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«Five Kings – L'histoire de notre chute» à l'Espace GO: théâtre de la démesure (VIDÉO)

«Five Kings»: théâtre de la démesure (VIDÉO)

Cinq heures pour raconter le cycle des rois : Richard II et III, ainsi qu’Henry IV, V et VI. Cinq monarques ayant marqué l’histoire et inspiré plusieurs grands noms de l’art, tels William Shakespeare et Orson Welles, le réputé cinéaste qui a présenté la moitié du Five Kings en 1939 à Boston, où il a connu un échec retentissant. Quelque 76 ans plus tard, quatre créateurs québécois s’inspirent de son œuvre et proposent une pièce de théâtre de cinq heures.

Aux côtés de Patrice Dubois, Martin Labrecque et Olivier Kemeid, le metteur en scène Frédéric Dubois a pris grand soin de cibler la couleur de chacun des rois :

Richard II : « C’est le roi poète dans un temps ancien qu’on ne connait plus. Un homme sans famille, seul et isolé. Il a une manière plus humaine de faire la politique, à une époque où l’ironie et la perversion n’existaient pas. Quand on détruisait l’autre, on le pleurait. »

Henri IV et V : « Père et fils, deux générations qui ne se comprennent pas. Ils ne peuvent s’entendre sur la manière d’envisager le futur, la vie politique et familiale. Le fils connait la haute et la basse société; il est considéré par son père comme un déchet. »

Henri VI : « Le roi faible qui ne sait pas régner, qu’on manipule et qu’on détruit. »

Richard III : « Le roi qui anéantit, celui qui doit tuer tout le monde pour exister. Il est plus dans la communication et dans l’image que dans le propos. C’est le pouvoir tel qu’il est aujourd’hui. »

L’autrefois d’aujourd’hui

La comparaison avec la société actuelle n’est pas fortuite. L’équipe de Five Kings a transposé l’histoire de ces rois dans une époque plus près de nous. Cinq périodes nommées par les dramaturges comme le temps des paires, le temps des poètes, le temps des héros, le temps des barbares et le temps des bouffons.

« En les mettant sur une ligne du temps récente et connue, on donne aux spectateurs des images et des références claires, affirme Dubois. Shakespeare lui-même racontait les histoires des grands-pères et des arrière-grands-pères du roi en place. Il installait une base narrative que tout le monde pouvait s’approprier. De notre côté, en campant Richard II en mars 1965, par exemple, on lui donne une existence plus réelle, reconnaissable et appropriable. »

Des années 60 revendicatrices aux années 70 hippies, en passant par l’époque 90-2000 à la Tarantino et un écho au monde d’aujourd’hui, les spectateurs verront des distinctions très claires. Tant dans le style des vêtements que dans la tenue des corps, le vocabulaire employé, la manière de jouer, d’écrire les dialogues et de considérer son prochain.

Une manière originale d’aborder un siècle de guerres fratricides en conservant le matériel le plus vibrant de chaque histoire. « Ce sont des rois, mais surtout des pères, des fils, des mères et des filles. Oui, on aborde la royauté et les volontés politiques, mais ce qui nous intéressait le plus, c’était les mécanismes familiaux. J’ai l’impression que lorsqu’on veut dépeindre le pouvoir, on tombe vite dans une espèce de préjugé. Comme s’il y avait quelque chose qu’on ne maîtrisait pas là-dedans. Quand on assoit l’idée du pouvoir sur un élément concret comme la cellule familiale, tout a plus de sens. »

Couper pour mieux toucher

Olivier Kemeid a limité le nombre de personnages à 42, en s’assurant que chaque acteur ne joue pas plus d’un rôle par pièce. « On devait s’imposer des lignes de conduite pour raconter l’histoire avec simplicité, fluidité et intelligence », souligne Dubois.

Tout pour ne pas se casser la gueule comme Orson Welles à l’époque. « Welles avait une démesure à n’en plus finir. Dans ses films et ses autres projets, il avait tellement d’ambitions qu’il n’avait peut-être pas les moyens de les réaliser. Il tournait jusqu’à ce qu’il manque d’argent, prenait un temps d’arrêt et reprenait parfois cinq ans plus tard. Dans son projet 3 Kings, et non cinq puisqu’il ne l’a jamais fini, il avait 342 personnages! Ça donne une idée du nettoyage que nous avons fait. »

Une simplification qui permet de limiter cette épopée à un spectacle de cinq heures. « C’était un objectif de production. Quand j’ai mis en scène Vie et mort du roi boiteux, qui durait 15 heures, on n’avait pas d’argent et presque tout était fait bénévolement. On ne voulait pas reproduire ça, cette fois. Il nous fallait donc une limite. »

Une soirée entière que les amateurs dédieront au théâtre en se préparant psychologiquement. « En assistant à des spectacles-fleuves, les spectateurs se mettent dans une posture différente : une manière d’arriver et de s’installer pour regarder cette chose. On observe une espèce de communion. De notre côté, on demeure très sensible au rythme de la pièce. Il n’y a jamais une partie qui dure plus que 80 minutes. C’est palpitant et enlevant! »

La pièce Five Kings — L’Histoire de notre chute sera présentée à l’Espace GO du 20 octobre au 8 novembre 2015. Cliquez ici pour plus de détails.

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