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Harcèlement au NPD : des anciens employés du Québec brisent le silence

Harcèlement au NPD : d'ex-employés brisent le silence
Ryan Remiorz/The Canadian Press

Harcelés et congédiés sans raison, dix ex-employés du NPD réclament justice. Ils estiment avoir été laissés pour compte par leur syndicat.

Ce groupe, qui se surnomme « Victimes du NPD », envisage de déposer un recours collectif contre le parti de Thomas Mulcair. Plusieurs députés pour qui ils travaillaient n’ont pas été réélus et il deviendra plus difficile pour leurs anciens employés d’obtenir réparation, croient-ils.

L’instigatrice du groupe, Danielle Bédard, avait été licenciée en 2012 par l’ancienne députée de Montcalm Manon Perreault. Un arbitre a ordonné la réintégration de Danielle Bédard en 2014 avant qu’elle soit accusée de vol par la députée.

Manon Perreault, devenue indépendante, a été reconnue coupable de méfait public en mars 2015. La Cour du Québec avait conclu qu’elle avait faussement rapporté le vol de certains biens de son bureau de circonscription.

Il y a aussi eu le cas de Fabiola Ferro, cette ancienne employée qui avait poursuivi l’ancien député Sylvain Chicoine pour son attitude « sexiste et misogyne ». Elle l’accusait aussi de ne pas avoir empêché le harcèlement de la part d’un autre employé.

Une ancienne adjointe de circonscription, Hélène Deshaies, avait été congédiée pendant des vacances qui lui ont été imposées par l’ex-député de Repentigny, Jean-François Larose. Plusieurs mois plus tard, sans nouvelles de son syndicat et à bout de ressources, la mère de deux jeunes enfants a tenté de mettre fin à ses jours.

Jean-François Larose a par la suite quitté le caucus du NPD pour fonder le parti Forces et démocratie avec l’ancien bloquiste Jean-François Fortin. Aucun des deux n’a été réélu sous sa nouvelle bannière.

Wake-up call collectif

D’autres anciens employés disent avoir subi le même traitement depuis la vague orange de 2011. À l’heure actuelle, neuf des dix dossiers, dont Le Huffington Post Québec a obtenu copie, sont judiciarisés, alors qu’une autre « victime » a préféré abandonner les procédures contre son ancien employeur.

Bouchra Taïbi a travaillé au bureau de circonscription d’Hélène Leblanc, dans LaSalle-Émard en 2011 et 2012. Pour celle qui s’est endettée de plusieurs milliers de dollars en frais d’avocats, il était difficile de voir son ancien employeur défendre les droits des travailleurs alors qu’elle dit avoir été sans recours.

« Je me compare un peu à une victime de viol qui entendrait son agresseur se positionner contre le viol », affirme-t-elle.

La jeune femme devait gérer les dossiers d’immigration de la circonscription multiethnique. Elle considère que ceux-ci représentaient environ 75% des demandes de la députée fédérale. Épuisée par la « surcharge de travail », elle aurait demandé l’aide d’un stagiaire.

« On me reprochait de ne pas être assez rapide et d’instaurer un climat de stress et de tension au bureau. On me disait que je n’étais pas capable de supporter le stress et que j’envenimais l’atmosphère au bureau », s’indigne-t-elle.

Ces « victimes », dont Bouchra Taïbi fait partie, se sont rencontrées quelques jours avant l’élection du 19 octobre qui a coûté le siège de la majorité des députés au Québec.

« Quand l’élection approchait, il y a eu, je pense, un wake-up call à force de voir les pancartes électorales partout des candidats qui ont fait certaines choses », explique Audrey Chartier, une autre ex-employée du NPD qui a quitté à la mi-août.

Le climat de travail était « malsain » au bureau de circonscription d’Alain Giguère, raconte-t-elle. Dans une lettre datant de septembre 2014, Audrey Chartier ainsi que deux autres employé(e)s demandent à ce que le député cesse les menaces de congédiement ainsi que le chantage à leur égard.

« Il est de votre responsabilité de créer un milieu de travail qui protège la dignité des employés et la réputation de ceux-ci. Nous constatons que vous instaurez une gestion qui favorise les conflits entre collègues et en diminuant ceux-ci face aux autres employés et face aux instances du parti », peut-on lire.

Elle aurait quitté le bureau d’Alain Giguère au début du mois d’août de cette année avant de brièvement assumer le rôle de directrice de campagne de la candidate néodémocrate dans Marc-Aurèle-Fortin, Marie-Josée Lemieux.

Elle aurait quitté le 14 août, alors que le NPD était en tête des sondages. La candidate n’aurait pas voulu respecter le contrat qui avait été signé avec le parti.

Le message enregistré de Marie-Josée Lemieux indiquait toujours qu’Audrey Chartier était sa directrice de campagne au moment où le HuffPost a laissé un message à son bureau de campagne.

Hélène Leblanc, Marie-Josée Lemieux et Alain Giguère n’ont pas donné suite à nos demandes d’entrevue.

Manon Perreault avait accusé Danielle Bédard de vol.

Casse-tête juridique

Danielle Bédard, avocate de formation, ne comprend pas pourquoi seul son dossier a obtenu gain de cause contre le NPD. Elle dénonce les « moyens utilisés par le NPD et le syndicat pour repousser, faire tomber ou ignorer » les plaintes et les griefs des employés, dans une lettre ouverte qui n’a jamais été publiée dans les médias.

Elle n’a jamais reçu sa rémunération rétroactive et le retour de ses avantages sociaux à l’époque. Le NPD avait argué que Manon Perreault était l’employeur et non le parti.

« [Le NPD et le syndicat] épuisent tellement les employés qu’à un moment donné, ils laissent tomber. Si [les anciens employés] veulent faire quelque chose, il faut qu’ils prennent les procédures judiciaires », dénonce-t-elle.

Bouchra Taïbi s’est rendue compte qu’elle n’était pas la seule dans sa situation. Elle s’inquiète d’autant plus que la députée n’a pas été réélue aux dernières élections.

« Du côté du NPD, ils prétendent qu’ils ne sont pas les employeurs, que c’est la députée, ensuite on me dit que c’est le Parlement. En ce moment, je paie un avocat pour savoir qui est l’employeur, quelle est la valeur de la convention collective, plutôt que de défendre mes droits. »

« J’ai l’impression d’être face à un vide juridique, déplore-t-elle. Je suis tellement dans une situation nébuleuse que je ne sais pas ce qui pourrait m’aider. Rendu à ce stade-ci, je vais considérer tout ce qui pourrait m’aider. »

Le NPD est le seul parti fédéral syndiqué. Les relations de travail au sein du caucus sont régies par les règlements de la Chambre des communes et par une convention collective entre les députés du NPD et la section 232 des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce Canada (TUAC).

« Il s’agit d’une situation unique au Parlement et les néo-démocrates en sont fiers. Loin d’avoir été ignorés, tous les cas que vous mentionnez ont suivi les processus établis », a répondu Sophie Chavanel, directrice adjointe des communications du NPD.

Depuis l’année dernière, toutefois, le Parlement s’est doté d’une nouvelle politique sur la prévention du harcèlement qui s’applique aux députés et à leurs employés, ainsi qu’aux employés des bureaux de recherche.

Le bureau du président de la Chambre des communes, Andrew Scheer, avait justifié l’utilité d’un tel mécanisme après que deux députées du NPD aient formulé des allégations à l’endroit de deux députés libéraux.

Massimo Pacetti et Scott Andrews ont été expulsés du caucus libéral.

Une « incohérence fondamentale »

Les « victimes du NPD » questionnées par le HuffPost ont pour la plupart déposé des griefs pour harcèlement ou congédiement illégal, mais disent n’avoir eu aucun suivi de leur syndicat.

« Il a fallu que je me batte avec ma représentante syndicale de l’époque pour déposer un grief », dénonce Martine Locas-Beauchesne, une ancienne employée qui a été transférée dans trois bureaux de députés.

La jeune mère venait de vivre une année difficile avec la naissance de son premier enfant handicapé. Quelques semaines après son congédiement - sans préavis et illégal, à son avis – elle a avalé un pot de pilules.

Aujourd’hui, elle tente tant bien que mal de remonter la pente. « J’aimerais des excuses, dit-elle. Par contre, des excuses ne me ramèneront pas ma santé mentale. »

« Pour nous, c’est inconcevable que le NPD, à l’interne, ne respecte pas ce qu’il met de l’avant au niveau politique. Pour nous, il y a une incohérence fondamentale là-dedans », martèle son conjoint Maxime Beauregard Dionne, anciennement agent de correspondance du NPD pour le Québec.

Questionné sur les délais raisonnables de la résolution d’un conflit de travail, le président du syndicat n’a pas fourni une réponse claire.

« Chaque cas est différent et peut prendre plus de temps ou moins de temps dépendant sur les faits. S'il y a un procès devant les tribunaux ça peut prendre beaucoup plus de temps », a répondu Tom Shannon, président de la section locale 232 des TUAC, par courriel.

Le responsable des ressources humaines du NPD, Sami El Euch, a refusé de répondre aux questions du HuffPost. « Ce sont les communications qui vont vous contacter », s’est-il contenté de répéter lorsqu’il a été questionné au sujet des accusations d’ex-employés.

Maintenant que des dizaines de députés néodémocrates au Québec devront mettre à pied leurs employés, à leur tour, Danielle Bédard est convaincue que d’autres histoires semblables à la sienne feront surface.

Si 10 anciens employés ont décidé de s’afficher publiquement, il y en a beaucoup d’autres qui n’osent pas parler pour le moment à son avis.

« Le fait de savoir qu’on n’est pas seuls – c’est ce qui me motive à continuer », ajoute Danielle Bédard.

Le NPD, qui comptait 54 députés au Québec au déclenchement des élections, n’a fait élire que 16 députés en 2015.

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