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Syrie: incursion photo dans la vie quotidienne

Syrie: incursion photo dans la vie quotidienne
Jules Gauthier

Que se passe-t-il dans ces territoires où l’armée syrienne est toujours présente? Depuis le début du conflit, peu de photos et de vidéos proviennent de ces endroits, une sorte de black-out médiatique. Le régime syrien, il est vrai, n’a jamais favorisé grandement la liberté d’expression et de presse, très peu de journalistes étrangers ont eu la possibilité de rentrer sur le territoire syrien pour couvrir la crise du côté gouvernemental.

Aujourd’hui, à la suite des offensives fulgurantes du groupe djihadiste État islamique dans les provinces de l’est, le gouvernement syrien ne contrôlerait qu’à peine 30% de son territoire. Cet État, qui comporte encore plus de 50% de la population, consiste désormais en un couloir partant de la province côtière de Lattaquié, au nord, et s’étirant jusqu’à Damas, au sud.

Scènes de vie en Syrie

Damas, capitale du pays, est la forteresse du régime. Depuis 2012, les rebelles essayent d’en prendre le contrôle, mais sans réel succès. Les forces gouvernementales pilonnent quotidiennement les quartiers tenus par l’opposition. Malgré la proximité des combats et le vacarme des bombardements, la vie semble continuer normalement dans la vieille ville de Damas. Le vieux souk Al-Hamadiyeh est grouillant de monde, les Damascènes déambulent inlassablement dans les petites ruelles de Bab Touma, les restaurants ne désemplissent pas et les embouteillages continuent d’asphyxier quotidiennement la ville.

À une cinquantaine de kilomètres de là, le petit village chrétien de Maaloula est un symbole de la résistance du régime baasiste face à la rébellion. Niché dans la région montagneuse du Qalamoun, Maaloula fut le théâtre d’intenses combats en septembre et octobre 2013 entre les forces syriennes et les rebelles. Aujourd’hui, l’armée en a repris le contrôle et le calme est revenu dans cette petite bourgade où l’on parle toujours l’araméen. Le père Toufic Eid, curé de la paroisse, affirme que les familles musulmanes et chrétiennes reviennent enfin cohabiter ensemble dans ce village troglodyte.

Un peu plus au nord, Homs, connue sous le nom de «capitale de la révolution», ressemble à Beyrouth aux débuts des années 90. Les combats y ont cessé en mai 2014, laissant des quartiers entiers complètement dévastés. Certaines banlieues ne sont plus qu’amoncellement de gravats où la mauvaise herbe ne fait que pousser. De nombreux habitants ayant fui les violences reviennent néanmoins peu à peu dans leurs quartiers. La plupart d’entre eux ne se font pas d’illusion cependant, malgré la présence militaire accrue dans la ville et la région, les combattants de l’État islamique ne sont qu’à 60 km et constituent ainsi une nouvelle menace pour cette cité meurtrie.

Pour rejoindre Alep (nord-ouest) à partir de Homs, l’armée, tout comme les civils, doit emprunter une misérable route goudronnée. Construite au beau milieu du désert pour contourner les lignes de front, cette petite route permet de ravitailler la partie gouvernementale de la ville qui abrite encore 2 millions d’habitants. Alep n’a rien à voir avec les autres villes du pays, les combats y sont quotidiens et d’une rare intensité depuis 2012. La situation humanitaire y est déplorable; la population s’est fortement appauvrie, les commerces ont fermé, l’eau et l’essence sont devenues des denrées rares et il n’y a presque pas d’électricité.

D’une richesse et d’une beauté sans pareil, la vieille ville d’Alep est maintenant défigurée par des affrontements impitoyables dont il est, à l’heure actuelle, difficile d’en connaître la finalité. En effet, l’Iran, fidèle alliée d’Assad, considère que le régime n’est plus en mesure de tenir Alep indéfiniment et qu’il doit, au contraire, concentrer ces forces sur la protection de la «’Syrie utile». Un abandon de la ville par l’armée pourrait être fatal pour Assad. Ce geste donnerait l’impression que le régime n’est plus en mesure de défendre les populations dans ses bastions.

La vie est tout autre dans les provinces côtières de Tartous et de Lattaquié, fiefs incontestables du régime. Peuplées majoritairement par des Alaouites, la confession religieuse du clan Assad, ces régions n’ont pas subi de violences comme le reste du pays. Néanmoins, elles ont payé un lourd tribut en envoyant aux combats des milliers de jeunes hommes qui ne sont jamais revenus. Partout, des images de martyrs côtoient les portraits de Bashar al-Assad dans les vitrines des magasins et le long des routes. À Lattaquié, grande cité portuaire, les gens continuent à se rendre à la plage et à festoyer dans les restaurants en bord de mer alors que les rebelles ne sont qu’à 30 kilomètres de la ville, dans les montagnes. Les Alaouites ont peur, ils savent très bien que si leur région tombe aux mains de l’opposition, des massacres pourront avoir lieu en guise de vengeance.

Pour combien de temps encore cette Syrie en sursis tiendra-t-elle le coup face à cette myriade de groupes rebelles? L’armée syrienne est aujourd’hui très affaiblie par plus de 4 ans de guerre, près de 80 000 soldats et miliciens pros-régime ont perdu la vie dans les combats et le renouvellement des effectifs est de plus en plus complexe. Malgré l’aide militaire et logistique apportée par le Hezbollah libanais, l’Iran et la Russie, le régime ne parvient pas à stopper efficacement la progression des rebelles et autres milices djihadistes qui menacent, plus que jamais, les grands centres urbains et les populations de cette Syrie loyaliste.

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