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Chaleur et ouragan: votre bulletin météo de décembre 2050 (VIDÉO)

Chaleur et ouragan: la météo de décembre 2050 (VIDÉO)

Ce genre de bulletin ne se fait pas sans une sérieuse réflexion scientifique. Ce projet a d'ailleurs donné quelques maux de tête à notre collègue Ève Christian, météorologue.

Un récit d'Ève Christian

Voici une page de l'histoire d'une météorologue qui, depuis toujours, tient tête aux gens qui veulent la pousser à annoncer la météo plusieurs jours à l'avance. À ceux qui désirent connaître le temps qu'il fera dans deux semaines, un mois ou l'été prochain afin de planifier un événement important, elle répond qu'une prévision à si long terme n'est qu'une tendance, qu'on ne doit pas s'y fier pour organiser sa vie.

Combien de fois cette météorologue a-t-elle expliqué que les prévisions saisonnières n'offrent pas une précision qui permet d'y accorder une grande importance? Alors plutôt que de donner de faux espoirs, elle préfère ne pas s'avancer. D'ailleurs, elle ne comprend pas pourquoi on diffuse des prévisions à si long terme, sinon pour s'exposer aux affres du public qui finit toujours par dire : « De toute façon, ils se trompent tout le temps! » Eh bien, croyez-le ou non, c'est à cette scientifique qu'on a demandé de préparer un bulletin météo pour le 6 décembre... 2050!

Réflexion

2050?! Qu'allais-je répondre (oui, c'est moi la météorologue en question!) à cette proposition qui m'est venue de Gaétan Pouliot et de son équipe de la salle des nouvelles? J'ai d'abord été honorée qu'on pense à moi, mais j'avais besoin de plus de détails sur le projet avant d'accorder ma réponse.

On m'a présenté l'hypothèse de départ : « Imaginons que la conférence de Paris est un échec et que les pays du monde ne font rien de plus pour lutter contre les bouleversements climatiques. À quoi ressemblera le climat canadien en 2050? » (Une question toute simple, n'est-ce pas?) Cette hypothèse équivaut au pire scénario imaginé par le GIEC, le RCP8.5.

Une ébauche de bulletin météo m'a été présentée et je devais la réviser, la valider et la compléter à partir d'informations de plusieurs rapports scientifiques volumineux (GIEC, Ouranos, etc.) Cette prévision serait ensuite mise en ligne sur le site de l'Organisation météorologique mondiale, avec d'autres bulletins préparés par divers pays.

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Malaise

Après de mûres réflexions et de grandes hésitations, j'ai accepté d'embarquer dans cette aventure qui faisait toutefois monter en moi un malaise qui est resté tout au long de l'exercice. Imaginez l'ironie : moi qui ne veux pas annoncer s'il pleuvra ou fera soleil dans trois jours, me voilà en train de rédiger une prévision canadienne pour dans... 35 ans!

J'ai d'abord parcouru la documentation pendant des heures avant de me retrouver prise d'un immense découragement. Comment prévoir le temps qu'il fera dans 35 ans, alors qu'on n'arrive pas à faire des prévisions valables à 100 % pour 48 heures? Ces différents rapports contiennent tellement d'informations, par où commencer? Lesquelles utiliser, lesquelles négliger? Comment faire un bon travail scientifique basé sur des suppositions? Là était mon malaise.

Loin de moi de douter des bouleversements climatiques qui ont lieu depuis quelques décennies. Ça, c'est de l'acquis. Mais comment jongler avec tous les chiffres qui mènent à des scénarios différents, du plus optimiste au plus pessimiste?

Bulletin fictif 2050

Avec l'ensemble des études, selon l'état actuel des connaissances des experts, j'ai finalement rédigé un bulletin qui pourrait être plausible pour 2050 considérant que rien n'est fait pour contrer la hausse des gaz à effet de serre. En voici quelques éléments.

Températures. Il faudra laisser tomber le concept de « moyennes » qui créera de la confusion, car elles sont établies sur des périodes de 30 ans qui doivent constamment être ajustées à la hausse. Les moyennes de 1961-1990 ne sont pas celles de 1981-2010 et encore moins celles de 2011-2040. Cependant, les records de chaleur seront de plus en plus fréquents.

Orages. En raison du courant-jet plus nordique, les dépressions se situeraient souvent sur les baies d'Hudson et James; donc les orages ne se produiraient plus uniquement en été; il faudrait dorénavant s'attendre à en voir aussi au printemps et en automne.

Neige. Les amateurs de Noëls blancs seraient comblés environ 50 % du temps, à Montréal, par exemple. D'ailleurs, amateurs de ski, n'investissez pas dans un chalet en Nouvelle-Angleterre; si les marchés québécois et ontarien savent bien jouer leurs cartes, ils pourraient en profiter, car leurs montagnes auraient plus de chance de se couvrir d'un tapis blanc en raison des effets locaux et régionaux.

Ouragans. Des tempêtes de la force d'ouragans menaçant les Maritimes ne relèveraient pas de l'imagination. Les études démontrent, avec un degré de certitude moins élevé que pour les températures, que les ouragans ne seraient pas plus nombreux, mais plus vigoureux. Dans les années 1990, les experts craignaient que des ouragans dévastateurs frappent La Nouvelle-Orléans et New York; Katrina et Sandy l'ont fait. Maintenant, la menace vise Miami.

Quand la fiction doit dessiner la réalité

Évidemment, un scénario météorologique pour le 6 décembre 2050 est impossible à prévoir, mais je devais en pondre un qui soit probable. C'était là, la nuance. Par souci scientifique, je l'ai fait vérifier par un expert en la matière, le directeur général d'Ouranos Alain Bourque. À quelques petits ajouts près, il m'a confirmé que j'avais bien saisi le scénario-qu'on-espère-impossible. Ouf, le travail était accompli.

Vous constaterez que le passage de ce bulletin du papier à l'écran télé est tout ce qu'il y a de plus vraisemblable. Merci à Julie Jasmine Boudreau de l'avoir bien transmis.

Il ne reste plus qu'au temps à s'écouler et qu'aux humains à faire en sorte que la planète ne se détériore pas à ce point. 6 décembre 2050. Mais à bien y penser, il faudra que je sois drôlement en forme et avec une tête bien allumée pour critiquer ma prévision, car j'aurai 88 ans! Disons que cette réflexion a un peu allégé la pression sur mes épaules...

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