf Research Center, les Saoudiens n'ont « aucunement l'intention d'alimenter l'escalade » avec les Iraniens. Mais il n'y aura « aucun compromis » et ils vont « durcir leur attitude » concernant la Syrie, l'Irak, le Liban et le Yémen pour contrer ce qu'ils considèrent comme une « politique agressive » de la part de l'Iran.

Les précédents dirigeants saoudiens ont « retardé pendant longtemps » la résistance au « défi iranien » dans le monde arabe, « fermant les yeux » sur les actions de Téhéran, et leurs successeurs pensent qu'« il est temps maintenant de relever le défi partout », explique M. Alani.

Pour le conflit en Syrie, où l'Arabie saoudite appuie l'opposition tandis que l'Iran soutient le régime de Bachar Al-Assad, les perspectives se sont assombries, note pour sa part Noah Bonsey, un expert de l'International Crisis Group.

« Pour obtenir une résolution politique en Syrie, il faudrait que les États-clés qui soutiennent chaque camp fassent des concessions réciproques, et poussent leurs alliés syriens à faire de même », souligne-t-il. Or « les choses évoluent dans le sens inverse ».

Avec l'Agence France-Presse

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