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Le ministère de l'Environnement fait-il autant d'inspections qu'il le prétend? (VIDÉO)

Le ministère de l'Environnement fait-il autant d'inspections qu'il le prétend? (VIDÉO)

Des fonctionnaires accusent le ministère québécois de l'Environnement d'avoir gonflé les chiffres quant au nombre d'inspections qu'il prévoit mener cette année. Radio-Canada a appris que de nombreuses visites sur le terrain ne sont pas vraiment du travail d'inspection.

Un texte de Jean-Philippe Robillard

Le ministère de l'Environnement a prévu réaliser un peu plus de 15 000 inspections cette année. Mais voilà qu'en parcourant un document produit par le centre de contrôle environnemental du ministère, on découvre que 1500 de ces inspections sont davantage des visites de sensibilisation que de vraies inspections.

Une information nous a été confirmée par un inspecteur, qui désire garder l'anonymat par crainte de perdre son travail. « Pour pallier le nombre d'inspecteurs et le nombre d'inspections qui est à la baisse, pour que ça ne paraisse pas trop, ils ont implanté ce qu'ils ont appelé des programmes, mais qui sont réalisés par des étudiants qui n'ont pas le statut d'inspecteur. »

Le ministère nous a confirmé qu'il fait appel à des étudiants pour deux programmes :

une campagne de sensibilisation au Règlement sur les permis et les certificats sur la vente et l'utilisation des pesticides;

une autre campagne de sensibilisation au Règlement sur la qualité de l'eau des piscines et autres bassins artificiels.

L'inspecteur que nous avons rencontré nous a raconté le travail effectué par les étudiants pendant la période estivale. « Ils allaient distribuer aux propriétaires de piscines et de spas de la documentation pour les informer du règlement, mais ils ont comptabilisé ça comme des inspections, alors que ce n'est pas ça du tout. »

« Ils pouvaient faire 10-12 inspections par jour; et nous, ça peut nous prendre 3-4 jours pour une inspection. Alors ça leur permet de gonfler leurs chiffres artificiellement avec des programmes comme ça, faits par des étudiants. »

— Témoignage anonyme d'un inspecteur

Selon lui, en comptabilisant les visites réalisées par les étudiants, le ministère cherche ainsi à amplifier le nombre d'inspections réellement effectuées par son personnel. Avec les deux programmes étudiants, le ministère a prévu faire 1500 activités de plus cette année, activités qu'il met dans la colonne des inspections. C'est 10 % de toutes les inspections qu'il prévoit réaliser.

« Des chiffres gonflés »

Pour la vice-présidente du Syndicat de la fonction publique du Québec, Denise Boileau, ce n'est rien de moins qu'une façon pour le ministère de gonfler ses statistiques.

« On peut se permettre de parler de gonfler parce que si tu rajoutes 1500 [inspections], ça peut se rapprocher de la cible que le ministère s'est donnée. [...] Dans les faits, ce sont, oui, des chiffres gonflés. »

— Denise Boileau, vice-présidente du SFPQ

Au ministère de l'Environnement, on a refusé de nous accorder une entrevue, mais par courriel, on nous a dit que les visites effectuées par les étudiants permettent au ministère de détecter les lieux qui peuvent être problématiques, pour ensuite y envoyer un inspecteur.

Un ministère moins efficace qu'avant?

Il y a trois mois, 13 groupes écologistes ont demandé au premier ministre du Québec de réinjecter des fonds dans le ministère de l'Environnement dès le prochain budget, pour lui permettre de réellement accomplir sa mission.

Ces groupes, dont la Fondation David Suzuki, Greenpeace et Équiterre, estiment que Québec n'a plus la capacité d'assurer une surveillance appropriée de son environnement.

Ils écrivent dans leur lettre au premier ministre Couillard : « Non seulement compromet-il la capacité du ministère de s'acquitter efficacement de sa mission, il en résulte une augmentation des impacts négatifs et des risques pour l'environnement, la santé et la sécurité du public, lesquels auront des conséquences économiques fâcheuses à moyen et long terme. »

Le premier ministre n'a toujours pas répondu aux groupes écologistes. Une situation que dénonce le directeur général de la Fondation David Suzuki au Québec, Karel Mayrand.

« Le Québec se targue d'être un des endroits les plus verts au monde, mais si on gratte un peu sous le vernis, on se rend compte qu'on n'a plus le ministère de l'Environnement qu'on avait par le passé, qui avait la crédibilité, l'autorité, les compétences pour protéger l'environnement. Et c'est malheureux. »

— Karel Mayrand, de la Fondation Suzuki

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