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La Cour supérieure du Québec suspend la loi sur l'aide médicale à mourir (VIDÉO)

La Cour supérieure suspend la loi sur l'aide médicale à mourir (VIDÉO)

Une série d'articles-clés de la Loi concernant les soins de fin de vie adoptée par l'Assemblée nationale en juin 2014 ne pourront entrer en vigueur comme prévu le 10 décembre prochain, parce qu'ils sont incompatibles avec des articles du Code criminel. C'est ce qu'a décidé le juge Michel Pinsonnault de la Cour supérieure du Québec dans une décision publiée mardi. Québec a immédiatement décidé de porter la cause en appel.

Le juge Pinsonnault conclut que l'article 4 et les articles 26 à 32 de la loi québécoise sont incompatibles avec les articles 14 et 241b) du Code criminel canadien. En raison de la doctrine de la prépondérance fédérale, ce sont ces derniers articles qui s'appliqueront, jusqu'à ce qu'ils disparaissent, comme cela est prévu dans la foulée de l'arrêt Carter, prononcé par la Cour suprême du Canada le 6 février dernier.

Le plus haut tribunal du pays avait alors déclaré les articles 14 et 241b) invalides, mais avait suspendu cette décision pour un an, soit jusqu'au 6 février prochain.

La Cour supérieure du Québec avait été saisie du dossier par une Québécoise gravement handicapée, Lisa D'Amico, et par le président de la Coalition des médecins pour la justice sociale, l'omnipraticien Paul Saba. Ce dernier groupe avait dénoncé la loi québécoise, en l'assimilant à un acte d'euthanasie. La Coalition arguait que les médecins qui poseraient les gestes permis par la loi risquaient d'être poursuivis au criminel.

Le Dr Saba a expliqué en ces termes la démarche qu'il a entreprise, en entrevue à ICI RDI : « Les gens qui souffrent au Québec souffrent parce qu'ils manquent de soins, y compris des soins palliatifs. C'est ça qu'on doit viser. [..] Ils souffrent parce que le gouvernement n'a pas fait son travail qui est de garantir des soins palliatifs pour la population.

« On ne veut pas les faire mourir précocément. [...] Les gens qui sont vraiment en fin de vie ont besoin des soins de qualité, y compris des soins palliatifs. Mais ce que le gouvernement est en train de faire, c'est de les pousser. Quelqu'un dit : " Je veux mourir " alors on dit on va vous aider, on va vous pousser. »

— Dr Paul Saba, de la Coalition des médecins pour la justice sociale

La Procureure générale du Canada avait joint sa voix à celle des plaignants pour demander une ordonnance en injonction provisoire. Cette demande est finalement devenue sans objet, puisque le tribunal a plutôt tranché en retenant la doctrine de la prépondérance fédérale.

Le juge Pinsonnault, qui n'était pas appelé à rendre une décision sur le fond du litige, note tout de même dans son jugement que l'aide médicale à mourir est un « euphémisme » pour la notion de l'euthanasie.

La loi québécoise devait permettre à des mourants lucides de demander à un médecin de l'aide pour abréger leurs souffrances, quand elles sont devenues intolérables. Un protocole très strict est prévu pour éviter les dérapages.

Québec fera appel

« Nous allons porter la décision en appel », a immédiatement annoncé la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, dans un point de presse impromptu donné aux côtés du ministre de la Santé, Gaétan Barrette.

« Pour nous, il est clair que la loi québécoise est valide », a ajouté Mme Vallée. « La loi québécoise encadre de façon très claire les soins de fin de vie qui seront offerts aux patients québécois, incluant l'aide médicale à mourir. »

« L'aide médicale à mourir, c'est un soin de santé. Dans le jugement, on fait un parallèle beaucoup trop étroit avec l'euthanasie. L'aide médicale à mourir, c'est un soin de santé, ça s'inscrit dans un continuum de soins. »

— Stéphanie Vallée, ministre de la Justice du Québec

Lorsqu'on lui a demandé si la loi entrera bel et bien en vigueur le 10 décembre, Mme Vallée a répondu : « C'est ce que nous souhaitons. Nous maintiendrons le cap. »

Bien qu'il reconnaisse que le Québec « n'a pas le choix de respecter la loi », le ministre Barrette a déploré la décision de la Cour supérieure. « Fondamentalement, on vient à l'encontre de la volonté de la population du Québec, qui s'est clairement exprimée par un consensus de l'Assemblée nationale, de tous les partis politiques, qui ont été pendant quatre ans à l'écoute de la population, qui voulait avoir cette option. Je trouve ça malheureux. »

L'aide médicale à mourir, « c'est un soin de fin de vie », a encore dit M. Barrette. « On considère qu'on est dans notre bon droit, et on va aller de l'avant avec ça », a-t-il dit. « Sur le terrain, on est prêt. »

Véronique Hivon parle d'une situation « choquante »

La députée péquiste de Joliette, Véronique Hivon, qui avait piloté la commission Mourir dans la dignité et déposé le projet de loi sur l'aide médicale à mourir, considère que la décision de la Cour supérieure place le Québec « devant une situation excessivement surprenante et choquante ». Mme Hivon affirme que la démarche démocratique et citoyenne du Québec se trouve à être contrecarrée par la décision du tribunal. Or, dit-elle en substance, les élus voulaient justement éviter que les tribunaux dictent la marche à suivre dans ce dossier.

Selon Véronique Hivon, la situation dans laquelle se trouve maintenant le Québec privera des gens qui sont actuellement malades des soins de fin de vie auxquels ils aspirent.

« C'est d'autant plus choquant, s'insurge la députée de Joliette, que cette loi est attendue par des gens qui, en ce moment, sont malades, qui voient cette porte de sortie comme vraiment une source de sérénité dans le combat contre la maladie, dans leur agonie. Et aujourd'hui ce qu'on vient leur dire c'est que, malgré tout ce travail extraordinaire qui a été fait au Québec, malgré ce consensus social excessivement fort, cette volonté-là ne peut pas aller de l'avant. »

« Pourquoi ça ne peut pas aller de l'avant? Eh bien, parce que du côté fédéral on n'a pas agi, on n'a pas travaillé pendant toutes ces années, on a justement voulu attendre un jugement. »

— Véronique Hivon, députée de Joliette pour le Parti québécois

Selon Mme Hivon « ce jugement ne tient pas la route ». Et elle demande à ce que le gouvernement fédéral ne fasse pas de représentations durant les procédures d'appel qu'intentera le gouvernement du Québec « parce que, justement, il doit permettre au Québec de pouvoir continuer dans ses démarches éminemment démocratiques ».

Ce n'est pas du suicide assisté, dit Véronique Hivon

La députée de Joliette a rappelé que dans le cadre de sa loi, le gouvernement du Québec s'inscrivait « dans une logique d'un continuum de soins et non pas dans une logique de suicide assisté ».

Le suicide assisté consiste en une rupture avec les soins. « Par exemple, des personnes qui ne sont pas en fin de vie, des personnes lourdement handicapées, pourraient avoir accès à un suicide assisté, ce qui n'est pas le cas pour l'aide médicale à mourir », explique Mme Hivon.

« C'est un geste d'humanité, un geste médical » - Amir Khadir

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, pense que le gouvernement du Québec n'a pas à se soumettre à une interprétation aussi étroite. « Pour les médecins qui, à partir du 10 décembre, auraient aidé des patients à alléger leurs souffrances, je prétends que c'est respecter la loi, ce n'est pas la commission d'un acte qui puisse être sujet à une poursuite criminelle. C'est la commission d'un acte médicalement justifié, un geste d'humanité ».

De son côté le critique en matière de santé de la Coalition avenir Québec, le député François Paradis, se déçu « au nom de ceux et celles qui comptaient sur l'application de ces règles-là ».

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