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Des députés québécois du NPD utilisent leur budget pour soutenir des organismes de charité

Des députés québécois du NPD utilisent leur budget pour soutenir des organismes de charité

OTTAWA - Alors que les vacances approchent et que les Canadiens ouvrent leur portefeuille pour appuyer diverses oeuvres de charité, le Huffington Post Canada a appris que plusieurs députés du Québec — pour la plupart néo-démocrates — ont utilisé leur budget pour soutenir des organisations telles que la Fondation québécoise du cancer, la Société canadienne de la sclérose en plaques, la Croix-Rouge canadienne et Le Noël du Pauvre — un téléthon qui vient en aide aux personnes en difficulté à Noël.

Par exemple, Robert Aubin, député néo-démocrate de Trois-Rivières, a obtenu un remboursement de 7632,50 $ pour des dépenses faites entre le 1er avril 2014 et le 30 juin 2015 afin d’appuyer des organismes sans but lucratif de sa circonscription. Son collègue Pierre-Luc Dusseault, député de Sherbrooke aussi du NPD, a réclamé 7488,07 $ pendant cette même période de 15 mois.

Robert Aubin aux Communes en 2012. (Photo: Adrian Wyld/Canadian Press)

Aubin a refusé d’accorder une entrevue au Huffington Post, mais ses états de frais sont truffés de réclamations pour avoir soutenu des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance enregistrés. Notamment:

  • 250 pour la Fondation québécoise du cancer
  • 110 pour la Croix-Rouge canadienne
  • 300 pour Le Noël du Pauvre
  • 255 pour la Fondation de l’école Val Marie
  • 250 pour le Club Kiwanis de Trois-Rivières
  • 250 pour le Club Richelieu de Trois-Rivières.

Il a acheté trois billets à 25 $ l’unité pour un dîner organisé par Espoir de vie - A.P.O.R Inc., organisme de bienfaisance reconnu qui accorde de l’aide financière aux cancéreux et qui remet aux donateurs des reçus à des fins fiscales. Il a aussi dépensé 100 $ pour deux dîners de homards lors de tournois de golf au profit de la Maison Grandiose – organisme de bienfaisance enregistré qu’il soutient fréquemment, venant en aide aux enfants et adultes handicapés.

Aubin a également dépensé 200 $ pour des billets de l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, durant cette période, et il a déclaré 250 $ pour deux billets du Grand Prix de Trois-Rivières — deux week-ends de course automobile — dans sa circonscription.

Pierre-Luc Dusseault speaks aux Communes. (Photo: Adrian Wyld/Canadian Press)

«Si les dépenses sont acceptées, c’est parce qu’elles sont conformes aux règles» - Pierre-Luc Dusseault

La réglementation en vigueur aux Communes autorise les députés à se servir de leur budget de la sorte, mais un examen des frais d’accueil des députés durant cette période laisse croire que peu d’entre eux le font.

Dusseault a déclaré:

  • 250 pour des billets de l’Orchestre symphonique de Sherbrooke
  • 300 pour la Société canadienne de la sclérose en plaques
  • 250 pour la Société Alzheimer en Estrie
  • 230 pour la section Estrie de la Fondation canadienne du rein
  • 90 pour la Fondation des maladies du coeur et de l’AVC
  • 160 pour les Oeuvres de Denis Bisson — un souper-bénéfice
  • 200 pour Canards Illimités.

Il a en outre déclaré 117,42 $ pour trois billets d’un salon de la bière artisanale.

En entrevue, Dusseault a dit ne pas savoir pourquoi d’autres députés ne faisaient pas de telles déclarations.

«Nous sommes invités à tellement d’activités dans la circonscription qu’il est rare que nous déclinions une invitation. Nous y prenons part afin de rencontrer le plus possible d’électeurs», a-t-il affirmé au Huffington Post.

«Si les dépenses sont acceptées, c’est parce qu’elles sont conformes aux règles, a-t-il ajouté. Il y a eu quelques occasions où les dépenses n’ont pas été acceptées parce qu’elles ne respectaient pas les règles, alors on les paye autrement.»

Les documents comptables montrent que des douzaines de députés québécois du NPD ont utilisé leur budget afin d’appuyer divers organismes sans but lucratif, incluant les députés réélus Matthew Dubé, Ruth Ellen Brosseau et Anne Minh-Thu Quach.

Dubé, député de la nouvelle circonscription de Beloeil–Chambly, a dépensé approximativement 4200 $ afin de soutenir différentes causes. Son bureau a refusé de donner des détails sur ces dépenses. Parmi celles-ci figurent cependant 90 $ pour un billet de hockey, 240 $ afin d’appuyer deux tournois locaux de pétanque et 125 $ versés à la Société canadienne du cancer.

Brosseau, députée de Berthier–Maskinongé, a dépensé environ 920 $ afin de soutenir des organismes sans but lucratif, incluant 160 $ pour sept personnes invitées au Noël du Pauvre et 160 $ en guise de soutien au Centre de santé et de services sociaux de Maskinongé (CSSSM). De plus, elle a dépensé 250 $ pour un billet du Grand Prix de Trois-Rivières.

Ruth Ellen Brosseau aux Communes. (Photo: Sean Kilpatrick/Canadian Press)

Minh-Thu Quach, députée de la nouvelle circonscription de Salaberry–Suroît, a quant à elle dépensé approximativement 1400 $ — fonds en majeure partie utilisés au profit de fondations d’hôpitaux et d’organisations locales.

Elle a dépensé 700 $ pour inviter 12 personnes à un événement nautique dans sa circonscription, mais à l’instar de Brosseau, elle n’a pas utilisé ses fonds afin de soutenir des organismes de bienfaisance nationaux.

Ses dépenses ont été approuvées par la Chambre des communes, a-t-elle fait remarquer. «Elles sont toutes pour des groupes communautaires de ma région. Il s’agit principalement de billets pour des soupers-bénéfice», a-t-elle expliqué.

Francis Scarpaleggia aux Communes en 2010. (Photo: Adrian Wyld/Canadian Press)

Francis Scarpaleggia, député de Lac-Saint-Louis, a été le seul député libéral avec des dépenses similaires. Il a fait état d’approximativement 1965 $ ayant servi à soutenir des causes locales, incluant:

  • 250 pour deux billets au profit de la Fondation de l’Hôpital général du Lakeshore
  • 125 pour la Fondation de la Résidence de soins palliatifs de l’Ouest-de-l’Île
  • 510 pour quatre billets pour la Canadian-Italian Association of the West Island
  • 120 pour l’Iranian Cultural Society of West Island
  • 100 pour la Greek Orthodox community of the West Island of Montreal.

Scarpaleggia a affirmé au HuffPost que toutes ses dépenses avaient été pour des billets d’événements locaux.

Sous le couvert de l’anonymat, un responsable de l’organe financier des Communes a affirmé au Huffington Post Canada que les députés géraient leur budget différemment. Certains accumulent les kilomètres en voiture parce qu’ils parcourent leur circonscription de long en large, et d’autres pas, a-t-il dit. «Ils font leur travail différemment, mais à l’intérieur des paramètres de ce que le Bureau (de régie interne) juge correct.»

Les règles en place stipulent que les députés ne peuvent se servir de leur budget pour:

  • les dépenses personnelles telles que repas personnels et amendes pour infraction au code de la route;
  • les frais d’accueil lors d’événements partisans;
  • les droits d’inscription et frais de tournoi;
  • l’achat de cadeaux de plus de 150$;
  • l’achat de cadeaux pour une collecte de fonds d’une tierce partie;
  • les dons ou contributions de toute nature, incluant tout repas ou événement de collecte de fonds;
  • les dépenses de commandite pour événements, groupes ou causes.

Il y a quelques années, la Chambre des communes a cependant décidé d’autoriser les députés à dépenser jusqu’à 125 $ par billet pour assister à un gala ou un événement local. Elle permet également aux députés d’utiliser leur budget de publicité, jusqu’à un maximum de 500 $, afin de faire de la publicité dans le programme d’un événement — en autant que les coordonnées et informations des députés soient précisées dans la publicité.

Des députés questionnent l'ampleur du phénomène

Néanmoins, plusieurs députés ont affirmé au Huffington Post ne pas piger dans leur budget — subventionné par les contribuables — pour se procurer des billets d’événements locaux de collecte de fonds.

«À mes yeux, il ne semble pas que cela serait permis», a indiqué le conservateur Tom Lukiwski.

«J’ai toujours eu une approche directe, a ajouté le député de la Saskatchewan. Si c’était une collecte de fonds ou un événement caritatif, je payais de ma propre poche, je l’ai toujours fait. Je sais que certains députés reçoivent de l’argent de (l’association de circonscription de leur parti), ce qui est légitime — ils peuvent le faire parce que ce sont des fonds qu’ils ont eux-mêmes levés.»

Le député conservateur québécois Denis Lebel a affirmé que tous les députés «font un petit peu» de soutien local. Le problème avec les députés du NPD réside dans «l’échelle et l’ampleur», a-t-il cependant ajouté.

«Nous pouvons tous aider une organisation de façon limitée», a dit le député de Lac-Saint-Jean. «Lorsque la Traversée internationale du lac St-Jean me demande si je vais les aider un peu financièrement, nous n’avons pas des millions de dollars, mais je leur envoie quelques centaines de dollars. Mais j’ignore quels sont les budgets que j’utilise», a-t-il reconnu.

Emmanuel Dubourg, député libéral de la région de Montréal, a affirmé ne pas comprendre comment les députés du NPD pouvaient faire des dons à des organismes de bienfaisance.

«Leurs dépenses ont été acceptées?» a-t-il demandé.

Dubourg a cependant dit comprendre que des députés puissent aider des organisations locales au moyen de leur budget de publicité. «S’il y a une organisation dans ma circonscription qui tient une activité (…) je peux décider de faire de la publicité dans son programme.»

Pourquoi les députés du Québec font-ils cela?

«C’est un phénomène québécois, et je crois que ça tient aux députés de l’Assemblée nationale du Québec», a indiqué au HuffPost la source des Communes.

Au Québec, chaque membre de l’Assemblée nationale dispose d’un budget discrétionnaire de 90 000 $ dont il peut se servir pour appuyer des causes de son choix.

«Ce qui arrive est que les députés fédéraux sont embarrassés lorsqu’ils se présentent à ces choses et qu’ils ont payé 200 $ pour que leur carte d’affaires soit reproduite dans le programme, alors que le membre de l’Assemblée nationale verse un chèque de peut-être 1500 $ ou 2000 $. Ça se passe juste différemment là-bas», a indiqué le responsable.

«Le Québec est la seule région où nous avons un énorme problème avec la publicité à cause de cette dynamique. Où les députés se plaignent que les règles sont trop restrictives — mais ce sont les mêmes règles pour tout le monde à travers le pays.»`

«C’est un phénomène québécois, et je crois que ça tient aux députés de l’Assemblée nationale du Québec»

Minh-Thu Quach a paru étonnée d’apprendre que les députés des autres provinces ne déclaraient pas autant leurs dépenses publicitaires ou leurs achats de billets de soupers-bénéfice.

«Peut-être qu’au Québec, je ne sais pas, nous avons pas mal de groupes communautaires qui organisent des soupers pour lever des fonds — je ne sais pourquoi ils ne font pas ça ailleurs au Canada, mais pour nous, c’est assez animé», a-t-elle dit.

Les députés du NDP de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse n’ont pas suivi l’exemple de leurs collègues du Québec, tout comme certains députés québécois tels que Guy Caron, Alexandre Boulerice et Romeo Saganash. Le député du Bloc québécois Louis Plamondon, aux Communes depuis 1984, n’a également pas déclaré de dépenses du genre.

Cet article initialement publié sur le Huffington Post Canada a été traduit de l’anglais.

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