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30 jours sans mon vice: la nouvelle tendance des «mois sans»

De plus en plus de gens se lancent dans le défi personnel du «mois sans» en tentant d'arrêter complètement de consommer un produit.
Dark and light beer and chips on the old wooden background, selective focus
5PH via Getty Images
Dark and light beer and chips on the old wooden background, selective focus

«Je suis accro aux chips. Un matin j'en ai mangé une peu machinalement, et je me suis dit : “Wow, j'ai sûrement un problème pour trouver ça bon même à 8h du matin…” Je me suis donc mise en carême.» Amélie a ainsi arrêté les croustilles pendant plus d’un mois, un peu à la blague mais aussi pour sa santé. «Mon ancien coloc se lançait dans un 40 jours sans alcool après les fêtes, et ça m'a inspirée pour mon défi sans chips...»

Que ce soit pour l'alcool ou le sel, de plus en plus de gens se lancent dans le défi personnel du «mois sans» en tentant d'arrêter complètement de consommer un produit, parfois pour soutenir une cause mais plus souvent pour se challenger personnellement. Si cette tendance s’est développée récemment, le fait de se mettre à l’épreuve n’est pas nouveau : «Avant on suivait des jeûns et des rites religieux dans le but de se purifier», explique Diane Pacom, professeure à l’Université d’Ottawa et spécialiste des tendances sociales.

«Les gens reproduisent aujourd’hui ces schémas sur le plan individuel, mais de façon anarchique. Il n’y a plus de consignes collectives - le jeûn de Pâques par exemple - et on est dans un désordre symbolique total. Mais on peut voir ces “mois sans” comme un rite social, une façon de se mettre à l’épreuve», analyse la professeure. Si Amélie parle de «carême», la connotation religieuse est en effet très présente dans ces défis personnels : il s’agit souvent d'interrompre un vice, comme le tabac - et parfois même le sexe.

Une anxiété collective sur la santé

«On arrête les choses liées au péché, au plaisir, ce qui rappelle d’ailleurs les dix commandements, remarque Diane Pacom. Il y a bien une forme de religiosité dans tout ça... C’est aussi souvent lié au corps : notre société vit dans un état de panique sur l’état du corps, dans une situation d’anxiété collective sur la santé. On a par exemple un rapport presque pathologique à la nourriture…» Les gens essaient ainsi avec ces «mois sans» de travailler sur leurs excès et leur manque de discipline.

C’est le cas de Jérôme, qui s’est lancé dans un mois sans alcool après un lendemain de veille qui lui a laissé une anxiété par rapport à l’alcool et un mal-être persistant. «Diminuer, je n’y crois pas vraiment. Quand je fais quelque chose je le fais à fond, alors j’ai arrêté complètement», indique Jérôme, qui avait l’habitude de boire une bière par jour depuis plusieurs années. Il s’est alors rendu compte qu’il ne s’agissait finalement que d’un geste machinal - qu’il a gardé, mais avec de la bière sans alcool pendant un mois.

Pourquoi 30 jours? Car l’échéancier mensuel est très répandu dans notre société occidentale. Le mois est le rapport au temps le plus logique pour nous selon la professeure, qui voit aussi ces défis personnels comme un «mini geste politique» : «Ces “mois sans” peuvent être perçus comme une réaction à la société de consommation nord-américaine, où le plaisir est continuellement recherché».

«Avoir des témoins rend le défi plus intéressant»

Tendance marrante ou agaçante, la plupart des gens qui se lancent dans ce type de défi personnel partagent leur progression sur Internet ; pour Diane Pacom, c’est une réaction normale de la part d’ «êtres sociaux vivant dans une société hyper individualiste». La médiatisation en ligne de ces «mois sans» est notamment inspirée des défis lancés dans le monde caritatif alors que les stratégies classiques de levée de fonds ne fonctionnaient plus, défis qui permettent d’inscrire un geste centré sur soi dans un mouvement plus large.

Jérôme travaille sur les médias sociaux et y passe beaucoup de temps ; c’est donc naturellement qu’il a évoqué son mois sans alcool sur Facebook, «par envie de voir la réaction des gens». Quant à Amélie, sa dépendance aux chips étant bien connue de son entourage, elle s’est dit qu’il trouverait amusant de suivre son défi. «Les réactions des gens ont été variées, mais fortes : surprise, encouragement, amusement, surveillance, soutien... Presque tous mes amis Facebook m'ont parlé du défi lors de nos rencontres. C'est devenu un running gag

En affichant son geste en ligne, le rite devient aussi collectif, explique Diane Pacom : «On y raconte comment on vit l’épreuve, et les médias sociaux ont dans un sens remplacé l’église, où avant on se réconfortait, on se soutenait. Avoir des témoins rend le défi plus intéressant. Mise en spectacle, cette parenthèse d’austérité est encore mieux appréciée : on est d’autant plus gagnant que les autres peuvent témoigner de notre épreuve...»

Pression sociale et cravings

Car c’est bien d’une épreuve qu’il s’agit. Jérôme évoque la lourde pression sociale autour de la consommation d’alcool, tandis qu’Amélie raconte que pendant les deux premières semaines de son mois sans chips, elle ne pensait qu’à ça : «À 21 jours, je me suis machinalement servie dans un plat de nachos commun, et j'ai dû tout recommencer». Au 18e jour de son deuxième défi sans chips, elle en a mangé une qui décorait son assiette au resto... «J’ai pris conscience que les chips sont vraiment partout!»

Alors que Jérôme songe à recommencer un mois sans boire, Amélie pense avoir vaincu son vice : si elle avoue avoir une petite envie de sel de temps en temps, elle n’a plus de rage de chips comme avant. «Mais je n'ai pas envie d'appliquer cette pratique à autre chose car je n'ai pas de mauvaise habitude aussi forte. Quoique je pourrais faire un défi dodo. Ou 30 jours sans fromage... Euh en fait non, le fromage ça serait impossible!» Reste à tenter le mois sans Facebook. Et sans pouvoir le médiatiser.

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