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La nuit où ça a vraiment chauffé à la COP21 (vue par un député belge écolo)

La nuit où ça a vraiment chauffé à la COP21 (vue par un député belge écolo)

Hier encore, tout semblait aller très bien. Le projet d'accord de la COP21 suivait son cours, les crochets et options fondaient comme neige au soleil, le tout dans une ambiance de compromis et d'avancées communes. Seuls l'Arabie Saoudite et le Venezuela, sur 195 pays, troublaient véritablement les négociations.

Et puis il y eut la nuit de jeudi à vendredi 11 novembre. A moins de 15 heures de la fin de la conférence de Paris et alors que "l'ambition" du dernier projet de texte était saluée par nombre d'observateurs, la réunion "indaba", le terme zoulou consacré pour ce genre de réunions tardives, a dérapé.

Laurent Fabius avait demandé à ce que cette réunion soit sous le signe du compromis, qui implique "de renoncer à l'idéal de chacun pour avoir ce qui est préférable pour tous". Ambitieux, le projet avait pour autant fait quelques sacrifices. Il n'a finalement convaincu personne.

Ce fut un étalement de lignes rouges de la part des différents pays, parfois totalement contradictoires entre elles. "Cette réunion avait pour but de régler les points les plus compliqués, c'est normal que la nuit fut très difficile. Une COP sans tensions, ce n'est pas possible", relativise Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.

Un subit regain de tensions que le député écolo belge Jean-Marc Nollet a retranscrit tout au long de la nuit via twitter.

Pour quelques degrés de plus...

C'était la grande avancée du projet d'accord. Ce fut le point principal de tensions. A combien doit-on essayer de limiter le réchauffement climatique? Depuis des années, les experts du GIEC avaient établi une ligne rouge: au-dessus de 2°C d'augmentation, les changements seraient irrémédiables.

Mais depuis quelques mois, plusieurs études scientifiques, intégrées à la préparation de la COP21, estimaient qu'une température supérieure à 1,5°C serait déjà insupportable pour de nombreux pays en développement. Jeudi, le texte avait semble-t-il trouvé un entre deux: la mention d'une limitation "bien en dessous des 2°C" et la nécessité de tout faire pour ne pas dépasser les 1,5°C. Il n'y avait même plus de crochets ou d'options dans cette partie du texte.

L'Arabie Saoudite a été le premier à monter au créneau, allant même jusqu'à dire qu'elle ne pourrait accepter un texte ne se limitant pas à "sous les 2°C".

Mais si hier elle était seule (en apparence), elle a ici été rejointe par plusieurs pays. La Russie a ainsi utilisé le même argument que le royaume saoudien, estimant que les éléments scientifiques ne sont pas suffisants pour parler de 1,5°C.

Le Koweït a également défendu cette ligne dure:

A l'inverse, les pays les plus touchés par le réchauffement, comme le Tuvalu ou le Népal ont réaffirmé leur souhait de voir figurer les 1,5°C dans le texte. Le Nigeria a même demandé à aller plus loin sur ce point:

Gaz à effet de serre : le pourquoi du comment

Derrière cette question de degrés se pose directement celle du comment. L'une des réponses, c'est la réduction des émissions de gaz à effet de serre, CO2 en tête. Le texte de jeudi avait enfin fait le tri et proposé un "objectif de long terme" plus clair. Il faut atteindre "un pic d'émissions de gaz à effet de serre le plus tôt possible" puis une réduction "pour atteindre une neutralité des émissions lors de la deuxième moitié du siècle".

Alors même que la phrase en question avait bazardé tout objectif chiffré, au grand dam des ONGs, elle était pourtant trop engageante pour certains. L'Arabie Saoudite (encore et toujours) ne veut plus de la notion "le plus tôt possible", tout simplement.

L'Egypte a été moins dure mais souhaite tout de même qu'il soit précisé que ce "pic" est mondial, sous entendant que les pays développés doivent y arriver plus tôt que ceux en développement.

A l'inverse, l'Union Européenne et les Etats-Unis ont demandé à ce que la réduction des émissions soit chiffrée grâce à des éléments scientifiques et que "dans la deuxième moitié du siècle", soit remplacée par 2050.

La Chine et Cuba ont été moins directs, mais ont demandé une définition plus claire de cette fameuse "neutralité" des émissions de gaz à effet de serre, un concept nouveau et encore assez obscur.

Hasard du calendrier

Ce n'est peut-être pas le point essentiel de l'accord, mais il est symbolique: la question des droits de l'Homme. Jusqu'à jeudi, le texte précisait que la lutte contre le réchauffement climatique devait se faire dans le respect de ces droits. Or le nouveau texte relègue ce principe dans le préambule (qui n'a pas du tout la même importance que les articles).

Et le tout le jour de l'anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'Homme... Un sacrifice qui a fait réagir les ONGs, mais également le Mexique.

La Russie, au contraire, a souhaité clarifier les choses en évacuant cette partie et en renvoyant aux textes déjà existants sur le sujet.

Dans le même temps, le Programme des Nations Unies pour l'environnement affirmait dans un rapport que les questions climatiques et les droits de l'Homme... doivent être liées.

La faute à qui ?

La différenciation, c'est l'un des grands points sur lequel les choses n'avancent pas vraiment depuis le début de la semaine. La question est de savoir à quel point on considère les pays développés comme responsables du désastre climatique à venir. Et donc à quel point les pays en développement doivent eux aussi participer à l'effort de réduction du réchauffement.

Ici, on voit bien les deux blocs, évoqués depuis des mois, s'affronter. D'un côté, la Chine et l'Inde estiment que le texte ne précise pas assez cette différenciation

De l'autre côté, Etats-Unis et Union Européenne font bloc, affirmant que les références à la différenciation sont bien suffisantes dans le texte actuel.

Qui paye quoi ?

Enfin, derrière cette opposition entre pays développés et en développement, le nerf de la guerre: l'argent. C'est un des points les plus compliqués et polémiques de l'accord. Il fait référence aux fameux 100 milliards de dollars par an qui doivent être alloués aux pays en développement pour lutter et s'adapter au changement climatique.

Ici, ce sont clairement les pays développés qui freinent des quatre fers. L'Union Européenne veut que les pays en développement puissent contribuer au financement, au moins sur la base du volontariat. La Nouvelle-Zelande, l'Australie et la Suisse sont sur la même longueur d'onde.

Surtout, L'UE affirme ne pas pouvoir s'engager sur un montant fixe. Le Japon trouve également que l'article "va trop loin".

Pour les Etats-Unis, un financement contraignant écrit noir sur blanc pourrait carrément "tuer l'accord". La contrainte juridique de cet accord est un gros point de débat entre les Etats-Unis et la France depuis plusieurs mois, car le Sénat américain, majoritairement Républicain, devrait alors ratifier le texte. Un pari risqué pour Obama.

C'est d'ailleurs sur cette question du financement que les réunions en sous-groupe qui se sont déroulées cette nuit en parallèle ont le moins avancé...

La présidence française de la COP a affirmé qu'aucune réunion n'aurait lieu vendredi matin (une première). La matinée sera consacrée aux rencontres bilatérales pour tenter de résoudre les problèmes. "On peut encore construire l'avenir, mais la fenêtre se réduit", a commenté Nicolas Hulot ce matin, invitant les chefs d'Etat à "ouvrir le chemin" pour débloquer les négociations.

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