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Jean Leloup, un fantôme bien vivant

Jean Leloup, un fantôme bien vivant
Radio-Canada.ca

Quand Jean Leloup a commenté son triomphe au Gala de l'ADISQ le 8 novembre, il a émis ce commentaire significatif quant à la salle Wilfrid-Pelletier où était présenté l'événement: « Heille! C'est grand, cette salle, quand on est sur scène. Ça fait peur! ».

Un texte de Philippe Rezzonico

Jean Leloup faisait évidemment référence à la perspective de présenter son spectacle solo dans cette même salle, dès le 5 décembre. Ses craintes étaient injustifiées. Même sans musiciens et armé uniquement d'une guitare, John the Wolf est capable de tenir captif un auditoire de 3000 personnes durant près de deux heures.

Enfin, tout seul.... C'est très relatif, quand une tête de mort de plus de deux mètres - une création d'Yves Archambault - est présente sur les planches. Plus encore que les décors et les images qui défilaient derrière Leloup, ce crâne format géant qui réfléchissait le spectre de toutes les couleurs, collait parfaitement au concept du Fantôme de Paradis City, thème du spectacle qui succédait à Jean Leloup à Paradis City, la production avec orchestre du Roi pompon.

Vision précise

Ce spectacle pour un homme seul transpose bien mieux que son prédécesseur la vision de Leloup d'un spectacle théâtral avec une certaine trame narrative. En quelques chansons, la production avec orchestre de Leloup présentée au Métropolis en octobre est devenue un spectacle incendiaire comme nous en avons tant vu depuis 25 ans.

Cette fois, le Fantôme de Paradis City reprenait dans l'au-delà, comme si le Leloup désormais décédé en était à son 427e rappel. Outre la tête de mort, un téléphone d'un autre âge et la présence d'un aide de scène vêtu de la tête aux pieds d'une robe et capuche noires étaient les seuls « accessoires » de l'artiste.

Petit Papillon, Willie et Les Flamants Roses ont rapidement donné le ton. Sans ajout d'instrumentation, les chansons plus que jamais dénudées de l'album À Paradis City voient leur substance et leur poésie baroque magnifiées.

Avec ses mimiques et ses faciès, Leloup a ajouté une dimension physique à sa prestation, comme s'il devenait l'espace d'un instant un acteur d'un vaudeville musical.

Au milieu du parterre, l'effet était quantifiable. Pas sûr que ce fut le cas au balcon en raison de l'absence d'écrans. C'est grand, la salle Wilfrid-Pelletier.

Les succès revisités

Quand ce fut le temps de piger dans son sac de classiques, Leloup n'a pas servi le même menu qu'avec son orchestre. Dr. Jekyll and Mr. Hyde a démontré à quel point le musicien est un solide guitariste et Nathalie nous a rappelé qu'« ainsi va la vie qui va ».

Pour ce qui est de Je joue de la guitare, offerte au rappel au Métropolis de façon spontanée et un peu brouillonne, elle était cette fois insérée au cœur du spectacle pour obtenir le maximum d'effet. Et Leloup était en forme. Quand sa guitare s'est désaccordée, il a demandé à la foule s'il devait la garder ou non. À un autre moment, il a stoppé net durant une chanson pour dire à un spectateur(trice) dans les premières rangées : « l'émotion et le rythme, ce n'est pas la même chose. » Marrant. Mais il n'a pas complété sa chanson...

Le problème, si l'on peut dire, c'est que l'intérêt d'entendre dans une forme minimaliste des chansons qui nous ont fait danser à satiété laisse, à la longue, un sentiment d'inachevé. Après tout, qui veut entendre (I Can't Get No) Satisfaction assis dans un fauteuil?

Combien de fois ai-je eu l'impression que cette foule attentive au possible qui chantait des paroles connues désormais de plus d'une génération se retenait pour ne pas hurler sa joie. Durant I Lost My Baby, Go Johnny Go et Les Fourmis, notamment. C'était palpable. Bien sage, tout ça.

Les limites du concept

Je sais que ce n'était pas le but du jeu, vu le contexte de la proposition artistique. Et je ne voulais pas - pour une fois - que tout le monde se lève pour danser éperdument. Mais en dépit du réel intérêt des relectures, il y a eu des offrandes qui ont laissé un sentiment de coït interrompu. Or, un spectacle de Leloup, c'est d'ordinaire jouissif.

D'autant plus qu'il ne s'est pas aidé, l'ami Johnny. N'eût été la nécessité de raccorder sa guitare acoustique qui l'a contraint à jouer une chanson à la six cordes électrique, Leloup aurait offert toute la prestation avec un seul instrument à la tonalité inchangée. On ne veut pas obligatoirement de quelqu'un qui change 17 fois de guitare durant une soirée (comme le fait The Edge, de U2), mais un peu de variété n'aurait pas fait de tort.

Un séquenceur de guitare, tiens, aurait permis à Leloup de forger immédiatement une rythmique ou un tempo différent afin de donner de l'ampleur à ses offrandes. Dumas, Catherine Durand et Daniel Boucher l'ont tous fait.

C'est peut-être pour cette raison qu'ici et là, comme au #1016 rappel (il y avait des pancartes pour nous l'indiquer), je me disais que l'intérêt était surtout de reconnaitre la prochaine composition de Leloup dès les premières mesures, ce qui ravisait le principal ntéressé.

Ce dernier a indiqué que son spectacle solo était la suite de son spectacle avec orchestre. Continuité et complémentarité, ajouterais-je. Pour le plaisir d'entendre une foule de chansons dans des enveloppes sonores très différentes, mais aussi pour les variations quant à la sélection des titres.

Au fond, ces spectacles qui accumulent les supplémentaires jusqu'à l'an prochain sont les deux facettes de Leloup, comme une certaine céréale bien connue. Et si le Leloup « nature » était succulent, samedi, j'avoue avoir une préférence pour son côté « givré ».

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