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Comparer Erdogan à Gollum pourrait coûter deux ans de prison en Turquie

Comparer Erdogan à Gollum peut coûter cher

Comparer le président Recep Tayyip Erdogan à Gollum, petite créature emblématique du Seigneur des Anneaux, peut-il être considéré comme une insulte? Un tribunal turc a très sérieusement mandaté un collège d'experts pour trancher le débat, qui pourrait coûter deux ans de prison à un internaute.

En octobre dernier, un médecin turc, Bilgin Ciftçi, s'est amusé à publier sur son compte Twitter, supprimé depuis, deux photos: l'une, inhabituellement expressive, de Recep Tayyip Erdogan le visage déformé par la surprise; l'autre, les yeux pareillement exorbités, du célèbre personnage de la trilogie à succès de John Ronald Reuel Tolkien.

La comparaison n'a pas plu du tout au maître du pays qui, comme il en a désormais pris l'habitude, a porté plainte contre l'outrecuidant, aussitôt arrêté dans l'hôpital où il exerçait et inculpé pour "insulte au chef de l'État". Plus circonspects, les juges de la province d'Aydin dans le sud-ouest du pays, qui examinaient son dossier mardi ont confessé à l'audience leur ignorance de l'oeuvre de J.R.R. Tolkien et leur incapacité à déterminer si comparer Erdogan au monstrueux "gollum" pouvait être considérée comme un outrage, a rapporté mercredi le quotidien Milliyet.

Le tribunal a donc confié à des experts - deux académiciens, deux psychologues et un spécialiste du cinéma - le soin de répondre à la question lors de la prochaine audience du procès, fixée en février 2016.

La question absurde soumise aux experts

Comme l'indiquent les journalistes de FranceInfo, il s'agira donc de savoir si Gollum est un véritable méchant, auquel cas l'insulte serait avérée, ou une malheureuse victime de l'anneau et de son pouvoir maléfique. Le procureur a requis deux ans de prison contre le docteur Ciftçi.

Depuis son élection en août 2014, le président turc a multiplié les poursuites pour insulte contre les journalistes, artistes et simples particuliers. En juillet 2015 Kadri Gürsel, éditorialiste vedette de Milliyet, avait été licencié après un tweet très critique où il accusait Erdogan d'être le principal "responsable du terrorisme de l’État islamique en Turquie".

Plus récemment, l'incarcération au mois de novembre dernier de deux journalistes du quotidien d'opposition Cumhuriyet accusés d'espionnage avait suscité un tollé en Turquie et à l'étranger. Une pétition demandant leur libération ainsi que celle de tous les journalistes incarcérés a d'ailleurs été lancée le 1 décembre par Reporter Sans Frontières. Mais ces manifestations ne semblent pas inquiéter le président qui en 2014 déjà, avait demandé à l'Union Européenne de "se mêler de ses affaires".

Les détracteurs du président turc y voient un signe de sa dérive autoritaire et l'accusent de vouloir museler les critiques. Une attitude qui n'est pas sans rappeler la conduite des autorités russes, qui en avril 2015 ont officiellement interdit les mèmes, ces montages moqueurs inspirés des célébrités, et dont Vladimir Poutine faisait régulièrement les frais.

En réponse au procès en cours, les internautes du monde entier détournent désormais des photos de Gollum et Erdogan. Sur Internet, c'est ce qu'on appelle l'effet Streisand...

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