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Élections fédérales 2015: Les affaires étrangères au menu d'un autre débat des chefs

Les affaires étrangères au menu d'un autre débat des chefs
Radio-Canada

Il a bien failli être annulé, mais le débat sur la politique étrangère du Canada, organisé par Munk Debates, a finalement eu lieu ce soir à Toronto devant 3000 spectateurs, et il a donné lieu à des échanges enflammés.

Ce débat opposait les chefs des trois partis officiels représentés à la Chambre des communes, à la dissolution du Parlement, soit le conservateur Stephen Harper, le libéral Justin Trudeau et le néo-démocrate Thomas Mulcair.

Intervention contre l'EI

La participation du Canada à l'intervention militaire contre le groupe armé État islamique (EI) a été le premier thème abordé.

Stephen Harper a notamment plaidé que l'intervention canadienne et l'aide humanitaire faisaient partie d'une réponse « équilibrée » à la crise en Syrie.

L'EI se sert de la Syrie et de l'Irak comme bases pour mener des attaques terroristes et menace le monde et Canada, a-t-il martelé.

Opposé à la mission militaire, son rival néo-démocrate a pour sa part souligné que 60 pays participaient à l'effort international contre l'EI, mais que seuls 12 pays menaient des opérations militaires.

Affirmant que l'implication militaire directe détériorait parfois la situation, Justin Trudeau a estimé que le Canada devrait plutôt former les forces armées locales. Le Canada, a-t-il ajouté, doit miser sur ses forces, comme les missions de paix.

Stephen Harper a fait valoir qu'une mission de paix n'avait pas sa place en Syrie et en Irak.

Les réfugiés

Le chef conservateur Stephen Harper a été l'objet de toutes les attaques au cours du segment sur la crise des réfugiés.

Le chef libéral Justin Trudeau, tout comme son adversaire néo-démocrate Thomas Mulcair, a estimé qu'il fallait que le Canada en fasse plus pour aider les Syriens qui fuient leur pays. M. Trudeau a ajouté qu'on pouvait prévoir qu'il y aurait encore plus de réfugiés à l'avenir, notamment en raison des changements climatiques.

« D'amener des gens ici pour leur donner la chance de réussir, c'est l'histoire même du Canada », a déclaré le chef libéral. « Le monde entier est en train de nous regarder en disant : mais qu'est-ce qui se passe avec le Canada? »

« Ce gouvernement traîne de la patte pour ne pas en faire plus », a lancé Justin Trudeau, dont le parti promet d'accepter 25 000 réfugiés syriens d'ici la fin de l'année. M. Trudeau a rappelé que le gouvernement Harper avait coupé dans les soins de santé offerts aux demandeurs d'asile.

Tant le chef libéral que le chef néo-démocrate ont rappelé des propos de l'ex-général Rick Hillier, qui estimait que le gouvernement pourrait accueillir 50 000 réfugiés d'ici la fin de l'année. « Arrêtez d'utiliser à mauvais escient le prétexte de la sécurité pour ne pas aider les réfugiés », a lancé Thomas Mulcair, dont le parti promet d'accueillir 46 000 réfugiés en cinq ans.

Ce dernier a rappelé que l'ex-ministre de la Sécurité publique Vic Toews avait décrit les occupants du bateau MV Sun Sea, qui a accosté en Colombie-Britannique, comme des terroristes. Toutefois, selon le chef néo-démocrate, nombre d'entre eux ont été admis en tant que réfugiés depuis.

Ottawa a annoncé récemment que tous les Syriens et les Irakiens qui ont fui leur pays seront dorénavant considérés comme des réfugiés, ce qui devrait accélérer le processus d'accueil. Selon lui, ce changement devrait permettre aux 10 000 Syriens attendus d'ici 2018 de pouvoir trouver refuge au Canada d'ici la fin de 2015, de même que 3000 Irakiens.

En début de campagne, le chef conservateur Stephen Harper a aussi promis, s'il est réélu, d'accueillir, d'ici la fin de 2018, 10 000 Syriens et Irakiens de plus que la cible de 10 000 évoquée ci-dessus.

M. Harper a martelé que la solution à la crise ne pouvait se limiter à la politique des réfugiés, mais devait s'accompagner d'aide humanitaire et d'une intervention militaire contre le groupe armé État islamique.

La loi antiterroriste

Dans un segment où le ton a monté - essentiellement celui de Justin Trudeau - les chefs se sont affrontés sur la loi antiterroriste.

Thomas Mulcair a accusé le chef libéral d'avoir eu « peur » de Stephen Harper en votant en faveur du projet de loi C-51, adopté par la Chambre des communes, en juin dernier, même s'il avait exprimé des préoccupations pour le respect des droits et libertés des Canadiens.

Il a affirmé que sa formation avait eu « le courage de ses convictions » en rejetant le projet de loi, comme elle l'avait eu en 1970 en étant la seule à se prononcer contre la loi sur les mesures de guerre.

Cette déclaration a amené le chef libéral à livrer un vibrant plaidoyer en faveur de son illustre père. « Je suis très fier d'être le fils de Pierre Elliott Trudeau et je suis incroyablement chanceux d'avoir été élévé dans ses valeurs », a-t-il rétorqué.

Il a à son tour accusé Thomas Mulcair de brandir la menace d'un État policier, puis accusé Stephen Harper de considérer qu'un « terroriste se cache derrière chaque feuille et chaque pierre ». Il a promis d'apporter des modifications à la loi pour encadrer les pouvoirs des policiers et des forces de sécurité.

« La menace n'est pas le SCRS [Service canadien du renseignement de sécurité], auquel la loi accorde aussi plus de pouvoir, c'est l'EI », a pour sa part argué le chef conservateur.

M. Harper a en outre vanté la loi C-24, entrée en vigueur en mai, qui permet de retirer la citoyenneté canadienne aux individus qui ont une double citoyenneté et qui sont reconnus coupables de terrorisme.

« Vous dévaluez la citoyenneté canadienne », a répliqué Justin Trudeau, coupant à de nombreuses reprises la parole de son interlocuteur, évoquant la création de deux classes de citoyens.

Russie

Le modérateur a demandé au chef libéral quelle approche il aurait face au président russe.

« Nous n'avons plus l'influence nécessaire dans les organisations internationales pour affronter des gens comme Vladimir Poutine », a estimé Justin Trudeau, critiquant le bilan des conservateurs en matière de relations internationales.

Stephen Harper a répondu que son gouvernement avait envoyé un message clair, salué par Kiev, sur le fait que le Canada n'accepterait pas l'invasion de l'Ukraine.

Reprenant un argument utilisé lors du tout premier débat de la campagne, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a accusé M. Harper de ne pas avoir sanctionné deux proches de Vladimir Poutine, l'ex-président des chemins de fer russes Vladimir Yakounine et le président de la pétrolière Rosneft, Igor Setchine, alors qu'ils l'ont été par les États-Unis.

Le chef conservateur a répondu que les Européens non plus ne les avaient pas sanctionnés. Lors du premier débat, M. Harper avait déclaré que « l'objectif est de s'assurer de faire le plus de dommages possible à l'économie russe tout en minimisant les dommages pour notre économie ».

Les relations canado-américaines

Stephen Harper a affirmé travailler « de façon productive » avec les États-Unis, notamment sur des enjeux comme la mission contre l'EI, l'Ukraine et le dialogue sur les changements climatiques.

Mais le premier ministre sortant s'est fait accuser par ses deux adversaires d'avoir mis à mal les relations canado-américaines, notamment avec la question du projet d'oléoduc Keystone XL, auquel le président américain, Barack Obama, a opposé son veto.

Ce n'est pas d'avoir des relations harmonieuses d'affirmer que l'approbation de ce projet est une « évidence » (no-brainer en anglais), a répliqué Thomas Mulcair, qui l'a accusé d'adopter une « mauvaise approche ».

Il a réitéré son opposition à ce projet parce qu'il créerait 40 000 emplois aux États-Unis, disant préférer créer 40 000 emplois au Canada.

« Pas un seul kilomètre de pipeline n'a été construit au Canada » depuis l'arrivée au pouvoir de Stephen Harper, a-t-il rappelé, attribuant la situation à l'absence d'évaluation environnementale crédible.

L'adoption de ce projet est « inévitable », a argué Stephen Harper, qui a affirmé qu'il bénéficiait d'un « immense soutien » des deux côtés de la frontière, y compris auprès des syndicats. Il a présenté ce pipeline comme la « meilleure solution environnementale pour exporter le pétrole ».

« Nous avons un premier ministre qui n'aime pas Barack Obama », a pour sa part affirmé Justin Trudeau, qui a estimé que l'attitude de Stephen Harper menaçait en ce sens les emplois des Canadiens.

Stephen Harper a répliqué qu'il avait une « relation merveilleuse » avec le président Obama, suscitant les rires de l'auditoire.

Passant à l'attaque, il a ensuite affirmé que c'est un éventuel retrait du Canada de l'intervention militaire contre l'EI qui empoisonnerait les relations canado-américaines.

Stephen Harper invoque la position des alliés du Canada « quand ça l'arrange », a riposté Thomas Mulcair, rappelant qu'Ottawa n'avait pas applaudi l'entente sur le nucléaire iranien conclue par les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et Téhéran.

Il a promis que sous un gouvernement néo-démocrate, le Canada serait de nouveau la « voix raisonnable » et qu'il aurait une « politique étrangère indépendante » axée sur la paix et non la guerre.

Alors que Stephen Harper se présentait comme le défenseur d'Israël, Justin Trudeau l'a accusé de faire de cette question un « ballon politique ».

Aide humanitaire

Le chef libéral Justin Trudeau a commencé son intervention en félicitant Stephen Harper pour le programme mis en place pour la santé maternelle. Il a toutefois accusé le premier ministre sortant d'être « pris dans son idéologie » et d'empêcher des femmes d'avoir accès à des services d'avortement sécuritaires.

Cette attaque a été reprise par le chef néo-démocrate Thomas Mulcair, qui a rappelé que « le viol est devenu une arme de guerre » et que ces femmes avaient besoin d'aide.

Le chef conservateur a répondu que l'aide à la santé maternelle devait être utilisée « de façon responsable et efficace ». « Nous cherchons à rallier tous les pays » et ce genre de sujet ne sert pas cette cause, a ajouté Stephen Harper.

Le modérateur Rudyard Griffiths posait ses questions en anglais, mais les chefs pouvaient y répondre dans la langue de leur choix, en vertu de l'entente conclue après que MM. Mulcair et Trudeau eurent demandé que l'anglais et le français occupent une place égale dans le débat.

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