De jeunes entrepreneurs n'ont jamais vu la couleur des sites web pour lesquels ils avaient déboursé des milliers de dollars et n'ont toujours pas réussi à se faire rembourser. Voici l'histoire d'une imposture orchestrée par Stéphane Théorêt, qui, pourtant, inspire la confiance.
Un texte d'Yvan Lamontagne
Jean Chassagne Jeune ne s'est pas méfié lorsqu'il a choisi récemment M. Théorêt, un créateur de sites web québécois, pour la mise sur pied d'un site de mentorat. Il a dû payer d'avance 800 $ à la compagnie Internet Cloud Canada.
« C'est un site qui ne valait pas grand-chose. J'ai fini par comprendre que le site ne m'appartenait pas. »
— Jean Chassagne Jeune
Il y a de nombreuses victimes, dont l'entrepreneur François Morin et son partenaire d'affaires. En 2013, ils veulent un site pour leur nouvelle entreprise. Ils font donc appel à la compagnie Migration Internet, créée aussi par Stéphane Théorêt. Ils doivent débourser d'avance 600 $.
« Il promet un service rapide, entre 7 à 10 jours. Finalement, au bout de six semaines, tu n'as rien reçu, à part des insultes. »
— François Morin
Jean Chassagne Jeune et François Morin ont beau réclamer un remboursement, Stéphane Théorêt reste introuvable. Un véritable fantôme!
La facture s'en mêle
Officiellement, les deux compagnies n'existent pas, sauf en vitrine sur le web. Les adresses inscrites sont erronées, les numéros de téléphone sont faux, à part la boîte vocale d'Internet Cloud Canada par laquelle il filtre ses appels.
La seule façon d'entrer en contact avec lui est de se faire passer pour un client. C'est donc ce que nous avons fait : nous avons payé d'avance 120 $ pour faire cloner un disque dur.
En caméra cachée, il nous dit qu'Internet Cloud est une entreprise américaine. Après vérification, il n'y a aucune trace de cette compagnie aux États-Unis. Il affirme aussi qu'elle a Hydro-Québec comme client, mais c'est faux. Hydro-Québec dit n'avoir jamais fait affaire avec Internet Cloud Canada.
Lors de cette rencontre, nous apprenons également qu'il garde le contrôle total des sites qu'il crée. Pire encore, il peut même vendre des noms de domaine s'il entre en conflit avec certains de ses clients. Des pratiques inacceptables, selon José Fernandez, qui enseigne au Département de génie informatique de Polytechnique Montréal.
« C'est comme si je vous disais : "Je vais construire une maison pour vous. Vous allez en prendre possession, mais je garde le double des clés." »
— José Fernandez, professeur à Polytechnique
Après la fraude, les menaces
Stéphane Théorêt a déclaré la guerre à Jean Chassagne Jeune, simplement parce qu'il a mis en garde les internautes contre lui et sa compagnie. Stéphane Théorêt est même allé jusqu'à inscrire ce père de famille sur un site gai. Puis il a fait savoir sur Internet que M. Jeune est un fraudeur, un menteur et un harceleur.
M. Chassagne Jeune a communiqué trois fois avec la police pour mettre un terme aux menaces de Théorêt. On lui a répondu que les policiers ne peuvent rien faire parce que ça relève du civil.
En caméra cachée, Théorêt a refusé de reconnaître que des clients sont insatisfaits de lui parce qu'ils ont payé pour des sites qu'ils n'ont jamais eus.
Je ne sais pas du tout à quoi vous faites référence. Vous ne faites pas affaire avec la bonne personne. »
— Stéphane Théorêt
Malgré leurs efforts, ces victimes ne seront jamais remboursées. Les experts s'entendent pour dire qu'il est grand temps de mettre en place des mécanismes réglementaires qui permettront aux gens de se protéger contre les fraudeurs.
Le reportage d'Yvan Lamontagne est diffusé le 8 décembre à La facture sur ICI Radio-Canada Télé.
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