La Ville de Montréal admet avoir besoin du feu vert d'Environnement Canada avant de déverser 8 milliards de litres d'eaux usées dans le Saint-Laurent. Les deux parties sont en discussion même si le ministère fédéral a déjà indiqué à Radio-Canada qu'il ne peut pas autoriser ce type de rejet, sans donner beaucoup de détails.
Un article de Bahador Zabihiyan
Vendredi dernier, la Ville de Montréal a confirmé qu'elle rejetterait le tiers de ces égouts dans le fleuve durant une semaine, mi-octobre.
Le maire Denis Coderre avait demandé auparavant que la décision soit réévaluée. Mais il a été conclu qu'il s'agissait de la seule option pour permettre la construction d'une nouvelle chute à neige dans le cadre des travaux de réaménagement de l'autoroute Bonaventure.
La Ville a déjà obtenu l'aval du ministère québécois de l'Environnement, mais voilà qu'elle indique qu'elle aura aussi besoin du feu vert d'Environnement Canada.
« Oui, ça prend une autorisation, c'est pour ça qu'on l'a demandée », indique Valérie De Gagné, relationniste à la Ville de Montréal. Environnement Canada devrait donner sa réponse dans quelques jours, selon elle.
« Ça prend une réponse à savoir si leur autorisation va être donnée à la Ville. C'est la même chose que l'on avait demandée à Québec, en fait. »
— Valérie De Gagné, relationniste de la Ville de Montréal
Or, rien n'indique que le fédéral dira oui à Montréal.
En réponse à une demande de Radio-Canada, Environnement Canada indique qu'il « ne peut pas autoriser ce type de rejet d'eaux usées [...] en vertu du Règlement sur les effluents des systèmes d'assainissement des eaux usées. »
« La Loi sur les pêches interdit les rejets non autorisés de substances nocives dans les eaux où vivent des poissons », affirme la porte-parole Barbara Harvey, par courriel.
À la Ville, Valérie De Gagné refuse de commenter la réponse d'Environnement Canada, se contentant d'indiquer que Montréal n'a pas encore reçu de « réponse officielle » du ministère fédéral.
Environnement Canada ajoute dans son courriel être « en communication avec la Ville de Montréal en vue de recueillir des renseignements et d'évaluer les répercussions possibles d'un tel rejet ».
Situation confuse, selon l'opposition
Pour le porte-parole de Projet Montréal dans ce dossier, Sylvain Ouellet, les propos d'Environnement Canada sont difficiles à comprendre. « Ça laisse un peu place à interprétation. Est-ce que c'est un "non" définitif? Ou est-ce que c'est un "non", disant qu'ils n'ont pas encore fini l'analyse? », se demande l'élu de l'opposition.
Le déversement est prévu à la mi-octobre et s'étalera sur plusieurs jours. Mais M. Ouellet estime que cet échéancier va être difficile à respecter.
« Dans tous les cas, ça devient de plus en plus difficile à croire qu'ils vont avoir l'autorisation dans moins de deux semaines. »
— Sylvain Ouellet, conseiller de l'opposition officielle
Or, si les travaux sont retardés, cela risque de poser des problèmes « opérationnel » à la Ville, selon M. Ouellet. « La Ville de Montréal ne veut pas que ça soit l'hiver, parce qu'on veut avoir l'ensemble des chutes à neige disponible dans le cas où il y aurait une tempête de neige », soutient-il.
44 000 signatures contre le déversement en deux jours
En deux jours, une pétition en ligne dénonçant le déversement prévu d'eaux usées dans le Saint-Laurent par la Ville de Montréal a recueilli plus de 44 000 signatures.
La pétition, qui peut être signée de manière électronique seulement, a été mise en ligne par Xavier Nonnenmacher, un résident de Montréal sensible aux enjeux environnementaux.
« Je compte déposer cette pétition à la mairie de Montréal pour montrer qu'il y a des gens qui sont concernés par cette cause. Ça fera peut-être réagir pour réfléchir à une solution de rechange, autre que juste verser 8 milliards de litres d'eaux usées dans le fleuve. »
— Xavier Nonnenmacher, instigateur de la pétition
M. Nonnenmacher indique qu'il n'est affilié à aucun groupe environnemental ou politique. Les signataires demandent que le déversement « soit mis en suspend le temps de trouver une solution de rechange, ou alors le temps que des études sérieuses et poussées démontrent avec certitude que les effets sur l'environnement à court, moyen et long termes seront inexistants ou minimes et sans conséquence », peut-on y lire.
La prochaine séance du conseil est prévue le 26 octobre. En théorie, le déversement prévu aura déjà commencé depuis plusieurs jours. Le bureau du maire n'a pas voulu réagir à la réponse d'Environnement Canada, et a indiqué qu'il allait prendre connaissance de la pétition.