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Les «vétérans atomiques» immortalisés au Musée canadien de la guerre à Ottawa (VIDÉO)

Les «vétérans atomiques» se souviennent (VIDÉO)

OTTAWA - « Il a eu neuf cancers… cinq à la tête, un sur les tempes, un au larynx et à la prostate. Il est mort du cancer du poumon. »

Le mari de Claire Mitchell faisait partie des 40 « vétérans atomiques » qui ont subi d’importantes radiations dans le désert du Nevada à l’été 1957. Une mission menée dans le plus grand secret à une époque où l’on craignait devoir utiliser la bombe atomique contre les Russes.

Le Musée canadien de la guerre d’Ottawa a intégré ce segment sombre de l’histoire dans son exposition consacrée à la Guerre froide.

« Vous pensez que c’est normal d’avoir neuf cancers? C’est pour ça que je suis ici », explique la veuve.

Le Canada avait accepté d’envoyer de ses soldats comme cobayes afin de comprendre comment ils réagiraient à l’explosion d’une bombe atomique, sans savoir que ceux-ci souffriraient de graves problèmes de santé quelques années plus tard.

Claire Mitchell s’estime chanceuse de ne pas avoir eu d’enfants. Ils auraient pu être mort-nés ou souffrir de graves déformations en raison des ondes radioactives qui ont frappé de plein fouet les « vétérans atomiques ».

Ceux-ci se trouvaient parfois à moins de 1000 mètres de la détonation, en chaîne humaine dans des tranchées qu’ils avaient creusées. L’explosion terminée, ils devaient être déterrés sous le sable, puis se diriger vers Ground Zero en formation militaire.

Non seulement ils ont survécu à des détonations jusqu’à deux fois plus puissantes qu’Hiroshima, mais ils n’étaient pas protégés. Tout au plus, ils enlevaient la poussière de leurs vêtements et prenaient une douche, raconte Claire Mitchell.

Ce qu’elle ne comprend pas, c’est pourquoi les chercheurs – qui étaient plus loin que les soldats – étaient munis d’un équipement complet. « Quelqu’un savait, de toute évidence! Pourquoi étaient-ils là? Pourquoi étaient-ils couverts? »

En 2008, le gouvernement Harper annonçait qu’il octroyait une indemnisation financière de 24 000$ pour chaque vétéran. En comparaison, les soldats américains ou leur famille avaient reçu 75 000$ US chacun.

« Je l’ai déjà dit à l’époque : c’est une honte nationale, dénonce Claire Mitchell. Mais ce que j’ai oublié de mentionner, c’est que les observateurs qui étaient protégés des radiations ont aussi reçu de 24 000$. Ce n’est pas juste. »

Elle croit que le chèque, qu’elle a elle-même reçu après la mort de son mari, n’était pas assez suffisant pour les autres veuves qui avaient des enfants à leur charge pendant que leur mari était mort ou malade.

« Au moins, nous avons reçu quelque chose », réplique Alan Bunt, l’un des seuls survivants de l’été 1957.

Il critique pour sa part le gouvernement libéral de Jean Chrétien, qui aurait ignoré les vétérans atomiques à son avis. « Pendant des années, sous le gouvernement libéral, nous n’avons jamais rien eu. Ils savaient qui nous étions, j’en suis certain. »

Ces survivants sont passés inaperçus pendant longtemps, puisqu’ils n’avaient pas le droit de parler de ce qu’ils avaient vécu au Nevada selon la Loi sur les secrets officiels.

Dans le documentaire Bombes à retardement des Productions de la Ruelle en 2007, on peut voir le combat du vétéran Jim Huntley pour obtenir une reconnaissance et une compensation monétaire du gouvernement canadien.

S’il avait offert une maigre pitance, le ministre de la Défense d’alors, Peter MacKay, n’avait offert aucune excuse au nom du gouvernement canadien.

«Tous ceux et celles qui ont servi et qui servent leur pays méritent le respect, l'admiration et la gratitude de leurs concitoyens», avait-il déclaré par voie de communiqué à l’époque.

Qu’importe, après la saga judiciaire qui a duré plusieurs années, Jim Huntley croit que le gouvernement a d’autres chats à fouetter. Il critique le système de pensions, qui n’est plus assez généreux pour les vétérans.

« OK, tu as perdu deux jambes, alors voici 250 000$, tu poursuis ton chemin et [le gouvernement] n’a plus rien pour toi après », illustre-t-il.

« Leur système maintenant est qu’ils donnent une pile d’argent qui semble suffisante, mais 20 ans plus tard, où es-tu? Probablement sur le trottoir, en train de vendre des crayons à mine! »

Tout comme Claire Mitchell, il est convaincu que le prochain gouvernement devrait dépenser l’argent qui dort dans les coffres de l’État pour aider ceux et celles qui ont risqué leur vie au combat et qui se retrouvent sans ressources à leur retour.

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