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Référendum de 1995 : « On a évité un désastre », selon l'ancien premier ministre Jean Charest (ENTREVUE)

«On a évité un désastre» en 1995, selon Jean Charest

Avec ses déclarations enflammées, Jean Charest criait « Non » sur toutes les tribunes il y a 20 ans. Retour dans le passé avec celui qui a sans doute contribué à « sauver » le Canada.

Le 17 septembre 1995, un jeune Jean Charest est arrivé très malade, avec la voix enrouée, à un rassemblement à Saint-Joseph-de-Beauce. Il a brandi un passeport canadien, un « symbole fort » de ce à quoi les Québécois devraient renoncer si le Oui l’emportait au second référendum.

«Lorsque vous irez voter le 30 octobre, lorsque vous irez dans l'isoloir, faites-vous donc plaisir, touchez-le donc un peu, votre passeport. Et lorsque vous sortirez de l'isoloir, sortez avec votre passeport dans les mains, plutôt que de le laisser dans les mains de Jacques Parizeau», s’était-il exclamé.

Jean Charest était alors chef du Parti conservateur du Canada et l’unique député d’un parti décimé après le départ de Brian Mulroney et l’échec de l’accord du Lac Meech. L’ancien politicien parle d’une « période très noire » pour les conservateurs.

« À ce moment-là, je ne suis pas du tout sur l’écran radar, je suis en charge d’un désastre. Il fallait tout reconstruire de A à Z », décrit-il.

Qui plus est, le jeune politicien devait faire front commun avec son adversaire, le premier ministre libéral Jean Chrétien, et le porte-parole officiel de la campagne du Non, le chef libéral provincial Daniel Johnson, afin de convaincre les Québécois de rejeter l’idée de la séparation.

Au moment où Jean Charest a brandi le passeport de son ami – le sien était vert, comme tous les députés fédéraux – le camp du Non menait dans les sondages. La situation allait changer après l’Action de grâces, quand Lucien Bouchard ferait son entrée en scène pour fouetter les troupes de Jacques Parizeau.

Celui qui allait faire son entrée au provincial admet avoir marqué les esprits en ce jour du 17 septembre. « Le défi de communication était énorme, raconte Charest. Mais on a réussi à capturer l’essence de notre message en une image. »

Cet épisode le suivra quelques années plus tard, quand il perdra son propre passeport lors d’un voyage à l’étranger. En téléphonant aux bureaux du gouvernement, une employée lui demandera s’il est le Jean Charest.

« Vous ne l’avez pas laissé sur le podium en 1995? » lancera-t-elle à la blague.

« On a évité un désastre »

Vingt ans après les faits, Jean Charest ne critique pas l’ancien premier ministre Jean Chrétien, qui n’aurait pas pris la menace souverainiste au sérieux en 1995 selon plusieurs observateurs.

« Personne ne pouvait se préparer au lendemain du référendum, estime Charest. Je reproche au camp du Oui leur manque de préparation, ce sont eux qui nous ont menés vers cette situation-là. »

Le Non a finalement gagné par 50,6% des voix, soit quelques milliers de votes au Québec. C’est à se demander si « l’effet Charest » - surnommé « Capitaine Canada » par les médias anglophones – a fait la différence entre une victoire ou une défaite des fédéralistes.

Le soir du 30 octobre 1995, le chef conservateur écoutait les résultats avec son épouse Michèle Dionne et de proches conseillers dans un hôtel au centre-ville de Montréal.

Quand est venu son tour de s’adresser à la nation, les réseaux de télévision l’ont coupé pour diffuser le discours du premier ministre Jean Chrétien. Comme dira son épouse après coup, Jean Charest a prononcé un bon discours, mais personne ne l’a entendu.

Le politicien à la retraite répète que son engagement politique s’est toujours articulé autour de la protection de l’unité canadienne. Mais jamais il n’aura vécu un moment « aussi intense » dans toute sa carrière que le référendum de 1995.

À son avis, « on a évité un désastre » ce jour-là. « Personne ne sait ce qui serait arrivé après [la victoire du Oui]. »

Par la suite, Jean Charest a repris les rênes du Parti libéral du Québec. Il a entre autres créé la Conseil de la fédération en 2003 afin de rassembler les gouvernements provinciaux au Canada.

Après neuf ans au pouvoir, qui s’est terminé avec une crise sociale sans précédent, l’ancien premier ministre a démissionné en 2012 pour céder sa place au gouvernement péquiste de Pauline Marois. Il n’a duré que 18 mois.

« L’idée de la souveraineté a mal vieilli », souligne Jean Charest. Il croit que les Québécois peuvent s’ouvrir au monde tout en restant à l’intérieur du Canada.

Maintenant que Pierre Karl Péladeau est à la tête du Parti québécois pour faire du Québec « un pays », « Capitaine Canada » pourrait-il brandir son passeport à nouveau au besoin?

« Je ne sais pas. On ne voit pas de référendum à l’horizon de toute façon, dit-il en riant, à l’autre bout du fil. Je ne ferme pas la porte à l’idée d’aider mon pays. »

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