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Ces femmes qui ont une peur pathologique d'accoucher

Ces femmes qui ont une peur pathologique d'accoucher
oonal via Getty Images

Pendant qu’Amy Redfern était enceinte de son premier enfant, aujourd’hui une petite fille de trois ans et demi, elle n’était pas du tout nerveuse à l’idée d’accoucher.

Comme le bébé était positionné de côté dans l’utérus d’Amy, il a été décidé que la naissance aurait lieu par césarienne planifiée, intervention qu’elle a décrite comme « paisible ». « J’ai employé des techniques de réduction du stress que j’avais apprises en faisant de la méditation et du yoga », raconte Amy, conseillère en création et instructrice de yoga à la pige. « Ce fut vraiment une belle expérience ».

Cependant, durant sa seconde grossesse, Amy, qui était enceinte de 39 semaines lorsqu’elle a parlé au Huffington Post, était « profondément effrayée ». À 39 ans, elle était considérée comme « âgée » dans le contexte d’une grossesse, plaisante-t-elle. « Le personnel du milieu de la santé s’emploie à nous inquiéter, nous, les femmes plus âgées, tout en nous disant de ne pas avoir peur. » Elle souhaitait également opter pour un accouchement vaginal après césarienne, procédure qui comporte un léger risque de rupture utérine et qui exigeait d’effectuer un trajet en voiture d’une heure et demie de la résidence d’Amy dans le Maine jusqu’au seul hôpital de la région qui la pratiquait.

« À un moment donné, j’avais l’impression de voir partout des articles sur des mères qui mouraient en accouchant », affirme-t-elle. « Je pensais sans cesse : Est-ce une prémonition, une intuition, ou seulement une peur irrationnelle? Je n’y comprenais rien. » Quelle que soit la cause de ses sentiments, elle avait passé la plus grande partie de sa grossesse à tenter de gérer des moments quotidiens de peur panique de mourir en laissant son mari élever leurs deux enfants seul.

UNE ANXIÉTÉ NORMALE OU UN PROBLÈME PLUS GRAVE?

L’accouchement, un événement très exigeant sur les plans physique et émotif, n’est pas sans risque. En effet, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and prevention), environ 650 femmes meurent chaque année aux États-Unis des suites de complications de la grossesse ou de l’accouchement. Bien que de nombreuses femmes envisagent la grossesse sans trop d’appréhension, d’autres admettent éprouver des craintes. D’après un sondage mené en Grande-Bretagne en 2013 auprès de 900 femmes, 35 pour cent d’entre elles ont déclaré que leur plus grande source d’angoisse avant de fonder une famille était l’acte de donner naissance.

Toutefois, pour une plus petite proportion de femmes, la peur joue un rôle plus déterminant. On estime que 13 pour cent des femmes remettent à plus tard leur grossesse ou l’évitent carrément, un trouble appelé « tocophobie », la peur pathologique de la grossesse et de l’accouchement, abordé pour la première fois dans la littérature médicale en 2000. Pour les femmes comme Amy, qui deviennent enceintes malgré leur anxiété ou qui se sentent dépassées par leur grossesse après la conception, l’aide et l’empathie se font souvent rares. Un moment de la vie normalement censé être heureux peut devenir une période marquée par les appréhensions et la culpabilité.

« J’étais reconnaissante d’attendre ce bébé et de vivre une grossesse en santé, mais j’avais honte des sentiments que j’éprouvais », confie Amy.

La tocophobie, qui n'apparait pas actuellement dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ─ souvent considéré comme la bible de la psychiatrie moderne ─ se divise généralement en deux catégories. La tocophobie primaire se rapporte aux femmes dont la peur remonte à avant la grossesse. La gamme des préoccupations potentielles est vaste : la douleur, les probabilités de plus en plus élevées d’interventions et de chirurgies, ou simplement l’inconnu. Dans d’autres cas, elle touche des femmes ayant vécu un accouchement traumatisant, explique le Dr Shari Lusskin, professeure clinique de psychiatrie au département d’obstétrique, de gynécologie et des sciences de la reproduction au Mount Sinai Medical Center, à New York.

« Certaines d’entre elles ont vécu un traumatisme potentiellement mortel, ce qui peut certainement entraîner un trouble de stress post-traumatique », précise-t-elle. « D’autres femmes n’ont pas nécessairement vécu un traumatisme potentiellement mortel, mais elles ont été traumatisées, d’une manière ou d’une autre, par leur expérience en tant que patientes. »

Pour Stephanie Jones, une mère de deux enfants âgée de 25 ans qui vit en Caroline du Nord, c’était la peur de revivre la douleur. Lors de son premier accouchement, elle a subi une césarienne après un travail ayant duré 13 heures. L’anesthésie a mal fonctionné et elle a senti l’intervention du côté gauche de son corps. « Je criais, mais ils n’arrêtaient pas », relate-t-elle. « J’ai été endormie immédiatement après l’intervention, et cela a pris plus de quatre heures avant que je puisse voir mon bébé. » Lors de sa seconde césarienne, Stephanie a pleuré sans pouvoir s’arrêter dès le moment où le personnel médical a commencé à la préparer à la chirurgie, jusque dans la salle de réveil.

L’ATTITUDE DU MILIEU MÉDICAL

Quelle que soit la cause de l’angoisse des femmes, des études donnent à penser qu’elle peut devenir une prédiction qui se réalise. En effet, une étude menée en Suède en 2012 a révélé que les femmes qui redoutaient l’accouchement étaient plus susceptibles de demander et d’avoir une césarienne. De plus, ces femmes rapportaient avoir ressenti des douleurs plus intenses que les femmes qui n’avaient pas peur, même en tenant compte de l’utilisation répandue d’analgésiques. Dans le cadre d’une étude réalisée en Norvège, il a été établi que le travail durait environ une heure et demie de plus chez les femmes qui appréhendaient l’accouchement que chez celles qui étaient plus sereines. Une autre étude publiée sur le site Web BMJ Open a constaté que « la peur de l’accouchement semblait accroître la prévalence de dépression postpartum d’environ trois fois chez les femmes sans antécédents de dépression et de cinq fois chez les femmes chez qui des troubles dépressifs avaient été diagnostiqués. »

Pourtant, même si la peur peut affecter l’accouchement et la période postpartum de multiples façons, certaines femmes se sentent mal comprises par les prestataires de soins de santé. « La première fois que j’ai abordé le sujet avec mon médecin, elle ne m’a pas prise au sérieux », relate Amy. Sa gynécologue-obstétricienne lui a alors répondu « J’imagine que tu en as parlé à ton thérapeute? » Amy était si décontenancée qu’elle ne lui a pas révélé qu’elle n’avait pas de thérapeute. Elle n’a pas non plus osé lui demander d’être référée.

Victoria Spina, une mère au foyer de 36 ans, a senti, elle aussi, que son problème n’était pas pris au sérieux. Elle était tout à fait ravie d’être enceinte de jumeaux, jusqu’au moment où elle s’est procurée un livre sur les naissances multiples, qui l’a fait paniquer à propos des fausses couches, des naissances prématurées et des infirmités congénitales. Dans ma famille, on me disait « Ce sont seulement tes hormones! » Mais lorsqu’on panique, ce genre de réaction de la part de notre entourage ne nous aide pas du tout.

COMMENT GÉRER LA PEUR?

Pourtant, il existe des approches qui peuvent faire une différence. « La thérapie cognitive du comportement peut être très efficace pour contribuer à réduire l’anxiété », fait remarquer le Dr Lusskin. « Certaines femmes qui souffrent de tocophobie, ou même celles dont la peur n’a pas atteint une telle intensité, sont également atteintes de troubles anxieux ou de troubles de l’humeur sous-jacents qui doivent être soignés. Certaines doivent prendre des médicaments durant la grossesse, en plus de suivre une thérapie. »

Une autre approche pouvant se révéler efficace est l’accouchement sous auto-hypnose, une technique de préparation à l’accouchement qui gagne en popularité. Bien que les méthodes diffèrent, cette technique vise à donner aux femmes et à leurs partenaires des outils de pleine conscience, comme la visualisation positive, qu’ils peuvent mettre en pratique tout au long de l’accouchement.

« La peur du travail et de la douleur qu’il provoque accroît la production d’endorphines, ce qui agit sur les récepteurs de la douleur », explique le Dr Rebecca Starck, obstétricienne-gynécologue au Cleveland Clinic's Hillcrest Hospital, qui donne des ateliers sur l’accouchement sous hypnose depuis l’automne dernier. « Il est très difficile de prouver le lien de cause à effet, car chaque patiente est différente, tout comme chaque travail est différent. Cependant, il n’y a absolument aucun désavantage à entrer en travail en étant préparée à pratiquer la visualisation positive. »

Christina Levine, une mère de 31 ans qui vit en Caroline du Nord, était extrêmement nerveuse à l’idée d’accoucher. Elle a découvert l’accouchement sous hypnose par hasard, parce que la maison de naissance où elle prévoyait accoucher demandait aux futurs parents de suivre des cours prénataux. Christina, qui se décrit elle-même comme une planificatrice, avait du mal à vivre avec les incertitudes inhérentes au déroulement de l’accouchement et à la façon dont son corps allait réagir. Selon ses dires, cette technique lui a procuré l’impression d’avoir un but et un sentiment de maîtrise de soi au cours des mois précédant la date prévue de son accouchement.

« Cela m’a aidé à rester concentrée sur les aspects positifs », indique-t-elle. Pendant le travail, elle a écouté des CD d’hypnose incluant des méditations guidées et des exercices de visualisation. Christina a affirmé que cela l’a aidée à s’abandonner à la douleur ─ jusqu’à un certain point. « J’étais très contente d’avoir quelque chose à écouter et sur quoi me concentrer mais, à un moment donné, j’ai traité la narratrice du CD de menteuse et j’ai éteint l’appareil! » raconte-t-elle en riant.

Pour Amy, la situation a commencé à s’améliorer lorsqu’elle a finalement reconnu ses peurs auprès d’une obstétricienne-gynécologue plus réceptive. Elle a parlé à son mari, à sa sœur et à quelques amis proches de sa peur de mourir pendant son accouchement, et a découvert que le fait de l’exprimer à voix haute atténuait presque instantanément son sentiment de honte. Toutefois, comme il restait encore trois mois avant l’accouchement, elle a senti le besoin de mieux s’outiller pour combattre l’anxiété. Elle s’est abstenue de lire quoi que ce soit sur la santé des mères et a commencé à étudier l’accouchement sous hypnose. À la place d’une réception-cadeau pour bébé, elle a demandé à ses amies et aux membres de sa famille d’assister à ce qu’elle appelle une « séance de bénédiction pour le bébé », durant laquelle chaque invité apporte un poème, une prière ou encore un souhait dédié au bébé. »

« J’ai réussi à atteindre un état mental, émotif et spirituel dans lequel je me sens plus calme », affirme Amy, en ajoutant qu’à une semaine de la date prévue de son accouchement, elle se sentait optimiste.

À la suggestion d’une amie, elle s’est créé un mantra qu’elle continue de réciter dès qu’elle se sent effrayée, ce que soit en pliant des cache-couches pour bébés ou avant de s’endormir le soir.

« Nous sommes en sécurité », murmure-t-elle, autant pour elle-même que pour le bébé à naître. « Nous sommes en sécurité »…

Cet article initialement publié sur Le Huffington Post États-Unis a été traduit de l'anglais.

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