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«Trop humain» de Guillaume Wagner: regard affûté

«Trop humain» de Guillaume Wagner: regard affûté
David Kirouac

Le regard affûté de Guillaume Wagner mène la vie dure à l’imbécillité humaine dans Trop humain, nouveau spectacle de l’humoriste, officiellement lancé en première au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, mardi.

Trop humain ne signifiant pas nécessairement mielleux ou conciliant, le jeune trentenaire poursuit aujourd’hui le travail amorcé il y a trois ans – presque jour pour jour - dans Cinglant, son premier one man show, où il dévoilait ses couleurs décapées et décapantes. Son talent de fin observateur et son esprit critique constituent encore les principaux véhicules de son humour.

Guillaume Wagner s’impose comme l’un des plus sincères et fervents représentants de cette génération Y qui s’insurge, dénonce et confronte ses baby boomers d’aînés, mais aussi les congénères de son groupe d’âge, en les prenant un brin de haut, pour mieux relever leurs erreurs, leurs contradictions, leur legs – dans le premier cas - et, s’il y a lieu, leurs absurdités.

Il n’est pas de cette tranche de jeunes qui carburent aux selfies et aux apparences, il est plutôt de ceux qui ne craignent pas de s’exprimer réellement, en termes crus, pour nous indiquer clairement il est où, le problème. Il n’apporte peut-être pas de solutions, mais pose à tout le moins le pied dans la bonne direction. Qui l’aime le suive.

Le tapis rouge et le spectacle en images:

Guillaume Wagner - Trop humain

Franchise et «front de bœuf»

Wagner est l’un des visages de cette relève nécessaire en humour, qui ne donne pas dans la complaisance ou dans le gag facile sur la vie de couple ou dans l’anecdote minutieusement décortiquée, mais qui excelle plutôt dans l’art de nous montrer nos bobos, de mettre le doigt dessus et de les gratter jusqu’à ce qu’ils saignent dans l’espoir de, peut-être, un jour, nous en faire prendre conscience. «Réveillez-vous», aurait pu être le titre de ce deuxième effort en carrière.

Chez Wagner, franchise, «front de bœuf», cynisme et authenticité s’imbriquent et débouchent sur un propos pertinent, pas toujours réjouissant, mais toujours intéressant, condensé dans un monologue-fleuve de 90 minutes très imagé, dont il est difficile d’extraire des blagues hors du contexte, au risque de ne pas rendre justice à l’œuvre dans son ensemble.

Disons simplement, en guise d’exemple, que Guillaume compare l’être humain à un chien pour mieux évoquer son aveuglement volontaire ou son manque de profondeur, traite de l’opinion sous plusieurs formes, dénigre gentiment le besoin d’attention de ses collègues du show-business, énumère les difficultés d’être une «bonne personne» en ce bas monde, trace des analogies avec le végétarisme, vante la capacité des femmes de donner naissance à des bébés, souligne la virilité des homosexuels – c’est là l’un des segments les plus drôles -, s’attarde au budget des mieux nantis et termine sur un épisode de sa jeunesse, où il est question d’un cours de théâtre qui a, un peu, forgé l’être qu’il est aujourd’hui.

C’est un résumé un peu vague, on en convient, mais dans sa bouche, tout coule de source. Suffit de l’écouter attentivement. Notons que quelques numéros ont été entendus au Festival Juste pour rire cet été, mais la majorité du matériel de Trop humain est encore inédit.

Humilité

Wagner n’est pas un rayon de soleil qui déride avec son humour bon enfant ; il le clame lui-même, il est négatif et asocial, et martèle de son propre gré qu’il est là pour «nous rappeler le monde de marde dans lequel on vit», et non pas pour nous en éloigner.

Donc, pourquoi aller voir Trop humain – au coût de 30$, prix fixé par sa tête d’affiche, non seulement par respect pour le portefeuille de son public, mais aussi pour avoir le droit de se permettre de dire tout ce qu’il veut, quand il le veut -, si on risque d’en sortir fâché, insulté ou même vexé?

Pour le propos. Pour réfléchir. Pour se moquer de soi-même, des autres, de la collectivité, de la société. Pas pour se tordre d’hilarité, se taper sur les cuisses ou avoir mal aux joues. Mais pour faire acte d’humilité, se pencher sur nos travers et, pourquoi pas, songer à s’améliorer. Individuellement et collectivement. On se reconnaîtra tous à un moment ou un autre de la prestation, on baissera parfois les yeux de gêne, mais pourquoi pas, si le constat nous permet d’avancer.

Certes, le garçon est un tantinet imbu de lui-même, mais comment pourrait-il avoir un tel aplomb sur scène et nous débiter autant de vérités s’il n’était pas aussi confiant? Intègre, Guillaume Wagner incarne justement l’un des points soulevés dans Trop humain, lorsqu’il déplore le malaise des Québécois devant l’intelligence, l’ambition et la confiance en soi.

Et, puisqu’il est question d’humilité, soulignons que Marie-Élaine Thibert, cible d’une blague «méchante» de Guillaume dans son premier spectacle, Cinglant, était présente à la première médiatique de Trop humain, mardi. Comme quoi Guillaume Wagner est aussi capable de faire ce qu’il nous demande : se courber sur son propre nombril et admettre ses lacunes.

Guillaume Wagner présentera à nouveau Trop humain ce mercredi, 7 octobre, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, et en supplémentaires les 8 et 9 avril 2016 au Théâtre St-Denis. Il s’arrêtera à la Salle Albert-Rousseau, à Québec, le 13 octobre. Consultez son site officiel pour toutes les dates.

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